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JANVIER 2015
RÉFORMATION
2017
Nous sommes appelés à une réflexion sur
les 95 Thèses de Luther en vue de la commémoration des cinq cents ans de la
Réformation, prévue pour 2017.
Un premier chapitre concerne l'Écriture
(ou les Écritures). J'y consacrerai les
premiers mois de cette nouvelle année.
- avant
d'interpréter, il faut comprendre; avant de comprendre il faut apprendre; pour
apprendre, il faut entendre -
Plutôt que des 95 Thèses, je vais partir
de la déclaration faite par Martin Luther (note 1) à la Diète (note 2) de
Worms, le 18 avril 1521.
Interrogé par ses juges ecclésiastiques,
Martin Luther termine sa réponse comme suit :
‟ Puisque votre
illustre majesté et vos altesses exigent de moi une réponse catégorique, je la leur donnerai sans cornes ni dents. À
moins que je ne sois convaincu par le témoignage des Écritures ou par des
raisons évidentes, car je ne puis me soumettre aux décisions seules du pape et
des conciles, lorsqu’il est constant qu’ils ont souvent erré et qu’ils se sont
même contredits, je suis lié par les textes de l'Écriture que j'ai cités et ma
conscience est captive des paroles de Dieu. Je ne puis ni ne veux me rétracter
en rien, car il n’est ni sûr ni honnête d’agir contre sa conscience. ”
Après cette déclaration, il ajouta [en allemand] : ‟Me voici, je ne peux
pas agir autrement ; que Dieu me soit en aide. ” (Revue de deux mondes, texte pris sur
Wikipedia)
Banni de l'empire, excommunié de
l'Église, grâce à la protection du grand électeur de Saxe (note 3), il est
caché au château de la Wartburg où il traduit la Bible complète en allemand à
partir des textes hébreu et grec. Cette traduction consacre l'avènement de la
langue allemande (jusqu'ici, il existait plusieurs dialectes allemands, mais
pas une langue propre à tous). Ainsi Luther promeut-il la lecture privée de la
Bible pour tous, qui sera condamnée par le concile de Trente (1545-1563). Au
concile de Vatican 2 (1965-1969), la lecture privée de la Bible sera admise
avec certaines réserves.
Le
discours, cité plus haut (à l'exception de la dernière phrase) est
recomposé, comme tous les discours jusqu'à l'invention de la sténographie (les notarii du Moyen-Âge sont requis pour
d'autres fonctions), il n'en reflète pas moins exactement la situation : a)
Luther change d'autorité religieuse : il soumet l'Église à l'Écriture et non
plus l'inverse ; b) il admet l'usage de la raison dans le dialogue théologique (note
4) ; c) il fait état, non de la liberté de conscience, mais de l'objection de
conscience religieuse.
Dans ces lignes je relève les deux
expressions: "l'Écriture" et "la Parole". Toutes deux
renvoient à la Bible, mais pas de la même manière. L'Écriture concerne une
organisation globale structurée des notions bibliques qui permet
l'interprétation de l'Écriture par
l'Écriture. La Parole évoque la puissance d'une parole biblique pour toucher
les consciences et opérer un changement
d'existence.
(1) Martin Luther, né et mort à
Eisleben, 1483-1546, est élevé dans une religion de la peur et un christianisme
de rites et de mérites, il est religieusement tourmenté.
On lui a présenté la vie de moine comme
une antichambre du Paradis, aussi décide-t-il d'entrer en religion. Il choisit
l'ordre des Augustins (couvent d'Erfurt).
Suite à son saint patron, Augustin, cet
ordre privilégie l'étude de la Bible. C'est, en effet, à la lecture d'un texte
biblique (Romains 13, 13-14) qu'Augustin, jeune homme originaire de l'actuelle
Tunisie, mais vivant alors à Milan, esprit doué, mais menant une vie
désordonnée, changera complètement de manière de vivre, se faisant baptiser,
puis devenant prêtre et même évêque.
Luther devient professeur d'Écriture
sainte. Il commente le texte biblique à ses étudiants. Les Psaumes, l'épître de
Paul aux Galates, puis celle aux Romains. C'est là (Romains 1, 16-17), en 1515
ou 1516, qu'il trouve la réponse à la question fondamentale : comment notre
existence peut-elle être justifiée ? Il est hors de notre portée d'opérer cette
justification de nous-mêmes, elle nous est déclarée dans et par l'Écriture et
reçue par le moyen de la seule foi en cette parole.
Cette découverte tombe au moment-même où
des prêcheurs parcourent villes et villages d'Allemagne en vendant aux gens des
indulgences grâce auxquelles leur temps de purgatoire sera raccourci. Le montant
de ces ventes va servir à l'édification de la Basilique de Saint Pierre à Rome.
Pareil commerce du salut scandalise Luther.
En 1517, il publie 95 thèses contre la
pratique des indulgences et les autres points de la vie de l'Église qui, selon
lui, doivent être réformés. En 1521, il publie un Appel à la noblesse de la nation allemande en qui il voit les
artisans possibles de la réformation indispensable. La même année, il publie
encore deux autres livres: La Captivité
babylonienne de l'Église (un programme de réformation de l'Église) et La Liberté du chrétien (une description
de la vie chrétienne selon l'Écriture).
(2) La Diète est une Assemblée des
princes et du haut clergé de l'empire (Allemagne, Autriche et divers royaumes
ou principautés). L'empereur, Charles Quint (1500-1558), vient d'être élu
(1519) contre la candidature de François 1er. Élection qui sera qualifiée de
prévarication: avec de l'argent avancé par le banquier Fugger, d'Augsbourg, le
candidat Charles de Habsbourg avait acheté le vote des principaux électeurs.
(3) Il y avait un précédent historique:
Jean Hus (1370-1415), réformateur tchèque, avait répondu à une convocation au
Concile de Constance (1414-1418), muni d'un sauf-conduit de l'empereur
Sigismond (Sigismond de Luxembourg), il devait être protégé, il sera néanmoins
arrêté sur place, condamné puis brûlé vif (1415).
(4) Tout en disant, comme Descartes (Méditations), que, avec la raison, nous
pouvons soutenir aussi bien une opinion ou une autre, il reconnaît pleinement
son usage dans la vie courante et la pensée. Concernant le discours du salut
par la foi, il use d'une dialectique des contraires (nous sommes à la fois
justes et pécheurs, à ne pas confondre avec le oui-mais du manque de foi) qui vient
de l'apôtre Paul (‟Nous prêchons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs et
folie pour les non-Juifs, mais puissance de Dieu et sagesse de Dieu”, 1
Corinthiens 1, 23-24) qui servira de modèle à Hegel (1770-1831 : thèse,
antithèse, synthèse) et que Karl Barth (1886-1968) reprendra avec sa
dialectique du "malgré tout" (‟Malgré les limites de notre raison et
les révoltes de notre cœur, nous croyons en Dieu”, extrait de sa confession de
foi).
1517,
Dispute de Heidelberg : Luther y définit, en particulier, la théologie de la
Croix (théologie du Sauveur crucifié voir, 1 Corinthiens 1,13), contre la
théologie de la Gloire, (théologie scolastique qui est une spéculation
humaine).
1519,
Dispute de Leipzig : entre
le théologien Eck, envoyé du Saint-Siège pour ramener Luther à la bonne
doctrine. À ce moment, Luther est allié aux humanistes (humanistes du Nord)
avec lesquels il rompt ensuite (débat avec Érasme qui soutenait le libre
arbitre humain alors que Luther le niait)
1521,
Diète de Worms :
Luther est sommé de renoncer à ses idées, il ne se rétracte pas : ‟Que Dieu me
soit en aide”. Année où Luther publie ses trois grands écrits réformateurs : Adresse à la noblesse allemande, La captivité
babylonienne de l'Église , De la liberté du chrétien, avant de se mettre à
la traduction de la Bible en allemand.
1526,
Diète de Spire : où
les princes attachés aux idées de Luther reçoivent pour la première fois le
sobriquet de "protestants".
1530
: Confession d'Augsbourg : rédigée par Philipp Melanchthon, elle expose les
grands acquis de la Réformation luthérienne.
Une écoute du langage de l'Écriture
Il ne s'agit plus de tirer divers sens
de l'Écriture, mais de se mettre à son écoute.
Adoptant cette attitude, Luther
(1483-1546) ne cherche plus les quatre sens (ou plus) de l'Écriture, comme le
Moyen-Âge occidental, il écoute ce qu'elle dit, à savoir : la Loi ou
l'Évangile. Pour lui, la Loi caractérise essentiellement le Premier Testament
et l'Évangile, le Nouveau Testament. Calvin (1509-1564) est plus équitable, il
entend le Loi et l'Évangile aussi bien dans le Premier Testament que dans le
Nouveau Testament.
Pour Luther, l'unité de l'Écriture se
trouve assurée en ceci : la thèse libératrice de la justification par la
foi, se trouve toujours de nouveau attestée de multiples façons à travers
toutes les Écritures, leur donnant ainsi leur unité. La justification par la
foi devient ainsi ce que l'on a appelé le "canon dans le canon".
Calvin, lui fait appel au Saint Esprit: c'est le témoignage intérieur (secret)
du Saint Esprit qui nous atteste, tout au long de notre lecture biblique, qu'il
s'agit de la parole de Dieu. Nous aurons l'occasion d'en reparler plus tard.
Une autre différence entre ces deux
réformateur est celle-ci: Luther place la justification avant tout, donc
avant la sanctification alors que Calvin,
qui, comme je viens de le dire, confère un rôle prééminent au Saint
Esprit, place la sanctification avant la justification. Chez Luther, la
justification par la foi se réalise de façon pratique dans la vocation (il fait
un rapprochement entre le mot Berufung
-vocation- et le mot Beruf -métier- :
la justification se concrétise dans une vocation qui se réalise dans un métier)
alors que chez Calvin, c'est l'élection, œuvre spécifique du Saint Esprit, qui
scelle l'alliance de la justification par la foi et nous conduit à un
témoignage (qui peut aussi se concrétiser dans l'exercice d'une profession).
Plus près de nous, Karl Barth
(1886-1968), militant anti-nazi, grande voix de l'Église confessante allemande (Déclaration du Synode de Barmen, mai 1934), qui, dans sa Dogmatique de l'Église (1932-1967),
opère un retour aux réformateurs (l'interprétation de l'Écriture par
elle-même), mettra en avant la réconciliation, sur la base d'une prégnance de
la pensée christologique. Cependant, avec sa théologie, fondée sur des
"doctrines bibliques", il fera courir le risque que l'
"autorité de l'Écriture" devienne un "autoritarisme de
l'Écriture" (le "positivisme de la révélation", comme dira
Dietrich Bonhoeffer, pasteur et théologien né en 1906, antinazi de la première
heure, mis à mort sur ordre de Hitler le 8 avril 1945 à la prison de
Flossenburg).
Disons que l'Écriture, prise dans son
ensemble, peut se prêter à plusieurs organisations significatives autour de
l'une de ses affirmations centrales, à l'écoute de l'un de ses accords majeurs.
L'écoute de l'Écriture aura encore
d'autres incidences théologiques d'importance. Par exemple :
(a) la redécouverte du temps linéaire et
l'abandon des schémas indous ou grecs du temps circulaire (dont les actuels
aboutissement sont, entre autre, les temps avant-derniers et derniers, de Dietrich Bonhöffer (1906-1945), Éthique, 1949 -posthume- ou la théologie
du Process) ;
(b) la ré-acquisition de l'anthropologie
biblique synthétique à l'encontre de l'anthropologie grecque. L'être humain
n'est pas fait d'un corps qu'une âme vient rejoindre, âme qui, au moment de la
mort, se séparera du corps, il est tout entier, tout ensemble, dès la naissance
et pour la résurrection : corps-âme-esprit-cœur (exemple: barthisme des années
après-guerre);
(c) la conception scripturaire christocentrique
de l'image de Dieu qui n'est pas blessée, mais perdue par le péché originel et
restaurée par Jésus Christ et en Jésus Christ (exemple : barthisme des années
après-guerre) ;
(d) la place du "royaume des
cieux" : Jésus n'a annoncé ni l'Église ni le Paradis ni le Purgatoire ni
les limbes ni le séjour des bienheureux ni la déification, mais le royaume des
cieux déjà-là et pas-encore (Oscar Cullmann, 1902-1999, Christ et le temps, 1966)
(e) le fait que la conscience de la
création "bonne" fait suite à l'expérience de la libération de la
servitude et non l'inverse, même si, suivant la logique chronologique mise en
œuvre par les scribes sadducéens d'après l'Exil, la Création est placée dans le
canon, avant la sortie d'Égypte (Gerhard von Rad, 1901-1970, Théologie de l'Ancien Testament, 1957-1960).
Le mois prochain : une écoute de
l'Écriture du Premier Testament.
Jacques Gruber
FÉVRIER 2015
L'ÉCOUTE
du LANGAGE de l'ÉCRITURE
La Bible comme document peut être
absolutisée dans une lecture fondamentaliste, elle peut être relativisée
(jusqu'à l'extrême) par la critique biblique.
Comme autorité de l'Écriture elle peut conduire
à une interprétation de l'Écriture par elle-même soit aboutir à un autoritarisme
de l'Écriture.
Au titre de parole de Dieu, elle
signifie la puissance d'orientation (ou de réorientation) personnelle que ces
textes déploient, chaque fois de nouveau. Il ne faut pas la confondre avec une
nouvelle Parole du Seigneur sur le type de l'inspiration du Premier Testament.
Il ne s'agit plus de tirer divers sens
de l'Écriture, mais de se mettre à son écoute.
Adoptant cette attitude, Luther
(1483-1546) ne cherche plus les quatre sens (ou plus) de l'Écriture, il écoute
ce qu'elle dit, à savoir : la Loi ou l'Évangile. Pour lui, la Loi caractérise
essentiellement le Premier Testament et l'Évangile, le Nouveau Testament.
Calvin (1509-1564) est plus équitable, il entend le Loi et l'Évangile aussi
bien dans le Premier Testament que dans le Nouveau Testament.
Pour Luther, l'unité de l'Écriture se
trouve assurée en ceci : la thèse libératrice de la justification par la
foi, se trouve toujours de nouveau attestée de multiples façons à travers
toutes les Écritures, leur donnant ainsi leur unité. La justification par la
foi devient ainsi ce que l'on a appelé le "canon dans le canon".
Calvin, lui fait appel au Saint Esprit: c'est le témoignage intérieur (secret)
du Saint Esprit qui nous atteste, tout au long de notre lecture biblique, qu'il
s'agit de la parole de Dieu. Nous aurons l'occasion d'en reparler plus tard.
Une autre différence entre ces deux
réformateur est celle-ci: Luther place la justification avant tout, donc
avant la sanctification alors que Calvin,
qui, comme je viens de le dire, confère un rôle prééminent au Saint
Esprit, place la sanctification avant la justification. Chez Luther, la
justification par la foi se réalise de façon pratique dans la vocation (il fait
un rapprochement entre le mot Berufung
-vocation- et le mot Beruf -métier- :
la justification se concrétise dans une vocation qui se réalise dans un métier)
alors que chez Calvin, c'est l'élection, œuvre spécifique du Saint Esprit, qui
scelle l'alliance de la justification par la foi et nous conduit à un
témoignage (qui peut aussi se concrétiser dans l'exercice d'une profession).
Plus près de nous, Karl Barth
(1886-1968), militant anti-nazi, grande voix de l'Église confessante allemande, qui, dans sa Dogmatique de l'Église, opère un retour aux réformateurs
(l'interprétation de l'Écriture par elle-même), mettra en avant la
réconciliation, sur la base d'une prégnance de la pensée christologique.
Cependant, avec sa théologie, fondée sur des "doctrines bibliques",
il fera courir le risque que l' "autorité de l'Écriture" devienne un
"autoritarisme de l'Écriture" (le "positivisme de la
révélation", comme dira Dietrich Bonhoeffer).
Disons que l'Écriture, prise dans son
ensemble, peut se prêter à plusieurs organisations significatives autour de
l'une de ses affirmations centrales, à l'écoute de l'un de ses accords majeurs.
L'écoute de l'Écriture aura encore
d'autres incidences théologiques d'importance. Par exemple :
(a) la redécouverte du temps linéaire et
l'abandon des schémas indous ou grecs du temps circulaire (dont les actuels
aboutissement sont, entre autre, les temps avant-derniers et derniers, de Dietrich Bonheoffer (1906-1945), Éthique, 1949 -posthume- ou la théologie
du Process) ;
(b) la réacquisition de l'anthropologie
biblique synthétique à l'encontre de l'anthropologie grecque. L'être humain
n'est pas fait d'un corps qu'une âme vient rejoindre, âme qui, au moment de la
mort, se séparera du corps, il est tout entier, tout ensemble, dès la naissance
et pour la résurrection : corps-âme-esprit-cœur (exemple: barthisme des années
après-guerre);
(c) la conception scripturaire
christocentrique de l'image de Dieu qui n'est pas blessée, mais perdue par le
péché originel et restaurée par Jésus Christ et en Jésus Christ (exemple :
barthisme des années après-guerre) ;
(d) la place du "royaume des
cieux" : Jésus n'a annoncé ni l'Église ni le Paradis ni le Purgatoire ni
les limbes ni le séjour des bienheureux ni la déification, mais le royaume des
cieux déjà-là et pas-encore (Oscar Cullmann, 1902-1999, Christ et le temps, 1966)
(e) le fait que la conscience de la
création "bonne" fait suite à l'expérience de la libération de la
servitude et non l'inverse, même si, suivant la logique chronologique mise en
œuvre par les scribes sadducéens d'après l'Exil, la Création est placée dans le
canon, avant la sortie d'Égypte (Gerhard von Rad, 1901-1970, Théologie de l'Ancien Testament, 1957-1960).
Ce ne sont pas ni des concepts ni des
croyances, ce sont des notions bibliques ou "vérités scripturaires".
La naissance virginale de Jésus, sa résurrection corporelle, l'expiation par le
sang versé sur la croix, l'inerrance de la Bible en matière historique,
géographique, scientifique et morale (les articles fondamentaux de la
Convention de Niagara, États-Unis, 1895) sont des croyances.
Jacques Gruber
Exemple d'une écoute de l'Écriture :
la double descendance de Dieu dans le premier testament
- théologie
biblique -
YAH,
YAHOU
ÉL, EÉL, AÉL
Le Seigneur *1 dieu, mot générique
‟ Le Seigneur
parle ” ‟
Dieu y es-tu ? M'entends-tu ? ”
YHWH-ADoNaY ELoENou : Le Seigneur
notre Dieu (le Chema de De 6, 4)
ÉLOHYM
: le Créateur
NTN,
racine du verbe NâTâN : donner *2
donne NeTâNYaHou ou NeTâNAÉL , ELNaTaN
don du Seigneur don
de Dieu
Netanyah, Yeremyah (Jérémie), Israël,
Samuel, Ézéquiel, etc
Zekareyah (Zakarie), et tous les Gabriel (Dieu est fort), Michel
autres noms finissant en -ie (Dieu combat),
Raphaël (Dieu guérit)
YAH devient YOH en début de mot
Yehohnatan (Jonatan, signifie aussi
don du Seigneur) et voir tous les autres
noms commençant par Yehoh (tel,
YehohChouaHr
- le Seigneur sauve-
Josué,
Jésus)
Élie
réunit les deux: ÉLYaH ou ÉLYaHou
Dieu (ou
: Mon Dieu) est Yah ou Yahou
on
trouve la formule ‟ YHWH-Adonaï (le Seigneur) ÉLoHéNou
est notre dieu ” (ou : pour nous, Dieu c'est le Seigneur dont le nom YHWH est
et reste imprononçable) *3 dans de nombreux versets d'Ésaie (12), de Jérémie
(14), des Psaumes ( 25), par exemple, et surtout dans le Chema, la confession de foi d'Israël: YHWH-Adonaï ÉLoénou HraD : Le Seigneur notre Dieu est Un (ou
Unique), De 6,4.
Sur
ce YHWH-Adonaï (le Seigneur),
l'Écriture nous en dit plus: il est le SAINT (le Saint -QaDôCh- d'Israël, És
30, 15) qui est
Justice et Miséricorde, Miséricorde et Justice, jamais Justice sans
Miséricorde, Miséricorde sans Justice, une Justice qui est Miséricorde, une
Miséricorde qui est Justice (c'est un concept dynamique ou dialectique).
Le
Dieu Saint de l'Écriture n'est ni sacré (qui implique le profane) ni divin (ou Divinité) ni pur (qui implique l'impur) ni moraliste (qui implique le bien et le
mal). Voir le dieu que le Tentateur propose
à Adam et Eve: ‟ Vous serez comme des dieux (ÉLoHYM),
connaissant le bien et le mal ” (Ge 3, 5).
Le
sacré et le divin (ÉL, ÉLoHYM) conduisent à
des religions du pur et de l'impur, de rites et de mérites, servies par des
intermédiaires cléricaux, de la continuation ininterrompue de l'histoire sainte
alors que la Sainteté du Seigneur relève de la seule foi de l'Alliance, grâce à
un seul Médiateur (‟Celui qui vient au Nom du Seigneur” , Ps 118, 26) à ses
témoins, au sacerdoce universel et au "salut dans l'histoire" (Oscar
Cullmann, Le salut dans l'histoire,
1966). On pourrait être tenté d'éliminer ÉL,
mais la Bible d'Israël ne le fait pas. ÉL
est un élément constitutif de la condition humaine, il a un rôle fonctionnel,
mais il est là pour être oublié comme nos organes (cœur, poumons, estomac,
intestins etc.). Dès lors que nous ressentons nos organes, c'est que nous
sommes malades de quelque manière.
Tout
ce qui est porté sur le côté gauche de cette feuille, relatif au Seigneur est unique au monde,
unique dans l'histoire, cela ne se retrouve dans aucune civilisation,
sagesse, religion, philosophie, mais c'est fragile
alors que le religieux qui relève de "Dieu",
le côté droit est fort, c'est le pot de terre contre le pot de fer. Toujours de
nouveau la religion de Dieu tend à subvertir
l'alliance du Seigneur *4. On pense pouvoir
servir à la fois Yah et Él *5.
notes
*1
Le Seigneur, le Dieu des armées (YHWH Sebaoth), le Très-Haut (HrèLèYon), le
Tout-Puissant, Les Cieux (HaChaMaYm)
etc. ne sont pas les noms du Dieu de l'Alliance, ce sont des appellations. YAH,
YAHOU peuvent être considérés comme des indicatifs qui rattachent une figure au
Dieu de l'Alliance.
*2
Nous écrivons Nathan, Jonathan avec une "h", mais la racine hébraïque
ne s'écrit pas avec le "th" -thèth- hébraïque, elle s'écrit avec un
"t" simple (tav).
*3
Au xix éme siècle, les hébraïsants
ont cherché à vocaliser le tétragramme YHWH. Ils ont obtenu soit YéHoWaH (que
nous retrouvons avec les témoins de Jéhovah ou dans la Légende des siècles de Victor Hugo), soit YaHWéH ou YaWoH. Laisser
ce mot volontairement imprononçable est plus satisfaisant : c'est une marque
de respect en même temps que de reconnaissance de l'être humain envers quelqu'un
de tout autre que lui, la transcendance (le Tout-Autre de Karl Barth).
*4
Le Temple de Jérusalem, son culte et son sacerdoce se rattachaient au divin
(ÉL) et des traces de ce religieux subsistent dans le judaïsme :la vénération
de la Thôrâh, les tephillim, la mezouzah, le chandelier à sept branches, les
valeurs mystiques attachées aux nombres.
*5
Élie combattait les baals (maîtres) qui se rattachent aux phénomènes naturels.
Les israélites de ce temps ne trouvaient pas contradictoire de servir à la fois
YHWH-Adonaï, le Seigneur et les baals. Ils boitaient des deux pieds (1 Rois 18,
21)
Jacques
Gruber
Les
textes de ce blog peuvent être reproduits ou cités pour un usage personnel avec
l’indication : © Jacques Gruber « alleztheo », suivie de la mention du mois et de l’année de
la parution.
Je répondrai aux commentaires à la mesure de mes
moyens dans l’édition du mois suivant.
MARS 2015
AUTORITÉ DE
L'ÉCRITURE
LA NOUVELLE ALLIANCE
Écoute et étude de l'Écriture (Nouveau Testament)
Comment passer de la culture
hébraïque qui distingue YaH de EL à la culture grecque qui ne connaît que EL (ho théos), latin : deus ? La ligne YaH se continue par
Jésus (YeHoHChouaHr : Seigneur et Messie -MaChiaHr-
Sauveur, en grec : Ièsous) elle
consiste à mettre sa confiance en Jésus, vivre de son Évangile. La ligne EL va devenir celle d'un Dieu unique, non plus
justice et miséricorde, mais bonté et rétribution qui sera rapidement rattrapé
par le divin et le sacré.
selon
les Évangiles synoptiques : croire en Dieu*, notre Père** des cieux (BaChaMaYM) qui n'est pas Loi, mais Amour (Luc 15), qui a
été manifesté en Jésus (YeHoHChouaHr, Seigneur qui sauve, EMMaNouEL,
Dieu (sous-entendu: Seigneur Dieu) au
milieu de nous selon Ésaie repris par Matthieu, És 7, 14 dans Mt 1, 23), Saint
de Dieu, Fils de l'homme*** qui nous entraîne à sa suite dans l'œuvre du
Seigneur (Royaume des cieux-ou de Dieu) et en qui nous reconnaissons le Christ
(MaChyaHr-Messie) d'Israël pour
Israël et pour les Nations.
* En grec : ‟croire eis
théon” = mettre sa confiance en Dieu
- non ‟croire en théô” :
croire qu'il existe un Dieu (même chose en latin où l'on distingue entre en deum ou en deo).
**
Le Premier Testament connaît la nomination du Seigneur comme Père, voir le nom
de YoHaV (le Seigneur est mon père). Il s'agit cependant d'une comparaison: le
Seigneur est comme un père (minuscule) pour nous (Ps 103, 13-14). La relation
de Jésus au Père (majuscule) est d'un autre ordre: la même condition éternelle.
Le Père de la Nouvelle Alliance est Père et Amour, Amour et Père, jamais Père
sans Amour, jamais Amour sans Père, non Père-Loi (Freud).
***
Dans les Évangiles synoptiques, Jésus ne dit jamais "Je",
"moi", encore moins "le Christ", il dit "le Fils de
l'homme". Il emprunte ce titre à un personnage de vision, tiré de Daniel
7,13, personnage qui annonce les tout
derniers temps, ceux de l'accomplissement des promesses, de l'Alliance, de la
Loi, des
prophéties.
selon le quatrième Évangile : Rendre, avec
l'aide de l'Esprit Saint (non divin, non sacré) un culte en esprit et en vérité à Dieu le Père, Parole créatrice et
re-créatrice, qui a été faite être humain en Jésus de Nazareth le Fils* (grâce et vérité : grâce sans faiblesse, vérité qui
ne nous détruit pas)
avec lequel Il ne fait qu'un, lequel a donné sa vie pour chacun de nous, qu'il
n'appelle plus serviteurs, mais amis, et qui,
ressuscité pour l'éternité, nous envoie le Saint Esprit.
*
Dans le 4ème Évangile, Jésus prend le titre de "Fils", mais pas de
Messie et parle de lui à la première personne:
‟Moi, je suis” (la lumière, le bon berger, le chemin, la vérité et la vie, le cep, la
résurrection et la vie). Ce n'est pas de la gnose (le salut qui vient d'un
accès à Dieu par le moyen de la
connaissance de ce qu'il est) cela reste
dans la ligne d'Exode 3, 14: ‟Je suis qui je suis ou serai” (ce que je suis ne vous regarde pas) dans la
ligne de ‟la foi: ce sont des expressions pour exprimer la confiance mise en
Jésus; et dans le Seigneur, par Jésus.
selon Paul : Liberté de
pensée et d'action de celui qui, justifié par la foi en la justice et la miséricorde de Dieu le Père
(le Créateur), vit dans le Seigneur Jésus, Messie (oint, Christos en grec), Maître
d'œuvre transnational de la réconciliation*, qui a choisi d'être présent dans
et par la cène, au sein du peuple établi selon le libre choix de Dieu, formé de
pécheurs pardonnés (toujours
pécheurs, toujours)
qu'est l'Église, laquelle ne se substitue pas au peuple d'Israël, dans
l'espérance du jour où Israël et l'Église (réunissant au dernier moment tous les
humains) ne
feront qu'un.
*
Rédempteur et médiateur sont de conceptualisations théologiques.
selon
l'apocalyptique: Les
chrétiens persécutés ne se vengent pas, la rétribution appartient au
Tout-Puissant qui leur rendra la vie qui leur a été ôtée de force. La communion
avec Jésus est marquée par la robe blanche des martyrs (les témoins) lavée dans
le sang de , l'Agneau (Ap 7, 13-14)*. La puissance persécutrice (la Bête) sera vaincue,
la civilisation opprimante (symbolisée par Babylone) anéantie, les pécheurs endurcis
seront définitivement exclus, le règne du Seigneur ** descendra des cieux, il
n'y aura plus ni cri ni douleur, ce ne sera pas la fin, mais l'accomplissement
de l'Histoire***, le Seigneur y règnera
éternellement avec nous.
* Ici, Jésus n'est pas
victime
expiatoire, mais celui dont le sang
nous protège, voir sortie d'Égypte, Ex 12, 21-23). ** La Jérusalem nouvelle, la Cité où il n'y a pas de Temple
parce que le Seigneur en personne y demeure
On ne parle pas de retour au jardin du Paradis. *** Nous constatons à
l'échelle mondiale le mouvement des campagnes vers les villes (70% de la
population française vit aujourd'hui en ville). Le panorama signifiant de la Bible
va d'un Jardin à une Cité. L'histoire
n'est ni niée ni anéantie, elle trouve son accomplissement dans la Cité du
Seigneur.
Le Seigneur Jésus nous donne le Père en amont, le
royaume en aval, le Messie aujourd'hui.
Jacques Gruber
hors autorité de l'Écriture, suivant
l'autorité de l'Église : le courant
traditionnel de l'Église (orthodoxie, catholicisme) cherche à
s'adapter à l'éloignement du retour de Christ (Parousie) et à s'assimiler à la
culture gréco-romaine dans l'idée d'ouvrir une nouvelle Ere, l' Ere chrétienne. Il continue la ligne
de EL, le divin, la divinité (‟Il est né le divin, enfant” et non ‟Le Seigneur”) et revient au temps cyclique. Il cherche à 'entrer en
consonance avec le religieux universel jusqu'à créer de nouveaux mythes (Purgatoire, limbes, séjour des bienheureux
-christianisation des Champs Élysées*-, l'âme). L'incarnation a pour conséquence
qu'un élément de divin a été introduit de façon définitive dans l'humanité (eucharistie, reliques,
médailles saintes,
théanthropie) et que
l'Église en a la gérance pour le temps et pour l'éternité. Il s'agit de croire
dans le Dieu (eis théon, in
deum, non
en
théô, in deo)
bon, Créateur Tout-Puissant, Omniscient, Éternel, rétributeur selon nos mérites,
au Père consubstantiel du Fils. De donner foi aux croyances, aux doctrines,
aux dogmes (christologie,
Trinité, Église)
transmis par la Tradition sacro-sainte. De recevoir les sacrements, par des
intermédiaires qui en ont reçu le pouvoir et d'accomplir les rites institués
par l'Église, sans quoi on ne peut sérieusement espérer le salut (une déification).
*Dans
la culture gréo-romaine, les douze dieux vivaient sur l'Olympe, les personne
vertueuses avaient accès aux Champs Élysées.
Jacques Gruber
Les tableaux qui suivent résument,
d'une part : A : l'apport du Nouveau Testament, d'autre part, B : les
transformations apportées au message biblique par l'assimilation au monde
gréco-romain.
Écouter et
étudier l'Écriture avec le Nouveau Testament
A : le Nouveau Testament
vit dans l'attente prochaine
du retour du Christ Jésus
Le ‟Seigneur Jésus”
(= le ‟Seigneur” du Premier Testament, qui
est à la fois Justice et Miséricorde, c'est le Christ Jésus
qui est, ensemble, Grâce et Vérité)
La ‟Parole”
par qui tout a été fait
(4ème Évangile)
Il(Elle) a été fait(e) être
humain
Le ‟Fils de l'homme”
(titre
d'un personnage de vision de fin des temps dans Daniel 7, 13 repris par Jésus,
qui ne dit pas "Je", "moi")
lequel est reconnu comme
‟Messie” (hébreu) = ‟Christ” (grec),
= ‟Sauveur” (français)
qui nous a donné
1- le ‟Père des
cieux”
‟Notre Père qui es aux cieux …”
et
2- le ‟royaume
des cieux”
ou ‟royaume de
Dieu”
le ‟chantier du Seigneur”
d'où
Le ‟Père et le Fils”
(surtout dans le 4ème Évangile)
_____________
L'anthropologie
du Nouveau Testament
est synthétique (l'être humain est
indissolublement corps, âme, esprit, cœur).
__________________
La destinée
humaine est linéaire, coupée en temps et lieux par la
verticalité de la transcendance
d'où 1- la ‟conversion”
(Évangiles synoptiques), la ‟nouvelle naissance”
(4ème Évangile), la ‟nouvelle créature”, le ‟nouvel être humain”, la ‟vie
en Christ” (non le Christ en nous, Paul)
2- le ‟salut par
la grâce”, ‟par la foi”
avec le soutien du ‟don du Saint Esprit”,
les charismes et
les ministères.
Il est moins question de fin de notre
vie, de fin du monde, que
3- d'accomplissement
de notre existence par et dans la ‟résurrection personnelle” et
4- d'accomplissement de l'Histoire dans la ‟vie éternelle”
B :
l'Assimilation au monde gréco-romain
L'Église
s'adapte à l'éloignement du retour de Jésus Christ et, dans l'intention de
créer une nouvelle ère (chrétienne), est tentée de christianiser les éléments
du monde ambiant.
Le
Seigneur Jésus
qui
devient le Dominus et le Deus
entrainant les
idées de domination, de divin, de sacré, d'Absolu
le
Logos grec, idée-force du
monde hellénistique qui pourrait se rapporter au ‟Dieu (ÉLoHyM) dit” de Genèse
1
qui
devient l'Incarnation ininterrompue, la Théanthropie, l'histoire sainte
continuée
sauf dans le IVème Évangile où Jésus dit :
‟Moi, je suis” (la lumière, le chemin,
le berger, le cep, la résurrection)
‟Le Christ” est devenu un article de
foi, une évidence religieuse
le Rédempteur, le Médiateur
Le Père entre dans les catégories
hiérarchiques, patriarcales ou
paternalistes
le royaume est déjà
commencé dans l'Église,
il s'oriente vers
l'adoration, l'ascèse, la contemplation, la mystique, les dévotions, la vie
religieuse (couvents)
devenu La Sainte Trinité
comprise en un sens substantialiste
______________________
L'anthropologie
grecque
sépare le corps (mortel) et l'âme (immortelle).
_______________________
La destinée
humaine
est circulaire, animée par l'aspiration naturelle vers Dieu ; ‟Tout vient de
Dieu et tout retourne à Dieu”, le but à atteindre est
la déification ou divinisation pour certains
mystiques, il s'agit de la formation de Dieu en
soi;
la conversion est comprise comme conversion à la vraie foi, la vraie Église
les moyens sont les
rites, rituels, sacrements, vœux perpétuels, mérites : ‟Hors de l'Église pas de
salut”
on recherche le bien
mourir
il y a une résurrection
des corps que l'âme (qui s'en était
séparée au décès) rejoint pour le Jugement
parallèlement à notre monde, il existe un Enfer, un Purgatoire, des Limbes (pour les
enfants décédés sans baptême), un Séjour des bienheureux (les Champs Élysées grecs), un
Paradis (le Ciel)
Jacques Gruber
AVRIL 2015
LA PAROLE de
VIE
La Parole, c'est un peu court, la Parole
du Seigneur est réservé aux oracles du Premier Testament, la Parole de Dieu
fait appel à ce mot valise de "dieu", on pourrait dire la Parole de
Vie.
La Bible est l'expression par laquelle
nous désignons ce document littéraire du Proche Orient de l'Antiquité qui peut
être absolutisé par les fondamentalistes ou relativisé (jusqu'à l'extrême) par
la critique.
Par le mot Écriture, nous désignons une
écoute et une étude du texte biblique fondées sur les notions (non les
concepts) bibliques (ou vérités scripturaires) qui reviennent toujours de
nouveau, formant l'armature et l'unité de la pensée de ces textes par ailleurs
disparates. On peut citer : YHWH-l'Unique Saint, Le Seigneur, le péché,
l'élection, l'alliance, la bénédiction, la vocation, la repentance, la
conversion, le pardon, la sainteté, l'amour, la Parole, l'Esprit Saint, la
réconciliation, le royaume des cieux, la résurrection et plusieurs autres.
Elles diffèrent des croyances telles que : "Dieu", "le
Christ", la naissance virginale de Jésus, sa résurrection corporelle, l'expiation
par le sang versé sur la croix, l'inerrance de la Bible en matière historique,
géographique, scientifique et morale (les articles fondamentaux de la
Convention de Niagara, États-Unis, 1895) et des dogmes christologique,
trinitaire ou autres, la rédemption, la médiation, les sacrements, etc..
La Parole (biblique) est encore
différente. Nous pouvons dire, d'une façon
globale, en pensant à Jésus qui l'incarne, que c'est une Personne, mais
cette Personne parle et agit et elle agit par son message. Généralement, il s'agit d'une
"parole" biblique de l'un ou l'autre Testament qui, dans une circonstance
particulière de notre existence, nous frappe d'une telle manière qu'elle
modifie l'orientation de notre vie (classiquement : la conversion -qui implique
une connotation de jugement, qui peut s'avérer culpabilisante-) et affermit
notre esprit. La Parole ne se situe ni dans le domaine du fondamentalisme ou
de la critique, ni dans le cadre de l'écoute et de l'étude biblique, mais,
carrément, sur le plan du salut.
Or, dans le christianisme, le salut peut
être conçu de deux manières, l'une qui est mythologique, l'autre qui est
historique.
La conception
traditionnelle du salut
sur le modèle de
l'univers à trois étages (Enfers, Terres, Cieux) répandu dans le monde
méditerranéen à l'époque de l'Antiquité préscientifique
D
I E U
ou TRINITÉ
l'Absolu, L'Infini,
L'Éternel
dans le langage apocalyptique: Le
Tout-Puissant
L E
C I E L
le Paradis, le Bonheur (NB : l'Eden des origines est
un jardin, en hébreu : PaReDèCh)
L'Église triomphante
Les Limbes
(séjour des enfants morts avant d'avoir été
baptisés)
Le
Séjour des bienheureux
(suite à une Béatification)
récupération des Champs Élysées gréco-romains
-ici commencent Les Cieux , l'Éternité-
Le
Purgatoire
l'Au-delà
la transcendance
l'Incarnation,
le Christ
l'Église
militante
dans laquelle on
entre par le baptême qui enlève le péché originel
qui
est en charge sacramentelle de l'Incarnation ininterrompue du sacrifice
eucharistique
La Chute et le
péché originel héréditaire qui marquent toute notre existence humaine
sans compter les
péchés actuels, sur
La
Terre
*
Les
Enfers
Le Premier
Testament parle du CheôL, une caverne souterraine où les vivants qui sont
décédés, vidés de toute vie, mènent une existence d'ombres, ensuite s'y ajoute
la Gehenne, séjour punitif où vont les gens mauvais. L'apocalyptiques du
Nouveau Testament et le christianisme s'approprieront la conception de
l'Antiquité gréco-romaine voire iranienne des Enfers, lieux de proscription et
de peines, du feu inextinguible.
Ce tableau peut être lu du haut en bas
ou du bas en haut. La Chute descend brutalement du haut vers le bas et la
rédemption consiste en une lente remontée du bas vers le haut : 1 baptême; 2
participation à l'Église militante (ses sacrements, son action); 3 si l'on fait
une "bonne mort" on est dirigé vers le séjour du Purgatoire dont la
durée varie en fonction de nos mérites et des messes que les vivants font dire
pour nous ; 4 ensuite on entre dans l'Éternité pour bénéficier du Séjour des
Bienheureux qui peuvent "voir Dieu" ; 5 enfin on va être "en
Dieu" (dans la Trinité selon certains auteurs), c'est la déification ou
divinisation.
Excepté l'Église militante, sur laquelle
repose tout l'édifice, tout est mythologique dans cette conception.
Schéma possible
selon les Écritures
1 la Parole de Vie
Justice
(TseDaKaH) et Miséricorde (RaHraMYm)
L' Unique ADoNAY, Seigneur,
l'ÉLoHYM Créateur, par sa
Parole
le SAINT (De 6, 4) (ni sacré ni
divin)
création d'un
espace pour un peuple prophétique :
la Loi, la
possession d'une Terre, l'inspiration,
la Première
Alliance, l'histoire sainte
Jésus de
Nazareth
et la foi des
premières communautés
qui
reconnaissent en lui le Messie, le Seigneur et le Sauveur
________________________ CENTRE, __________________temps linéaire__
A et ῼ
Articulation
entre la Première et la Nouvelle Alliance (pas de théologie de la substitution)
Centre de
l'Histoire et de nos histoires personnelles
un événement
historique qui ne s'est produit qu'une fois pour toutes (éphapax, Rm 6, 10)
Le PÈRE
qui est Amour et
Liberté (Lc 15, 11-32)
la Nouvelle
Alliance
le Salut dans l'Histoire : ouverture
d'un espace pour la foi, l'Évangile, le royaume :
annonces de la
résurrection et de la vie éternelle
Grâce (charis) et Vérité (alèthéia) (Jean 1, 17)
2 L'Évangile
notre venue au monde ______________ ! _______ X____(nouvelle
naissance, la réorientation de notre vie
et l'affermissement de notre esprit)_________ !
_____________________ X (la vie en Christ qui reprend le
dessus après l'épreuve)____ ! ____________ X___(la vie en Christ affermie)_______ L'AMeN,
notre mort solidaire de l'accomplissement final universel; temps
linéaire
Les
espaces vides marqués ! indiquent des ruptures du temps par les
atteintes du mal. Les X indiquent
les moments où une parole biblique nous a
été donnée comme une Parole de Vie, la Bonne Nouvelle de l'Évangile. Cet X représente
tout le schéma précédent, il ne le répète pas, ce n'est pas une réplique, c'est
ce schéma tout entier qui devient actualité en un clin d'œil.
Cette manière de représenter les choses
ne se veut ni scientifique ni non
scientifique, du moins, elle ne recourt plus à une représentation mythologique
du monde et peut accueillir celles que les sciences se forment.
Ces schémas ne tiennent pas compte du
Saint Esprit qui est ici à l'œuvre, nous y consacrerons le prochain blog.
Jacques Gruber
MAI 2015
DE l'inspiration à l'illuminisme
L'ACTION DU
SAINT ESPRIT DANS LA
PAROLE DE VIE
Le texte biblique n'est pas une Parole
de Vie automatiquement, mais grâce au Saint Esprit : le même Esprit qui a inspiré le texte le fait parler aujourd'hui.
Le
Seigneur-Saint Esprit n'est ni visible ni représentable (les flammes, la
colombe, sont des symboles). C'est rétrospectivement (après-coup, avec recul)
que nous prenons conscience de son action que ce soit dans notre histoire ou
dans l'Histoire.
L'Église
a
été fondée par le don du Saint Esprit à
la Pentecôte, mais est-il donnédirectement (les charismes dans les églises
pauliniennes), est-il filtré par des intermédiaires (clergé, rites) ou lié à
l'écoute de la Parole ?
Si l'Esprit
est donné sans intermédiaires (qu'il souffle où il veut, Jean 3, 8), il
nous est donné, nous ne le possédons pas. Il souffle où il (lui, pas nous)
veut, mais il n'est à salut que s'il est en relation avec la Parole.
Le
sens du canon :
il signifie que le Judaïsme et les Églises jugent les temps de l'inspiration
terminés, la révélation close. Le canon du Premier Testament est l'œuvre des
rabbin au cours de plusieurs siècles. Pour le Nouveau Testament, la définition
s'étale sur plus d'un siècle, elle est
moins l'œuvre des autorités religieuses, que des Églises qui échangent
des informations sur les livres qui sont ou non en usage chez elles. Ainsi, les
Églises d'Occident vont-elles accepter l'Apocalypse et celle d'Orient accepter
l'Épître aux Hébreux. Les canons, même les plus courts, apportent tout ce qui
est nécessaire et suffisant pour le salut). Nécessaire et suffisant, comme la
trousse de secours dans un car, un avion, la trousse de couture de la ménagère.
Le canon du Premier Testament est nécessaire et suffisant pour les Juifs, celui
du Nouveau Testament, pour les chrétiens.
Il s'agit de faire la différence entre :
a) L'inspiration
de la Parole (propre aux textes canoniques: la "Parole du Seigneur"
des oracles prophétiques, par exemple), source et accompagnement de l'histoire
sainte (le peuple du Seigneur qui fait l'Histoire), la Révélation. Les effets
de l'action du Saint Esprit sont ici: l'élection, l'Alliance, les oracles
prophétiques, la sagesse, la poésie biblique, le messianisme, l'apocalyptique.
Pour la période paulinienne (où aucun
texte du Nouveau Testament n'est encore écrit), ce sont les mêmes effets avec
insistance sur la prédestination, la vocation, les charismes et les ministères,
le Seigneur, c'est Jésus, la foi accomplit la Loi, l'Alliance est ouverte aux
non-Juifs.
b) L'assistance
du Saint Esprit (donnée à l'Église
ou à chaque chrétien ?). L'assistance du Saint Esprit donnée à l'Église comme
institution conduit à une histoire sainte continuée par et dans l'Église.
L'Église devient intermédiaire du salut. La Tradition vaut parole de Dieu (elle
est viva vox evangelii, Vatican
2, Dei
Verbum 8)
L'appropriation de la Parole biblique opérée par le Saint Esprit dans une circonstance
particulière, chez une personne particulière, par le moyen de la foi (la
confiance donnée en une personne -le
Seigneur Jésus - et en sa parole). Cela ne s'invente pas. Moment où une parole
biblique en situation "fait tilt", expérience comparable à la cristallisation
en amour dont parlait Flaubert. Le témoignage intérieur (secret) du Saint
Esprit de Jean Calvin (1509-1564) en est une expression. Nous ne sommes alors
plus dans l'histoire sainte qui fait l'Histoire, nous inscrivons le salut dans
l'Histoire.
d) L'illuminisme
ou retour de l'inspiration. À l'époque de la persécution des huguenots où les
temples sont tous détruits, les pasteurs mis à mort sur la roue, les femmes
emprisonnées à vie, les pasteurs autoproclamés ou "prédicants"
donnent naissance à des "Prophètes cévenols" (début du xviii
éme siècle) qui retrouvent l'inspiration et apportent des révélations, les
Réveils (fin xviii éme et xix éme
siècle) prendront la suite (donnant un rôle prédominant au don de la
glossolalie), le Pentecôtisme (États-Unis, fin du xix ème s.) élargira encore les manifestations
spectaculaires du Saint Esprit (baptême du Saint Esprit, "born again", guérisons etc).
La prochaine fois, nous achèverons le
cycle Bible-Écriture-parole de Dieu avec le témoignage intérieur (secret) du
Saint Esprit.
Jacques Gruber
JUIN 2015
LE ‟TÉMOIGNAGE
INTÉRIEUR (secret) DU SAINT
ESPRIT”
Cette formulation de l'action du Saint Esprit vient
de Jean Calvin (1509-1564). Pour un exposé d'ensemble, voir Jacques Gruber Entendre la Parole, éditions du Cerf,
2003, p. 146-150.
Ne
perdons pas de vue que, lorsque nous parlons du Saint Esprit, nous parlons du
Seigneur tout aussi bien que lorsque nous parlons de Jésus.
Pour
matérialiser les choses, on peut faire appel à un schéma qui reproduit l'essentiel
du fonctionnement de la machine à coudre : la bobine qui porte le fil de
chaîne, l'aiguille qui guide ce fil, la navette qui porte le fil de trame. La
bobine représente la Bible comme document littéraire ancien, le fil porté
par la bobine représente l'inspiration biblique par le Saint Esprit et le fil
de la navette, l'action secrète du Saint Esprit. Il y a ainsi une action concomitante
du Saint Esprit, dans la plan vertical et dans le plan horizontal.
Application à l'œuvre du Saint Esprit dans le cas de
la Parole de Vie.
Le
Saint Esprit peut souffler où et comme il veut (Jean 3,8), mais il s'est
lui-même créé dans l'histoire un rendez-vous privilégié, celui de la méditation
biblique. Le même Esprit qui a inspiré
la Parole biblique approprie cette Parole à celui qui la médite (dans le schéma
de la machine à coudre, le fil de la navette noue celui de la bobine si bien
qu'un point s'inscrit sur le tissu).
Le
salut est gratuit, il ne requiert pas de conditions morales ou religieuses,
mais des données pratiques (donnée à prendre au sens fort de don gratuit).
1)
Un contact avec le texte biblique révélé (canonique) nécessaire (il n'y a pas
de magie).
2)
Témoignage intérieur : Le recueillement
: voir l'enfant perdu de Luc 15, qui, pour la première fois de sa vie,
"entre en lui-même" (Luc 15, 17). La méditation biblique pratiquée
par le piétisme ne se sépare pas du monde (contrairement à l'ascèse
individuelle ou conventuelle), mais tient le monde à distance. On peut
entendre le monde à la façon dont le IV éme Évangile en parle ou considérer
qu'il s'agit de la société. La méditation biblique est à la fois l'attention
portée à un texte, une descente en soi (pas une introspection) et une présence
au monde (de l'ordre de l'exégèse et de l'interprétation).
Cette
manière d'être que Calvin a préconisée, est appelée "éthique dans la
monde". Elle fait penser à la "réduction phénoménologique"
du philosophe Edmund Husserl 1859-1938 qui servira de référence aux grands noms
de l'existentialisme, Martin Heidegger 1889-1976 ou Jean-Paul Sartre 1905-1980.
Husserl n'était pas protestant de naissance, mais il avait adhéré au protestantisme au début de sa carrière. Dans
la sincérité de cette adhésion, on peut penser à une influence du recueillement
sur la réduction phénoménologique, sur le plan des idées et des expériences.
"Être dans le monde et tenir le monde à distance", pour prendre une
image, on pourrait évoquer le nageur, complètement plongé dans l'eau et qui
avance en tenant la mer à distance. L'éthique dans le monde de Jean Calvin sera
retrouvée, hors de toute influence de Calvin, dans les dernières années du xix éme siècle par Thèrèse de Lisieux
(1873-1897), ce qui lui vaudra d'être faite "Docteur de l'Église" par
le pape Jean-Paul 2. Ainsi, le Saint Siège adopte-t-il, sans le savoir, un
point central de la pensée calvinienne et calviniste.
3)
Témoignage secret (voir Matthieu 6, 6
; "Ton Père qui voit dans le secret"): le Saint Esprit agit sur le
plan de notre psychisme des profondeurs, là où se créent les complexes, les
névroses, les psychoses. Il ne s'identifie pas aux diverses cliniques
psychanalytiques, que l'on connaît (Freud, Jung, Adler, Lacan), mais agit dans
notre psychisme des profondeurs et sur
celui-ci, à notre insu, scellant en
nous la parole (appropriation), orientant notre existence, il est AMeN, confirmation,
accomplissement.
Dans
le cas de la parole de Dieu (Parole de Vie), Parole du Seigneur biblique, le
Saint Esprit agit à la fois par en-haut
et par en-dessous. Par en haut : le texte biblique comparé à la bobine de
fil et l'aiguille, dans le schéma de la machine à coudre et par en-dessous
avec l'attestation du Saint Esprit comparable au travail de la navette, dans ce
même schéma. Il n'est pas l'inconscient, il est le "Saint", Justice
et Miséricorde, "grâce et vérité" (IV ème Évangile), le
"Père" qui voit -agit- dans le secret (Matthieu). Non le Père-la-Loi
de Freud, mais le Père-des-cieux de Matthieu, le Père-Amour de Luc 15.
Aujourd'hui,
dans le Nouvelle Alliance, le Saint Esprit agit comme une confirmation (un
AMeN), dans le secret. Nous n'en avons aucune appréhension (mis à part certains
cas d'illuminisme qui ne peuvent pas être généralisés comme le baptême du Saint
Esprit, les conversions spectaculaires, les révélations nouvelles - qui doivent
être mesurées à la norme de la
révélation scripturaire biblique- etc.).
Le
témoignage intérieur secret du Saint Esprit, en lui-même, est un moment mystique,
mais ne nous fait pas connaître le sens mystique (caché) des choses, des gens,
des événements (gnosticisme), au contraire, il nous éclaire, nous ouvre et
nous approprie le texte de la Révélation nécessaire et suffisante qui existe
déjà.
L'appropriation,
qui a pour effet qu'un texte biblique devient Parole de Vie pour nous
(produisant une réorientation de notre existence), est l'effet constatable de
l'œuvre du Saint Esprit qui, en tant que telle, se situant sur le plan de la
psychologie des profondeurs, sans relever de celle-ci, reste secrète Chaque
parole biblique qui nous a été appropriée
par le Saint Esprit laisse une trace dans le tissu de notre existence. De même,
la gravitation ne s'appréhende d'aucune manière comme telle, mais uniquement
sur les effets qu'elle produit. La contingence de notre existence (ou le hasard
biologique), d'une part, la finitude de l'existence (ou les nécessités de la
vie), d'autre part, ne s'effacent pas pour autant, comme par magie, mais,
désormais, des points de repère, des points d'attache, des points d'appui, un
centre, se trouvent inscrits dans notre existence.
Le
témoignage intérieur, secret, du Saint Esprit est la formalisation d'un vécu de
premier plan dans le salut chrétien. La Parole de Vie remplace tous les rituels
(les œuvres).
Jacques
Gruber
le prochain blog
sera publié en septembre 2015
JUILLET 2015
SYNODE NATIONAL, Sète, 2015
couples de même sexe
une réaction personnelle au
texte voté au dernier Synode national de l'Église protestante unie de France
Ce que j'en pense de bien : Il était courageux d'aborder ce sujet et de
commencer par une consultation des églises locales qui, à ce qu'il semble, ont
bien joué le jeu. Il est capital que, dans le texte voté au Synode national,
jamais le mot de "mariage" ne soit écrit.
Ce que j'en pense de moins bien : Pourquoi ne pas avoir rappelé qu'il y a, ou peut
y avoir demain, des homosexuel-les dans toutes nos familles, même celles où la
foi est la plus vivante. Qu'il peut s'en trouver dans toutes nos églises, aussi
fidèles soient-elles et qu'il est même surprenant qu'il n'y en ait pas.
Pourquoi ne pas avoir souligné qu'un-e homosexuel-le peut avoir une foi aussi
authentique que n'importe quel chrétien-ne.
Pourquoi avoir noyé le sujet dans un texte relatif à la
bénédiction de façon générale ? Alors que dans nos églises le mariage est une
bénédiction et non un sacrement ? Cela ne va-t-il pas engendrer un
confusionnisme, surtout si l'on tient compte des pressions qui entourent déjà
les mariages que nous bénissons ?
Le texte synodal reflète-t-il
la réflexion théologique, anthropologique, culturelle, pastorale que soulève
la légalisation du "mariage pour tous" ? Alors que ce dernier touche
à l'ordre (ou l'Alliance) de la création. Alors qu'un couple de même sexe ne
peut pas être considéré purement et simplement comme le couple de sexes opposés
dont nous avons l'expérience. Alors que les requêtes des couples homosexuels
pour s'assimiler toutes les formes de l'hétérosexualité (leur désir mimétique) renvoient à une
souffrance individuelle et sociale et relèvent d'une interprétation existentielle
de la justification.
Dire : ‟Tous
aussi nous recevons le témoignage des Écritures qui font de l’amour fidèle d’un
couple homme-femme une parabole de la fidélité de Dieu pour son peuple. Mais
nous n’en tirons pas tous les mêmes conséquences : pour certains, seuls de tels
couples peuvent être bénis liturgiquement, tandis que pour d’autres, la
bénédiction de Dieu ne saurait être liée à l’orientation sexuelle ” laisse à penser que tout se vaut en matière
d'interprétation du texte biblique, que celui-ci n'est qu'un "nez de
cire" (Luther, Descartes utilisera la même image à propos de la raison),
que, par suite, rien ne vaut rien, bénédiction comprise. Le Synode veut ménager
les "orthodoxes" et les "libéraux", il nous propose une
motion de synthèse à la manière socialiste française, mais je lis cela comme un
aveu d'impuissance théologique et anthropologique. La
bénédiction d'un couple de même sexe est-elle ou non une bénédiction nuptiale,
un mariage ? Si c'est une bénédiction d'un autre genre, comment la nomme-t-on ?
page 2
Sur le plan pastoral, on
aurait pu rappeler que, suite à des évolutions culturelles, des notions
nouvelles (les esprits, Séraphins, archanges sont des apports de Babylone, lors
de l'Exil) ont fait l'apparition dans la Thôrâh. Certaines prescriptions
bibliques ont été abandonnées pour d'autres (le baptême substitué à la
circoncision comme signe d'appartenance à l'Alliance). On aurait pu signaler
que d'autres catégories de personnes condamnées explicitement dans les
Écritures, comme celles qui mettent leur confiance dans les richesses, sont
honorées dans l'Église qui ne leur refuse ni les actes pastoraux ni les
responsabilités ecclésiales. Le texte du Synode ne dit pas si une bénédiction
de couple de même sexe est ouverte au tout-venant multitudiniste de tels
couples où s'il s'agit de couples homosexuels dont l'un des membres au moins
est un chrétien engagé.
Le Synode n'a pas tenu
compte de la position prise par d'autres Églises membres de la Fédération
protestante de France : lors de leur Synode de 2015, les Églises
d'Alsace-Lorraine, interrogées sur le même sujet, ont rejeté toute bénédiction
de couples de même sexe. Nous avançons désunis face aux défis de l'actualité.
Que penser enfin d'une décision synodale non
contraignante ? Pareille innovation méritait aussi une explication. Je comprends ceci : chaque conseil presbytéral
reste pastoralement responsable de bénir ou non des couples de même sexe,
mais, le cas échéant, il est tenu d'accomplir cet acte en conformité avec les
directives nationales et non de façon disparate.
Ce que j'en pense quand même de bien : Le
synode a adressé un signe de paix aux homosexuel-les et aux couples de même
sexe. Il ne s'est pas voulu conformiste, mais accueillant. Il demande au Seigneur de l'accompagner pour
qu'il ne trébuche pas dans ce passage culturel majeur de l'humanité.
Jacques Gruber
page 3
ANNEXES
1) Texte adopté au Synode National de l'Église protestante unie de
France
le 17 mai 2015 au Lazaret de Sète
Bénir. Témoins de l’Evangile
dans 1 Décision adoptée par le
Synode national l’accompagnement des personnes et des couples du Lazaret
(Sète), le 17 mai 2015
Bénir
Témoins de l’Évangile dans
l’accompagnement des personnes et des couples
Décision
adoptée par le Synode national
Le
Lazaret (Sète), le 17 mai 2015
0.1. Comment
accompagner nos contemporains au plus près de leurs existences, dans leurs
joies et dans leurs peines, dans les chemins qu’ils choisissent et ceux qu’ils
subissent, dans leurs alliances et leurs séparations, pour leur permettre
d’entendre une bonne nouvelle qui donne sens et saveur à leur vie tout entière
? Cette question que l’Église évangélique luthérienne de France et l’Église
réformée de France ont déjà abordée lors de nombreux synodes depuis une vingtaine
d’années s’inscrit dans la volonté de l’Église protestante unie de France
d’honorer sa vocation à témoigner de l’Évangile.
0.2. Dans la
société actuelle qui est plus sensible à ce qui est donné à voir qu’à ce qui
est donné à entendre, le « geste-parole » de bénédiction constitue une façon
très précieuse de partager quelque chose du Dieu de Jésus-Christ qui veut du
bien pour chacun de nous.
1. Bénir :
un don à recevoir, une richesse à partager
1.1. Nous
trouvons la source de notre joie dans le « oui » premier que le Dieu de grâce
pose sur nous en Jésus-Christ et que l’Esprit saint nous permet d’accueillir.
Telle est la bénédiction qui fonde nos existences.
1.2. Partager
cette joie en étant à notre tour porteurs de bénédiction pour les femmes et les
hommes d’aujourd’hui, telle est notre vocation. L’Église protestante unie de
France reçoit avec humilité et confiance cette mission d’être témoin de
l’Évangile dans l’accompagnement des personnes et des couples. L’accueil de
toutes celles et tous ceux qui s’adressent à elle et les gestes de bénédiction
qu’elle peut offrir de la part de Dieu, sont autant de façons de dire la bonne nouvelle
de son amour premier et de relayer son appel à vivre en relation avec lui.
1.3. «
Bénissez, car c’est à cela que vous avez été appelés, afin d’hériter la
bénédiction » (1Pierre 3, 9) : cette exhortation de l’épître de Pierre nous
rappelle que bénir est source de bénédiction pour celui qui reçoit comme pour
celui qui donne ! Bénir.
Témoins de l’Evangile dans 2
Décision adoptée par le Synode national l’accompagnement des personnes et
des couples du Lazaret (Sète), le 17 mai 2015
page 4
1.4. L’Église protestante unie de France, qui vit et invite à
vivre de cette bénédiction, se veut attentive aux aspirations de ses
contemporains, tout en restant vigilante et critique. Sans figer les Écritures
dans la lettre d’une loi immuable, elle entend être fidèle à l’Évangile de
Jésus-Christ et à son exigence, fondement de sa foi et de son espérance.
2. La
bénédiction : accueil gratuit de Dieu, promesse de sa présence et appel à vivre
de l’Évangile
2.1. En nous
redisant l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ, la grâce de Dieu signifiée
par la bénédiction nous décentre de nous-mêmes et nous libère de tout souci
d’autojustification. Elle nous appelle à laisser cet amour transformer nos vies
pour les mettre au diapason de l’Évangile. Ainsi, selon les textes bibliques,
la bénédiction est à la fois accueil, promesse et envoi ; ne retenir qu’un seul
des trois pôles ne rendrait pas compte du mouvement même de la bénédiction.
2.2. Bénir,
c’est offrir un signe et une parole qui disent l’amour de Dieu et sa présence ;
ce n’est pas faire un acte magique qui contraindrait Dieu à nous être favorable
; ce n’est pas non plus signifier qu’il approuverait nos projets. Puisqu’elle
renvoie à celui qui fait toutes choses nouvelles, puisqu’elle suscite la
confiance en lui, la bénédiction est vraiment source de paix et d’espérance,
elle ouvre l’avenir et oriente une dynamique de vie renouvelée.
2.3. Être béni
est un cadeau qui nous est offert par grâce, à recevoir dans la foi ; c’est un
appel à accueillir les joies de la vie avec gratitude et un appui pour assumer
nos difficultés avec courage et confiance.
2.4. Car la
bénédiction atteste la présence de Dieu auprès de nous dans nos échecs comme
dans nos succès, dans nos marches assurées comme dans nos errances. Elle ne
nous dispense ni des incertitudes de la vie humaine, ni des risques de nos
projets, ni de nos responsabilités, mais soutient notre confiance en la
bienveillance de Dieu.
3. Cheminer
ensemble
3.1. Sur la
base de cette compréhension de la bénédiction, le Synode national appelle donc
les fidèles, les paroisses et Églises locales, à accueillir pour eux-mêmes ce
don de Dieu et à poursuivre la réflexion sur leurs propres pratiques de
bénédiction.
3.2. L’Église
protestante unie de France confesse que la communion de l’Eglise est don de
Dieu, toujours à accueillir. Elle entend traduire ce don en marchant dans la
communion fraternelle telle qu’en témoignent les Écritures. Il ne s’agit ni de
confondre la légitime diversité avec une juxtaposition de convictions et de
pratiques individuelles (simple pluralité), ni d’assimiler l’unité de l’Église
avec l’imposition à tous d’une conviction et d’une pratique uniques
(uniformité). La communion fraternelle est une manière de vivre ensemble en
Église, en valorisant nos différences par l’intérêt que nous leur portons, dans
la confiance et la gratitude d’être frères et soeurs, enfants divers d’un même
Père céleste. Ainsi, ouvrir un chemin ensemble, c’est considérer précisément
comme une bénédiction le fait que Dieu nous parle aussi à travers nos
différences. Bénir.
Témoins de l’Evangile dans 3
Décision adoptée par le Synode national l’accompagnement des personnes et
des couples du Lazaret (Sète), le 17 mai 2015
page 5
3.3. La communion fraternelle se construit en particulier
dans la lecture partagée des textes bibliques. La diversité de nos
interprétations nourrit et enrichit notre foi quand celles-ci se fondent sur la
conviction commune que Jésus-Christ est le Seigneur.
3.4. Dans cet
esprit, le Synode se réjouit que des questions concrètes, parfois sensibles,
concernant la bénédiction des personnes et des couples aient pu être
travaillées et débattues dans les Églises locales et les Synodes régionaux. Il
n’éprouve pas le besoin d’uniformiser les pratiques de bénédiction, mais
appelle les Églises locales et paroisses à accueillir les différences comme une
interpellation et une richesse tout en poursuivant le dialogue en leur sein et
entre elles, dans la communion fraternelle.
3.5. De la
même manière, le Synode est convaincu que cette communion fraternelle doit être
vécue dans le dialogue avec les autres Eglises, notamment au sein de la
Fédération protestante de France. Elle repose sur notre commun enracinement en
Jésus-Christ, notre Seigneur et Sauveur, par-delà les pratiques différenciées dans
l’accueil et l’accompagnement des personnes et des couples.
4. Bénir en
Eglise
4.1. Attentif
au désir de beaucoup de nos contemporains que leur soit manifestée la
bienveillance inconditionnelle de Dieu dans le concret de leurs existences,
dans leurs épreuves et leurs joies, le Synode invite les paroisses et Églises
locales et les ministres à exercer pleinement leur responsabilité pastorale à
leur égard,
- en accueillant avec bienveillance et
sérieux les personnes et les couples qui, dans leur grande diversité,
s’adressent à eux, parce qu’ils veulent placer leur existence devant le Dieu de
Jésus-Christ,
- en les accompagnant dans leurs
efforts pour discerner le projet que Dieu a pour eux,
- et
en explorant les voies possibles pour leur signifier en Église la bénédiction
de Dieu.
4.2. Les
paroisses et Églises locales ont particulièrement réfléchi à la demande
formulée par un certain nombre de couples de même sexe, membres de notre
Eglise, qu’une bénédiction soit prononcée sur eux à l’occasion de leur mariage
civil.
4.2.1. Le
Synode prend acte des positions diverses qui se sont fait entendre à ce propos
au sein de l’Eglise protestante unie au cours de la démarche synodale – comme
il en existe d’ailleurs dans d’autres Églises. Il affirme que ces différences
ne sauraient remettre en cause la communion fraternelle, fondée en Jésus-Christ
et non dans l’unanimité de nos convictions..
Nous lisons
tous dans les Écritures la joie d’un engagement à vivre un amour respectueux de
l’autre. La bénédiction témoigne alors du « oui » de Dieu à l’amour entre deux
personnes qui devient alliance et projet, chemin et promesse.
Tous aussi
nous recevons le témoignage des Écritures qui font de l’amour fidèle d’un
couple homme-femme une parabole de la fidélité de Dieu pour son peuple. Mais
nous n’en tirons pas tous les mêmes conséquences : pour certains, seuls de tels
couples peuvent être bénis liturgiquement, tandis que pour d’autres, la
bénédiction de Dieu ne saurait être liée à l’orientation sexuelle. Bénir. Témoins de l’Evangile dans 4 Décision adoptée par le Synode
national l’accompagnement des personnes et des couples du Lazaret (Sète), le 17
mai 2015
page 6
4.2.2. Le Synode est soucieux à la fois de permettre que les
couples de même sexe se sentent accueillis tels qu’ils sont et de respecter les
points de vue divers qui traversent l’Église protestante unie. Il ouvre la
possibilité, pour celles et ceux qui y voient une juste façon de témoigner de
l’Évangile, de pratiquer une bénédiction liturgique des couples mariés de même
sexe qui veulent placer leur alliance devant Dieu.
5.
Coordonner nos pratiques
5.1. Afin de
vivre pleinement la communion fraternelle, il est utile de nous donner les
moyens de coordonner nos pratiques, à propos des bénédictions de couples de
même sexe, aussi bien au sein des Églises locales et paroisses qu’entre elles.
5.2. Les
bénédictions liturgiques, qui relèvent du discernement pastoral, ne peuvent pas
se faire sans un dialogue en Conseil presbytéral. Si, concernant les situations
concrètes, le ministre (ou la personne titulaire d’un mandat) est tenu au
secret professionnel, y compris vis à vis du Conseil presbytéral, il lui
faudra, à l’occasion d’une première demande et dans le souci d’exercer
pleinement son ministère d’unité, s’accorder avec son Conseil sur le principe
de telles bénédictions liturgiques.
5.3. Le Synode
décide de la création d’une part d’une « Équipe d’accompagnement des
bénédictions » et d’autre part d’une « Équipe liturgique pour les bénédictions
».
5.3.1. Équipe
d’accompagnement des bénédictions :
5.3.1.1. Cette
équipe sera composée de 5 à 7 membres nommés par le Conseil national.
5.3.1.2. Elle
aura la responsabilité d’accompagner les Églises locales et les paroisses qui
le souhaitent dans leurs réflexions et leur décision. Elle pourra aussi
proposer une intervention sur la suggestion du Conseil régional.
Elle pourra
être consultée par un ministre (ou une personne titulaire d’un mandat) désireux
d’avoir un interlocuteur pour discerner le meilleur chemin à suivre dans telle
situation concrète ; les membres de l’équipe qui interviendront alors seront
soumis au secret professionnel.
5.3.2. Équipe
liturgique pour les bénédictions :
5.3.2.1. Cette
équipe sera composée de 5 à 7 membres nommés par le Conseil national.
5.3.2.2. Elle
aura la responsabilité de collecter, élaborer et diffuser des supports
liturgiques concernant la bénédiction des couples de même sexe à l’occasion de
leur mariage. Ces éléments seront utilisables à titre temporaire, jusqu’à ce
que les synodes soient saisis d’un projet de liturgie instruit par quelques
années d’expérience. En attendant, toute liturgie pour une telle bénédiction
sera élaborée en dialogue avec cette équipe.
6. Envoi
Le Synode
exhorte les Églises locales et paroisses à exercer ainsi la liberté des enfants
de Dieu, en ayant le souci les uns des autres, dans la bienveillance et la
communion fraternelle.
Avec l’aide de l’Esprit saint, osons la confiance
entre nous, dans la confiance au Dieu de Jésus-Christ, qui nous bénit et nous
appelle à bénir !
page 7
2) mon blog de juin 2014
"Mariages" dits homosexuels
CHACUN SON MOT
-un point ce vue protestant personnel-
Une Église confessante devant le nihilisme envahissant (tout se
vaut)
Au moment où l'Église protestante unie de France procède à une
consultation de ses membres sur la question du "mariage" homosexuel,
je reviens sur cette question (voir septembre
2012). J'attribue la demande de mariage de la part de couples homosexuels à un
embourgeoisement. Il faut en tenir compte et il me semble que c'est, pour les
Églises, une occasion de savoir se
rendre inventives dans la
foi plutôt que de se
conformer à la société ou de tomber dans l'intolérance
Dès lors que l'État reconnaît un "mariage pour tous",
l'Église est amenée à prendre position face à des demandes de
"mariage" émanant de partenaires homosexuels civilement
"mariés".
C'est d'abord une question de termes:
a) sur le plan linguistique, le mariage signifie la réunion d'éléments
différents et qui restent tels: quand on "marie" des saveurs cela
veut dire qu'elles sont différentes et qu'au goût, chacune d'elles subsiste
distinctement des autres. Ne vaudrait-il pas mieux parler d'une "union
similsexuelle familiale";
b) car il serait souhaitable, en effet, de parler d'unionsdissexuelles
* (dissimilis) ou similsexuelles (similis) -éviter de dire
"simil i sexuel", qui a un autre sens-
plutôt que hétérosexuelles ou homosexuelles (en français, on compose des
mots latin-latin ou grec-grec).
* Abréviation pour dissimilsexuel-le.
* Abréviation pour dissimilsexuel-le.
NB: Les unions dissexuelles et similsexuelles se distinguent des
unions plurisexuelles: polygamie, pédophilie, zoophilie, unions
sado-masochistes.
Toutefois, pour ne pas alourdir mon texte, je continuerai
d'utiliser les expressions devenues courantes: "mariages
hétérosexuels", "mariages homosexuels".
page 8
Ensuite, une question spirituelle : Admettons-nous que des partenaires
homosexuels souffrent sur le plan de l'intégration sociale et qu'au moins l'un
d'eux puisse partager la
même foi chrétienne que nous ? Pensons-nous que l'Église puisse apporter à
leurs attentes une réponse correspondant à leur profil et qui leur soit un
soulagement ?
Le salut est inconditionnel, mais l'Église (au sens des
responsables comme du peuple de l'Église) se doit d'être attentive aux
interprétations et aux utilisations qui sont faites des actes liturgiques
qu'elle est appelée à accomplir dans, par et avec la foi. Nous nous devons, en
tout cas, d'éviter la cérémonie de complaisance, prétexte à la fête. Que
la fête se situe de préférence le jour du mariage civil.
Si la demande des couples de même sexe est celle de la satisfaction du désir mimétique
de faire un mariage comme les autres, l'Église se trouve en porte-à-faux : si
elle défère à la demande, c'est au prix d'un reniement (celui de
l'anthropologie de la foi biblique), si elle la refuse, c'est au prix d'un
autre reniement (le salut inconditionnel).
En revanche, si la demande émane de chrétiens qui, sans cacher
leur orientation sexuelle, veulent rester fidèles à la Parole de Dieu pour l'ensemble
de leur vie et souhaitent former un couple et fonder une famille sur le mode d'une vocation,
sous cet aspect, l'Église peut prendre cette demande en considération et lui
donner une réponse spécifique.
Quelle est la motivation spirituelle des demandeurs? Quel est
l'engagement dans la foi de chacun? Quelle est leur conception de la vie
commune? Quel est ou peut être la place de chacun ou de leur couple dans la vie
courante de l'Église? Pourquoi présentent-ils ou -elles une demande à caractère
religieux à côté de la sanction civile? Que représente pour eux une alliance,
un sacrement, un charisme, une vocation, une communion, une communauté, une
famille? De quelle manière se situent-ils ou elles par rapport à l'annonce du
royaume des cieux (ou de Dieu)
par Jésus dont les Évangiles se sont fait les témoins?
Selon le sens que les intéressés donneront à leur démarche, nos
Églises pourraient leur proposer un
"Acte de reconnaissance de l'existence d'une vocation commune à former un couple et à fonder une
famille".
page 9
L'acte de reconnaissance n'est ni un sacrement ni une bénédiction
(même s'il s'accompagne parfois d'une bénédiction).
Dans nos Églises, on bénit des mariages et on reconnaît les charismes, les vocation, les
ministères. C'est dans ce cadre, me semble-t-il, que la requête spirituelle,
présentée par des partenaires de même sexe, suite à leur
"mariage" civil, peut trouver sa réponse la mieux appropriée dans
l'Église.
Je laisse ainsi de côté la bénédiction qui brouille les cartes
parce que, dans nos Églises, elle est constitutive d’un mariage. Traiter
des questions que les mariages de couples de même sexe posent aux Églises à
partir de la bénédiction, c'est enfoncer une cheville carrée dans un trou
rond, il faut changer de registre, passer à la reconnaissance d'un don. Une reconnaissance de vocation n'est
pas un succédané de mariage, un mariage au rabais, c'est autre chose.
Fondement biblique : Ge 1, 26-31 :
l’être humain voulu par la Parole créatrice est homme et femme, c’est le couple
avec sa descendance. D'où, les notions bibliques d'alliance, de vocation et
d’espérance, de royaume des cieux -de Dieu et d’Église, de famille.
L'anthropologie biblique du couple de sexe différent appartient à l'ordre de la
création et constitue la règle du jeu dans toute la tradition issue de la
Bible. Que l'ordre ou l'alliance de la création soit perturbé par l'être
humain, c'est un fait à la fois de nature et de société que l'on ne peut que
constater; qu'il existe d'autres règles pour d'autres jeux est possible, mais
on ne demande pas de jouer dans une équipe de basket (l'Église) avec les règles
du jeu du football (la postmodernité).
L'attitude que nous adoptons en ce qui concerne l'ordre ou
l'alliance de la création est déterminante. S'il s'agit d'un ordre qui
s'impose, il n'est plus "bon" (ToV)
comme le veut le texte de Genèse 1. S'il s'agit d'une réalité physique,
personnelle et sociale qui nous est donnée afin que nous puissions nous appuyer
dessus ou nous adosser contre elle en toute confiance, cet ordre, cees règles,
cette régulation, sont "bons". Dans le cas d'une reconnaissance de vocation
à former un couple et fonder un foyer, l'ordre de la création devient même un
projet (tout comme fondamentalement aussi, d'ailleurs, dans le cas des mariages
hétérosexuels).
Base théologique sotériologique de la Réformation :
a) la conversion fait de nous des pécheurs pardonnés (non
repentis, mais pardonnés) : toujours pécheurs et toujours pardonnés,
toujours pardonnés et néanmoins pécheurs;
b) le salut est donné (pas seulement offert) sans conditions, tels
que nous sommes, quels que nous soyons. Il n’y a aucune bonne conscience, pas
plus que de tourments concernant le salut par grâce, pourtant Dietrich
Bonhöffer nous a rendus attentifs au fait que le don gratuit coûte : suivre
Jésus n'est pas un chemin semé de roses (Nachfolge, 1937)
page 10.
Conséquences ecclésiologiques: l'Église n'a aucune
raison de principe de refuser en son sein un-e homosexuel-le ou des partenaires
homosexuels qui vivent leur foi, de les écarter de la cène, de leur refuser la
bénédiction finale du culte, voire l'élection à un ministère. Pourtant, devant
une demande de mariage, elle se doit d'exercer un discernement. La demande d'une bénédiction doit "convenir" au cas
particulier pour lequel elle est demandée. On peut bénir séparément chacun des
partenaires homosexuels, mais suivant l'inspiration de l'anthropologie biblique
la bénédiction de mariage ne convient pas pour un pareil cas.
L'Église a la possibilité de bénir le mariage d'un couple
hétérosexuel ou de reconnaître la vocation de partenaires de même sexe à
former un couple et fonder une famille, sans que cela implique un jugement de
valeur. La reconnaissance d'une vocation commune est différente d'un mariage,
elle ne lui est pas spirituellement inférieure.
Question subsidiaire : Quelle réponse donner à un couple
hétérosexuel qui demanderait une bénédiction de mariage avec la volonté
déclarée de ne pas avoir d'enfants?
Situation culturelle : Le christianisme
doit-il s’adapter ou peut-il réentendre avec fidélité la Parole de Dieu dans la
post-modernité occidentale ?
Pour cette dernière, la sexualité humaine n'est pas que la nature,
c'est aussi la société. C'est la société tout en restant la nature. La nature
qui peut avoir des hésitations, la société qui peut faire des erreurs. Mais la
foi s'incarne toujours dans des possibilités d'existence personnelles
appropriées, qui, dans l'histoire, se sont souvent révélées nouvelles ou
renouvelées.
Il y a des couples de même sexe qui, dans leur vie courante, se
réclament de l'Évangile ("les pécheurs et les prostituées vous devancent
dans le royaume des cieux", Matthieu 21, 31-32), quand bien même le
jugement de la Loi les stigmatise.
Dans ce cas, est-il licite d'interpréter la parole de Paul :
"En Christ il n'y a plus ni homme ni femme" (Galates 3, 28: "ni
mâle ni femelle", selon la traduction Darby-), au sens de la
post-modernité qui distingue entre homme ou femme et masculin ou féminin?
a) "Pour ceux qui sont en Christ, il n'y a plus de masculin
ou de féminin même s'il existe toujours des hommes et des femmes sur le plan
physique";
page 11
b) Ou, au contraire: "En Christ, le masculin ou le féminin
demeurent, mais, au-delà de toute apparence physique, il n'y a plus d'hommes ou
de femmes" ?
Ces deux formules pourraient, chacune à sa manière, justifier
l'homosexualité aussi (et considérant, par ailleurs, les fortes paroles de Paul
contre les mœurs homosexuelles de Romains 3) vaut-il mieux penser que la portée
de la parole de Paul est sociale:
c) "En Christ, homme et femme sont socialement égaux, il n'y a plus de supériorité
de l'homme (du masculin) sur la femme ou de la femme (du féminin) sur
l'homme"?
Comme le plus souvent, Paul emploie l'expression "en
Christ". Cette expression a une dimension de devenir, celle même de lavocation chrétienne, l'actualité eschatologique
du royaume des cieux -de Dieu) plutôt que l'une des expressions qui suggèrent
un état: "ceux qui ont Christ en eux", "en qui Christ
demeure", "qui possèdent Christ".
Le "nouvel Homme" paulinien est un être humain
réconcilié par grâce, au moyen de la foi, avec le Seigneur, avec les autres,
avec lui-même. En Christ, la masculinité et la féminité qui nous constituent
sont appelées à vivre ensemble, réconciliées (ce que C-G. Jung a traduit par
les compensations réciproques entre animus etanima: Dialectique du moi et de
l'inconscient ",
Idées / Gallimard, 1973 p 179 et 181). Dans l'Église les hétérosexuels et les
homosexuels qui ont une même espérance en Christ, ont
vocation à vivre réconciliés.
La proposition présentée ici consiste en un acte liturgique
accompli, de part et d'autre, dans et par la foi, acte attestant que les
aspirations vécues par les couples de même sexe sont une vocation commune à
former un couple et fonder une famille. Réconciliation non seulement en marche,
mais en œuvre.
Contrairement aux apparences, la différence établie par Judith
Butler entre sexe (nature) et gender (société) (Troubles dans le genre,
Le féminisme et la subversion de l'identité, La Découvete, 2006) peut nous
aider en l'occurrence. Il est d’expérience que dans les couples de même sexe
l’un tient le rôle de la femme, l’autre celui de l’homme, ainsi, nous pouvons
croire que des partenaires de même sexe, en formant des couples, peuvent, si
nous prenons la grâce au sérieux, retrouver l’anthropologie biblique non plus sur
le plan d'un homme et d'une femme réalisant l’être humain dans leur union, mais
d’un semblable accomplissement retrouvé sur un plan culturel à travers une
vocation masculine ou une vocation féminine auxquelles ils ont souscrits quelle
que soit leur configuration physique.
page 12
Observons que, au sein des couples hétérosexuels qui ont reçu la
bénédiction nuptiale dans nos Églises, la répartition des rôles (soins aux
enfants, cuisine, gagne pain, bricolage, ménage-repassage, sport, etc.) n’est
souvent plus fonction d’un sexe ou de l’autre et que les repères extérieurs,
vestimentaires ou autres, ne sont plus discriminatoires.
Conditions légales : en France, depuis
que le « mariage pour tous » a été reconnu, on peut légalement
procéder à un acte ecclésiastique de reconnaissance d'une vocation conjugale et familiale.
La suggestion pratique serait celle-ci :
après que le "mariage" civil a eu lieu; suite à une préparation qui
portera sur la connaissance et l’adhésion aux éléments bibliques, théologiques
et ecclésiologiques rappelés ci-dessus, la reconnaissance liturgique d’une
vocation (ni aptitude ni capacité, mais vocation au royaume des cieux -de Dieu)
à former un couple et à fonder une famille peut être envisagée.
L'acte liturgique, conçu dans un culte ou en-dehors d'un culte,
comportera essentiellement:
1) un accueil comportant au moins une confession de foi (à
laquelle les intéressés peuvent avoir travaillé) ;
2) une instruction rappelant le sens de la reconnaissance d'une
vocation;
3) la question :
« Voulez-vous répondre à la vocation commune qui vous est
adressée par Dieu (par le parole de Dieu, par le Saint Esprit) pour former un
couple et fonder une famille dans la perspective du royaume des cieux -de
Dieu ? »
et la réponse commune : « Oui, nous le voulons. Que le
Seigneur nous soit en aide » ;
4) suite à cela, l'officiant prononce ces paroles :
« L’Église protestante unie de France reconnaît votre vocation
commune à former un couple et à fonder une famille dans la perspective du
royaume des cieux -de Dieu où nous nous plaçons nous-mêmes, elle prie avec
vous pour que s'affermisse cette vocation, AMeN ».
Il n'y a ni bénédiction ni échange d'anneaux, mais, au moment où
il prononce ces dernières paroles, l'officiant peut éventuellement prendre,
entre ses mains une main de chacun des déclarants.
page 13
Après quoi, on peut envisager d’offrir une Bible ou tout autre
ouvrage qui conviendra pour la réalisation de cette vocation.
5) vient alors le moment de la prédication ou du message, d'une
prière d’intercession pour les conjoints en présence, pour leur famille, pour
les couples et les familles proches ou lointains, prière suivie du Notre Père;
6) l'acte liturgique se termine par la bénédiction finale de
l'assemblée, debout.
Chants à la convenance.
Ne pas tomber dans le nihilisme (tout se vaut, le n'importe quoi)
sans rejeter personne,
donner une réponse correspondant aux réalités en présence.
Jacques Gruber
donner une réponse correspondant aux réalités en présence.
Jacques Gruber
SEPTEMBRE 2015
pour
encourager la théologie
Je me propose
de publier ici, dix fois par an, un texte théologique ou spirituel, des
compte-rendus critiques de lectures. Je suis de culture protestante, mais ma
question concerne la façon dont le christianisme peut s’anticiper aujourd'hui.
Pareille, perspective ne peut s’accommoder d’une attitude purement
confessionnelle ou dogmatique.
Je tire une
inspiration indépassable de la source biblique et je m’adosse à la tradition
chrétienne dont je suis solidaire. En même temps, je vis en tension
l’incomplétude actuelle de la réalité et de la vérité (ce qui est différent du
doute), avec les autres religions et cultures, la modernité et la postmodernité.
Le
CORAN
Il me semble
que, pour des millions de musulmans qui ne lisent pas l'arabe de la Mekke de
notre septième siècle, le Coran (Qur'an
; "ce qui est récité") c'est d'abord l'appel modulé du Muezzin dans
une langue inconnue, mais mélodieuse et attirante qui appelle au rassemblement
des hommes à la mosquée. C'est ensuite, le texte, incompréhensible pour eux,
que l'on fait apprendre par cœur par des enfants dans les écoles coraniques.
Sur certaines expressions, les savants de l'Université Al-Azar du Caire avouent
aux traducteurs qu'ils ne peuvent se prononcer clairement.
Dans les
sourates de la Mekke, en particulier, les versets se succèdent sur les mêmes
assonances (par exemple : les sons èn,
àn, ìn , ùn, èn) produisant une scansion
musicale par ailleurs propre à la mémorisation. En pratique, pour la grande masse des
musulmans (arabes ou autres), le Coran est essentiellement ce chant, comme si
nous entendions une Bible en poésie occitane.
Un exemple sensible en
traduction française : Sourate 3, La famille de Hrimrân, versets 127/133 à
130-136. Avec le temps, on passe des hymnes à la prédication puis les textes
s'allongent et le discours remplace la poésie et le prêche.
Cette
situation peut avoir eu pour conséquence que la Sunnah (qui est lisible et
audible) a pris de l'importance dans la vie des croyants musulmans.
Le
Qur'an, c'est ensuite quelque chose
comme le Christ, le Médiateur, pour nous (Muhammad, 570-571-580 à 632, l'Envoyé
d'Allah en est l'Apôtre). En ce sens, on peut parler d'une "religion du
livre" (alors que nous serions une religion de la Parole). Livre, au reste
peu lu à cause de l'obstacle de la langue si bien qu'il peut n'être qu'un Livre
fermé ou devenir un Livre fétiche.
La confession de foi musulmane s'exprime
ainsi : "Il n'y a de Dieu qu'ALLaH et Muhammad est son Envoyé (le
Prophète)". Le Coran parle aussi du "Seigneur des Mondes", du
"Seigneur de Moïse et d'Aaron" (Sourate 7, 118/121), mais sa
conception d'un Dieu que l'on connaît par son Nom (Allah) est tout différente
de celle de la Bible qui ne prononce pas le Nom par excellence et le remplace
par des appellations telles que le Seigneur (Adonaï), le Nom (HaChem).
Les cinq piliers de l'islam sont la prière cinq fois par jour, l'aumône, le
jeûne, le pèlerinage de La Mekke au moins une fois dans sa vie, la guerre
sainte (le djihad) contre nos mauvais
penchants et contre les ennemis de l'islam (voir Sourate 2, 172).
Le
projet de Muhammad est de donner aux Arabes une religion et un Livre, comme les
Juifs et les chrétiens. Au départ, il vise sa tribu, d'où une religion tribale
identitaire (circoncision) qui veut s'imposer à toute l'humanité.
Le
Coran se donne pour la révélation d'une seule personne (Gabriel) à une seule
personne (Muhammad). La période où Muhammad reçoit ces révélations va de 612 à
632. Il s'adresse prioritairement aux Arabes, puis aux "hommes", aux
hommes circoncis (les fidèles), ayant la foi en Allah (les Croyants), étant
soumis (muslim) à Allah et aux
paroles de son Prophète, Muhammad (‟Obéissez
à Allah et à son Envoyé”), à l'Ummah (la
communauté mondiale des hommes circoncis qui obéissent à Allah et à son
Envoyé).
À la Mekke, Muhammad s'élève contre le paganisme polythéiste et
engage un combat pour le Dieu unique Allah, Miséricordieux et Compatissant,
Tout-Puissant, Tout-connaissant, Tout-présent, Exclusif pour tous ceux qui ne
font pas sa volonté ou restent en dehors (les Associateurs qui ajoutent
d'autres personnes à côté d'Allah), il prêche la soumission (islam) à Allah, le
renoncement à la vie immédiate égoïste en vue de la vie dernière, du Jour du
Jugement, d'un Paradis musulman.
Les paroles apportées par Muhammad ont
été rédigées sur tout espèce de support (papyrus, parchemins, peaux, tessons,
etc.). Lors du recueil des textes sous l'autorité du deuxième Calife (Umar -ou
Omar-, 634-644) les Sourates -chapitres- ont été classées de la plus longue à
la plus courte. Les critiques peuvent observer qu'une sourate est composée de
plusieurs sourates mises à la suite lors de la constitution du Coran. Ensuite
le Calife a veillé à ce que la totalité des originaux soit détruite. L'actuel
Coran date de notre 9e siècle. Une version plus ancienne, retrouvée à Sanaa
(Yémen), reste interdite.
Les
critiques du Coran classent les sourates
(chapitres divisés en verstes) en quatre séries, selon qu'elle font référence
internes à des moments de la vie de Muhammad. Exemple important : la guerre
sainte, Sourate 2, vv. 186/190 à 189/193, autre : Sourate 4, vv. 76/74 à 78/76
ou il y a opposition entre "vie immédiate" et "vie
dernière"). A la Mekke, Muhammad est un quidam qui gène et que l'on chasse
(hégire), à Médine c'est un Prophète écouté qui devient le chef, à tendance
théocratique, d'un peuple en quelque sorte élu, qui exclut voire voue à la
destruction, les images de quelque sorte que ce soit, les insoumis,
incirconcis, incrédules (de la parole de Muhammad), les ennemis de l'islam.
Le
contenu des Sourates (chapitres) présente des thèmes récurrents: Allah, Muhammad,
l'un ou l'autres sujet de législation (par exemple : les interdits
alimentaires), l'un ou l'autre des cinq piliers (voir Sourate 2, vv. 163/168 à
172/177), les Juifs, les "associateurs". Parmi ceux-ci, les chrétiens
trinitaires. Compte-tenu que, pour le Coran, la Trinité est : - le Père, le
Fils et Marie -.
Selon
toute vraisemblance, Muhammad n'a jamais lu aucun passage de la Bible, la
connaissance qu'il en a découle des entretiens qu'il a eus avec des marchands
Juifs ou chrétiens, même si les choses sont présentées comme venues de
l'archange Gabriel (figure tiré de l'apocalyptique juive).
Muhammad
se donne comme le dernier prophète (l'Esprit annoncé dans les Évangiles (en
particulier, Jean 15, 17), le sceau de la prophétie, le Coran est l'ultime
révélation qui corrige les précédentes (présentées comme des falsifications).
Cette idée est juste, dès lors que les souvenirs (et, sans doute, non les
textes) bibliques rapportés par les collègues de Muhammad étaient déjà faussés.
Notons qu'après la révélation biblique
plusieurs révélations ont fleuri: Le Coran, le Livre de Mormon …, comme le
genre évangile après les Évangiles canoniques.
Le
Coran et la Bible :
1
Unicité absolue (monolithique) de la Divinité dont on connaît et utilise le nom:
Allah. Il dirige qui il veut, il égare
qui il veut. Le Coran se plaît à énumérer toutes les qualités d'Allah.
2
Abraham père des croyants au Dieu unique
(hranif, Sourate 3 v. 60/67 ; créateur,
avec Ismaël, du culte de la Kaabah à la Mekke, Sourate 2, v. 122/127). Il
quitte Ur à cause de ses idoles, il offre son fils (tantôt Isaac, tantôt
Imaël). Le hranifisme a été régénéré et complété par Muhammad, Sourate 3, vv.
73/79 et suivants, avec , confession de foi des croyants (v. 78/84, voir aussi,
Sourate 4, v. 135/136 ; Sourate 6,
74-83).
3
dans les énumérations de personnages bibliques, Ismaël vient d'habitude avant
Isaac; il est le premier des fils d'Abraham; dans les allusions à la ligature
du fils d'Abraham, il s'agit tantôt
d'Ismaël, tantôt d'Isaac.
4
Jésus est un prophète, il n'a pas été crucifié, un autre homme lui a été
substitué au dernier moment.
5
Virginité perpétuelle de Marie, mère de Jésus (Sourate 3, 40-43; 66,12) qui se
trouve, par ailleurs, confondue avec Marie sœur de Moïse (Sourate 19, 29/28-30/29).
6 Le Coran parle de Jésus, de Jonas, de
Joseph, de Noé et autres personnages bibliques mais pour donner toujours un
seul et même messages : ce sont des témoins, des exemples de la foi=soumission
au Dieu Unique Allah et appuyer les nombreux avertissements à vivre selon les
paroles du Coran, les coutumes et la culture dont il découle et qu'il promeut.
Exemple, la vocation de Moïse
Le
Coran, comme la Bible, connaît un temps linéaire, il pose que l'histoire
(universelle) du monde dépend de l'histoire particulière d'un seul
"peuple"(Israël, Église, Umma musulmane), mais également le monde
(mythologique) à trois étages cieux - terres - enfers.
Le
discours coranique est répétitif, il revient toujours de nouveau sur les
(pseudo-) origines des arabes ; sur les exclusivismes: idolâtres, Juifs,
associateurs ; sur AL-ILLaH Dieu dont on connaît le nom que l'on prononce à
tout bout de champ ; sur Muhammad ; mais pas tellement moraliste ou législatif
(cela reviendra à la Sunnah) ; sur les avertissements. Ni Loi ni Évangile (peu
de législation, peu de prescriptions), mais des avertissements. Les thèmes qui
reviennent dans chaque Sourate sont: les Juifs, les idolâtres, les
associateurs, les ennemis de l'islam en général, Allah, Muhammad. On ne trouve
ni récit ni poésie ni prières ni raisonnements suivis, mais surtout des
affirmations péremptoires (‟Dis …”).
Les croyances sont principalement: Allah (Absolu, Unique et Seul,
Omnipotent, Omniscient, Omniprésent), les Anges et les démons, les
prophètes, l'opposition entre la Vie
immédiate et la Vie Dernière, le dernier Jour, la Résurrection, le Jugement sur
nos œuvres (par ailleurs dirigées par Allah, déterminisme : "Allah dirige qui Il veut et égare qui Il
veut " -introduction de Régis Blachère, p. 17-), les Jardins (le
Paradis), les Tourments éternels. Ce que le Coran appelle la foi, c'est être soumis (muslim) à Allah (sa volonté est notre
destinée, Inch Allah !), au texte
coranique et à celui de la Sunnah,
tous deux pris à la lettre (Mektoub
!), avec les croyances citées ici.
La
SUNNAH
Le
Coran apporte des prescriptions
rituelles, ce n'est proprement ni un texte éthique (même s'il édicte une série
de devoirs moraux) ni un texte législatif (les textes sur les femmes, le
mariage et la répudiation, les contrats, la guerre sainte ressortissent aux
rituels, mais vont consacrer le vocabulaire juridique musulman) ni une
liturgie, c'est un texte charismatique qui contient cependant l'embryon d'un
Code civil et criminel dont la Sunnah va s'inspirer
La
Sunnah, la Tradition, contient des prescriptions concernant la vie courante,
une législation (la Chariah) et des récits de la vie de Muhammad ainsi que des
paroles (non-coraniques) de ce dernier (les Hadith). Il y a des interférences
entre Coran et Sunnah; dans plusieurs cas on (les non-musulmans et les musulmans
eux-mêmes) ne sait pas s'il s'agit d'un texte du Coran ou d'un texte de la
Sunnah. Il
n'y a pas eu de fermeture du canon coranique, le Coran continue d'être écrit au
fil des temps.
Dans
son ensemble, le Coran reflète son les circonstances de sa rédaction (son Sitz im Leben) : la prise de pouvoir
théocratique de Mouhammad à Médine sa victoire sur les idoles et les images,
les Juifs et les associateurs chrétiens, contre les mauvaises tendances de
chacun et contre les ennemis de l'Islam.
Un
facteur de confusionnisme : Pour des chrétiens-iennes qui n'ont pas une bonne
connaissance de l'histoire biblique et aucune expérience vécue de la Parole de
Vie, le risque est de penser et de dire que le Coran et la Bible, c'est la même
chose.
note
biographique : Muhammad, né en 570 ou
571 ou 580 à la Mekke, mort à Médine en
632. il a une vision de l'archange Gabriel. Il se met à communiquer dans des
sortes d'extases la volonté du Dieu unique Allah (al-Illah) : se détacher des
idoles et les détruire (le Coran retient d'Abraham qu'il avait quitté Ur pour
fuir l'idolâtrie de ses habitants); renoncer à la vie immédiate égoïste en vue
de la vie dernière, du Jour du Jugement; d'un Paradis musulman. Muhammad et ses
frères obligés de fuir à Médine en 622 (Hégire). En dix ans il organise là un
État théocratique et une société où la loi nouvelle remplace les us et coutumes
traditionnels. Le djihad qui pose le devoir absolu de combattre ceux qui
s'opposent à l'Islam, le menacent ou vivent simplement selon d'autres règles
fait partie de ces institutions, les cinq piliers de l'Islam (les cinq prières
quotidiennes, l'aumône, le pèlerinage à la Mekke, le jeûne du Ramadan, le
djihad). Après de durs affrontements (624, 625, 627) la Mekke se rend à
Muhammad en 630: l'Arabie est acquise à l'Islam. Les califes, successeurs de
Muhammad entreprendront de conquérir par les armes les contrées voisines et
amorceront l'expansion de l'Islam. (d'après le PLI).
Textes
choisis au fil du Qur'an
Traduction,
introduction et notes de Régis Blachère, Paris, Librairie orientale et
américaine, 198, boulevard Saint-Germain.
Un rappel de l'alliance du Sinaï :
[Rappelez-vous,) quand nous fîmes alliance avec vous et que Nous élevâmes
au-dessus de vous le Mont [Sinaï, en disant] : ‟Prenez avec force l'Écriture
qui vous est donnée et rappelez-vous ce qu'elle contient ! Peut être serez-vous
pieux. [Mais] par le suite, vous vous êtes détournés et, n'eussent été la
faveur et la miséricorde d'Allah, vous auriez certes été parmi les Perdants.”
(2, 60-61)
L'institution du pèlerinage de la Mekke : Et
[rappelez-vous] quand nous fîmes du Temple [de la Kaabah de la Mekke] un lieu
de visitation et un asile pour les Hommes, [quand] ceux-ci tirèrent du Maqâm
[lieu, emplacement] d'Abraham un lieu de Prière. Nous fîmes pacte avec Abraham
et Ismaël [en leur disant :] ‟Purifiez Mon Temple pour ceux qui font la
circumambulation, [pour] ceux qui font retraite pieuse [pour] ceux qui
s'inclinent et se prosternent.” (2, 119)
La soumission : Et
[rappelez-vous] quand le Seigneur dit à [Abraham] : ‟Soumet-toi [au Seigneur]
!” [Abraham] répondit : ‟ Je me soumets au Seigneur des Mondes”. [Abraham] a
recommandé cela à ses fils, et Jacob, [lui aussi a dit] : ‟O, mes fils! Allah
vous a délégué le Culte. Ne mourez point autrement qu'en Soumis [à Lui] !” (2,
125-126)
Le combat : Combattez
dans le chemin d'Allah ceux qui vous combattent [mais] ne soyez pas
transgresseurs. Tuez-les partout où vous les atteindrez ! Expulsez-les d'où ils
vous ont expulsés ! La persécution [des Croyants] est pire que le meurtre.
[Toutefois] ne les combattez point près de la Mosquée Sacrée [la Kaabah] avant
qu'ils vous y aient combattus ! S'ils vous y combattent, tuez-les ! Telle est
la récompense des Infidèles.
L'intervention d'Allah : La Vie
Immédiate [est parée de fausses apparences] pour ceux qui sont infidèles et se
gaussent de ceux qui croient. [Mais] ceux qui sont pieux seront au-dessus
d'eux; au Jour de la Résurrection. Allah attribue [Ses bienfaits] à qui il
veut, sans compter. (2, 208) […] Allah dirige qui Il veut vers une Voie Droite.
(2, 213, fin du verste)
La figure d'Abraham : Abraham ne
fut ni Juif ni chrétien, mais fut hanif
[croyant au Dieu unique] et soumis (muslim)
[à Allah] il ne fut point parmi les Associateurs. (3, 60)
La communauté [Ummah] musulmane : Vous êtes la
meilleure communauté qu'on ait fait surgir pour les Hommes: vous ordonnez le
Convenable, interdisez le Blâmable et croyez en Allah. Si les Détenteurs de
l'Écriture [Juifs et chrétiens] avaient cru [en Allah], cela eut été mieux pour
eux. Parmi eux, il est des Croyants, mais la plupart sont des Pervers. (3, 106)
Le "chemin d'Allah" : Que combattent
dans le chemin d'Allah ceux qui troquent la Vie Immédiate contre la [Vie]
Dernière. À ceux qui, combattant dans le chemin d'Allah, sont tués ou sont
vainqueurs Nous donnerons une rétribution immense. (3, 76)
Contre ceux qui donnent des
"associés" à Allah : Allah ne pardonne pas qu'il lui soit
donné des Associés, alors qu'Il pardonne à qui il veut les péchés autres que
celui-là. Quiconque associe à Allah des [épouses] est dans un égarement infini.
(4, 116)
Avertissement aux croyants et aux
non-croyants
: O vous qui croyez ! , croyez en Allah , en son Apôtre, à l'Écriture qu'Il a
fait descendre sur son Apôtre et à l'Écriture qu'il a fait descendre
antérieurement ! Quiconque ne croit pas en Allah, [en] Ses Anges, [à] ses
Écritures, [en] Ses Apôtres et au Dernier Jour est dans un égarement infini?
(4, 135)
Jésus n'a pas été crucifié : [Nous les
avons maudits] pour avoir dit : ‟Nous avons tué le Messie, Jésus fils de Marie
l'Apôtre d'Allah”, alors qu'ils ne l'ont ni tué ni crucifié, mais que son sosie
a été substitué à leurs yeux. (4, 156)
Les sous-titres de la Sourate 5 : La
Table servie
: (1-5) ‟Au Nom d'Allah, le Bienfaiteur et miséricordieux” suivi
d'avertissements pour tous ceux qui désacralisent ce qui a été déclaré sacré ou
sacralisent ce qui a été déclaré non sacré ; ‟Aujourd'hui J'ai parachevé votre
religion, et vous ai accordé Mon entier bienfait. J'agrée pour vous l'Islam
comme religion.” (5,5); suivent les paragraphes suivants : (6-7) Des permissions alimentaires et
matrimoniales ; (8-9) De
l'ablution: (10-14) Admonition aux
croyants, rappel des bienfaits d'Allah;
(17-22) Contre les Juifs médinois; contre les chrétiens et les Juifs; (23-29) Contre les Juifs médinois, rappel
des désobéissances à Moïse ; (30-44)
Le crime de Caïn; (45-55) Contre les
hypocrites et les Juifs médinois, rappel aux Juifs et aux chrétiens d'avoir à
arbitrer selon la Thôrâh et l'Évangile,
compléments apportés par la nouvelle révélation de Mouhammad; (56-63) Interdiction faite aux Croyants de
pactiser avec les Juifs et les chrétiens;
(64-75) Contre les Juifs médinois et les chrétiens; (76-81) Contre les chrétiens: (82-89)
Contre les Juifs, éloge des chrétiens; (89b-97) Interdictions alimentaires et
autres; (98-104) De quelques sacralisations, abolition de certaines pratiques;
(105-108) Dispositions testamentaires;
(109-120) Jésus simple prophète, ses miracles : Marie membre de la
Trinité (v. 116) : ‟O Jésus, fils de
Marie, est-ce toi qui as dit aux Hommes: Prenez-nous, moi et ma mère comme
divinités en dessous d'Allah ?” .
NB
: Il n'y a pas de Sourate qui ne contienne de nombreux versets contre les Juifs
et les chrétiens … de Médine. Mais ces textes ont été, de tout temps,
généralisés.
Inspiration divine de Mouhammad : [Ceci est]
une Écriture qu'on a fait descendre vers toi - que nulle gène ne soit en ta
poitrine à son égard - afin que, grâce à elle, tu avertisses et [qu'elle soit]
une Édification pour les Croyants. (7, 1)
Allah identifié comme le "Le
Seigneur des Mondes" ["Dieu des Armées" biblique]: (7, 102) Moïse
dit : ‟O Pharaon! Je suis un Apôtre du Seigneur des Mondes.” […] (7, 117-118)
Les magiciens tombèrent prosternés et dirent : ‟Nous croyons au Seigneur des
Mondes, au Seigneur de Moïse et d'Aaron”.
Appels au combat : Combattez
ceux qui ne croient point en Allah ni au Dernier Jour, qui ne déclarent pas
illicite ce qu'Allah et Son Apôtre ont déclaré illicite. […] Les Juifs ont dit
: ‟Hozaïr est Fils d'Allah”. Les chrétiens ont dit : ‟Le Messie est Fils
d'Allah”. Tel est ce qu'ils disent, de leur bouche. Ils imitent le dire de ceux
qui furent infidèles antérieurement. Qu'Allah les tue ! Combien ils s'écartent
[de la Vérité] ! (9, 30)
Tiré de l'Annonce faite à Marie (19, 16-41) : Elle (Marie) vint donc aux
siens , portant [l'enfant]. ‟O Marie”, dirent-ils, ‟Tu as accompli une chose
monstrueuse ! O sœur d'Aaron ! Ton père
n'était pas un père indigne ni ta mère une prostituée !” Marie fit un signe
vers [l'enfant]. ‟Comment”, dirent-ils, ‟parlerions-nous à un Enfançon qui est
au berceau ?” Mais [l'enfant] dit : ‟Je suis serviteur d'Allah. Il m'a donné
l'Écriture et m'a fait Prophète”. (19, 28-30)
Le Buisson ardent d'Exode 3 : Est-ce que
t'est parvenue l'histoire de Moïse lorsqu'il vit un feu et dit à sa famille :
‟Restez ! En vérité je distingue un feu. Peut-être vous en rapporterai-je un
tison ou retrouverai-je, par ce feu, notre chemin.” Quand il fut arrivé à ce
feu, il lui fut crié : ‟Moïse ! Je suis ton Seigneur. Ote tes sandales ! En
vérité tu es dans la Vallée sacrée de Towâ. Moi, Je t'ai choisi. Écoute ce qui
[te] sera révélé ! En vérité, je suis Allah. Nulle divinité excepté Moi !
Adore-Moi ! Accomplis la Prière pour m'invoquer ! ” (20, 8-14)
Suite à une calomnie accusant d'infidélité
Aïcha, l'une des épouses de Muhammad et s'adressant à celles et ceux des
Croyants qui y ont donné foi : N'eussent été la faveur d'Allah
envers vous et Sa miséricorde en la [Vie] Immédiate et Dernière, vous auriez
été atteints par un tourment immense pour l'œuvre à laquelle vous vous êtes
livrés en colportant de votre langue et en disant de votre bouche ce dont vous
n'avez nulle connaissance. Vous comptez cela pour bénin alors que devant Allah
c'est immense. Quand vous avez entendu [cette calomnie], que n'avez-vous dit :
‟Il n'est point de nous de parler de cela. [Seigneur !] gloire à Toi ! C'est
une immense infamie !” Allah vous exhorte à ne jamais commettre cela si vous
êtes croyants. (24, 14-16)
Histoire de Jonas : En vérité,
Jonas fut au nombre des Envoyés quand il s'enfuit vers le navire chargé, qu'il
tira au sort et fut au nombre des perdants et que le poisson l'avala, tandis
qu'il [se) blâmait. S'il avait été du nombre de ceux qui exaltent [le Seigneur]
il serait demeuré dans le ventre du poisson jusqu'au Jour de la Résurrection.
Nous le rejetâmes, dolent, sur la terre nue. Nous fîmes croître au-dessus de
lui un pied de calebassier. [Ensuite] nous l'envoyâmes à cent mille [infidèles]
ou plus. Ils crurent et Nous leur donnâmes la jouissance [de ce monde] pour un
temps. (37, 139-148)
La poésie des premiers appels à la Mekke : Au nom
d'Allah, le Bienfaiteur miséricordieux. Par la Clarté diurne ! Par la Nuit
quand elle règne !, ton Seigneur ne t'a ni abandonné ni haï. Certes, la [Vie]
dernière sera meilleure pour toi que la [Vie] Première ! Certes, ton Seigneur
donnera et tu seras satisfait ! Ne te
trouva-t-il pas orphelin* si bien qu'il te donna un refuge ? Ne te trouva-t-il
point égaré si bien qu'Il [te] guida ? Ne te trouva-t-il point pauvre si bien
qu'il [t'] enrichit ? L'orphelin, ne le brime donc pas ! Du bienfait de ton
Seigneur, parle [à autrui]. (sourate 93)
*Muhammad
était orphelin, élevé par un oncle
Des premiers appels à la Mekke : Au nom
d'Allah, le Bienfaiteur miséricordieux : Dis : ‟O ! Infidèles ! je n'adorerai
pas ce que vous adorez. vous n'êtes pas adorant de ce que j'adore. Je ne suis
pas adorant de ce vous avez adoré et vous n'êtes pas adorant de ce que j'ai
adoré. Á vous, votre religion ! Á moi, ma religion !” (sourate 109)
Premiers appels, à la Mekke : Au nom
d'Allah le Bienfaiteur miséricordieux : Dis : ‟Il est Allah, unique, Allah le
Seul. Il n'a pas engendré et n'a pas été engendré. Nul n'est égal à Lui,
personne !” (sourate 112)
La dernière et la plus courte sourate : Au nom d'Allah,
le Bienfaiteur miséricordieux : Dis : ‟Je me réfugie auprès du Seigneur des
Hommes, du Souverain des Hommes, du Dieu des Hommes, contre le mal du Tentateur
furtif qui souffle [la tentation] dans la poitrine des Hommes, [tentateur] issu
des Djinns et des Hommes.” (sourate
114)
Je termine sur une impression générale qui
vaut ce qu'elle vaut : Pour ceux qui peuvent lire le Coran, mais le lisent au
premier degré (sans critique littéraire et historique, sans recourir aux
interprétations) et schématisent le Message, cela rejoint le terrorisme
intellectuel : Allah Miséricordieux et Compatissant, UNIQUE, Omnipotent,
Omniscient, qui garde en permanence un œil sur nous, nos pensées et nos
actions "dirige qui il veut et égare qui il veut"; le "chemin d'Allah" qui consiste à
éliminer ou soumettre les non-musulmans (idolâtres, Juifs, chrétiens -mis
dans la catégorie des associateurs-) autorise la violence morale et physique
; il n'y a que deux alternatives : les
Tourments éternels ou l'éternelle Félicité;
Juifs et chrétiens ont falsifié la révélation que Muhammad (qui est
l'Esprit promis -Jean 14 et 17) via Gabriel restitue dans son authenticité.
Jacques
Gruber
OCTOBRE 2015
L' I S L A M
On
écrit "Islam" (majuscule) quand on parle de la civilisation islamique
et "islam" (minuscule) quand on parle de la religion, mais il est, le
plus souvent, difficile de distinguer à quel "islam" on a affaire.
Le
cœur de la civilisation et de la religion, jusqu'à l'obsession, est ALLAH, qui préside, de façon arbitraire, aux
destinées des personnes (une sorte de prédestination), de la nature, de
l'histoire. Le musulman vit dans l'environnement du sacré (de la vocation de
Moïse, où nous voyons avant tout la déclaration émanant du buisson ardent sur
le Nom de Dieu : ‟Je suis qui je suis” -ou ‟Qui je serai”- , le Coran retient
essentiellement le rite du déchaussement avant de pénétrer sur une zone
sacrée).
LES ORIGINES
L'Islam
possède une langue (l'arabe), une révélation (le Coran), une tradition (la Sunnah).
Il
se rattache à Abraham qui, selon la tradition musulmane, fuit Ur à cause des
polythéistes attachés à des idoles. Pour cela, il est salué comme "le Père
des croyants". Selon la même tradition, quittant Ur, Abraham s'installe à
la Mecque où il respecte la Kaabah. L'Islam appelle "hanifisme" le
monothéisme d'Abraham, la religion, qui découle de la révélation dont Muhammad
est le Prophète, sera celle de la soumission (islam).
Après
Abraham, l'Islam se rattache à Ismaël, le premier de ses fils, issu de la
servante Agar. Il connaît également Isaac, né de Sarah, l'épouse légitime, mais
ne lui accorde qu'une place effacée. Le récit du "sacrifice"
d'Abraham, dans le Coran présente soit la "ligature" d'Ismaël soit celle d'Isaac, selon les
sourates.
L'Islam
que nous connaissons remonte au 7ème siècle lorsque Muhammad commence à
annoncer le message de la soumission reçu d'Allah par le truchement de
l'archange Gabriel.
L'
"ère musulmane" commence en 622, date de l'exode (Hégire) de
Muhammad-Mahomet de la Mecque à Médine.
L'EXISTENCE
MUSULMANE
On
naît musulman, la circoncision en est la marque chez les hommes. Les termes
d'incroyant ou d'infidèle s'adressent aux non-circoncis. Il est interdit de
quitter l'Islam sous peine de mort.
Le
monothéisme islamique exige de ne se donner aucune image et de détruire
celles-ci, mais la calligraphie du Coran et les décors floraux sont admis. Il
existe cependant des miniatures persanes qui représentent de petits
personnages et même Mahomet (dont le visage est remplacé par un ovale vide).
Malgré leur monothéisme strict (on peut dire : monolithique), les musulmans ont
conservé quelques croyances pré-islamiques comme les "djinns" par
exemple.
La
religion est réglée par un ensemble de rites : les cinq Piliers de l'Islam qui
sont : la confession de foi (chahadah); les cinq prières quotidiennes, tourné
vers la Mecque; l'aumône; le jeûne du mois de Ramadan; le pèlerinage à la
Mecque au moins une fois dans sa vie. Les deux croyances dominantes sont les
Délices éternelles du Paradis ou les Éternels tourments de l'Enfer.
La
Prière ou Grande Prière du vendredi n'est pas un culte, mais une
"prière" particulièrement solennelle, elle comporte un message de
l'imam (souvent un discours politique ou moralisateur).
Le
djihad (soit la lutte contre nos mauvais penchants soit le combat de conquête
ou de défense pour l'Islam, la "guerre sainte") n'est pas mentionnée
dans les cinq Piliers, c'est, semble-t-il, une prescription de la Sunnah (ou
même de la Chariah, à l'intérieur de la Sunnah).
Qui
veut connaître la piété et la morale musulmane peut consulter le livre de
l'imam An-Nawawî, Les Jardins des
vertueux, édition bilingue arabe-français, avec commentaires, éditions
Tawhid, 2011 qui donne les hadiths (propos de Mahomet hors Coran) authentiques.
On notera la beauté de l'écriture arabe, le grand nombre d'obligations et
d'interdictions et les commentaires qui confinent à la casuistique. Le premier
chapitre de ce livre a, le plus, attiré mon attention. Il est consacré à
l'intention : rien ne vaut que par l'intention de soumettre sa pensée et ses
actions à Allah, les actes profanes ou religieux ne valent que pour autant que
cette intention les anime.
La
religion musulmane n'a pas de clergé (les imams -guides- sont souvent autoproclamés),
s auf dans sa version chiite qui
possède des mollahs et des ayatollahs. La société musulmane ne connaît pas de
séparation de la théologie et de la politique, elle s'accompagne d'un contrôle
moral, politique et religieux qui peut être lourd. Selon les temps et les lieux,
l'Islam s'est donné des califes (successeurs de Mahomet, choisis parmi les
membres masculins de sa famille), des Sultans (rois), des Émirs (princes).
Ce
contrôle par la religion dans son interprétation intégriste est à l'origine du
déclin de la philosophie, la poésie, les contes, l'astronomie et les
mathématiques islamiques florissantes en un premier temps, déclin que l'on peut
dater de notre 11 éme siècle.
Le
sens de l'appartenance à la grande communion des "frères en Islam"
(l'Ummah), que l'on soit arabe ou d'autre peuple, est très développé face au
monde des non-musulmans, mais les musulmans entre eux connaissent des rivalités
et se sont souvent entretués dans l'histoire.
La
condition de la femme se borne au service de son époux, à la tenue de la
maison, à l'éducation des enfants. En principe, un musulman peut avoir jusqu'à
quatre épouses, mais, si sa fortune lui permet d'en entretenir plus, il peut
encore en avoir d'autres.
Dans
un État islamique, on admet quelques minorités religieuses qualifiées de
"religions du Livre", telles que Juifs ou chrétiens, mais ce sont
des nationaux de seconde zone, des "dimis".
LE MONDE MUSULMAN
Il
compte plus d'un milliard de croyants et se divise en deux branches : les
Sunnites (les plus nombreux) qui se rattachent à la Tradition (en particulier à
la Chariah qui règle la vie courante) et les Chiites (Iran, Irak) qui remontent
au dernier Calife (Ali, gendre de Mahomet), assassiné en son temps et dont ils
attendent le retour (le Madhi, le Messie). .
D'autres
courants encore traversent l'Islam : le soufisme, le wahhabisme, le salafisme
principalement.
Les
Alaouites, descendants d'une tribu de Syrie du Nord de l'Ansariya, 10 à 12 % de
la population syrienne, dont est issue la famille des Hassad. Existent aussi au
Liban et en Turquie.
Les
soufis, confréries mystiques nées en Iraq au 8e siècle en opposition au
légalisme officiel,
Le
Tabligh société de Réveil active en Inde (originaire du Mewat), datant de la
fin des années 1920.
Les
Derviches tourneurs, confréries mystiques musulmanes, atteindre l'extase en
tournant sur soi une main vers le ciel, une autre vers la terre;
Le
wahhabisme (Arabie saoudite, intégristes puritains, Abd al-Wahhab, 1703-1792,
écrasés par les Ottomans, il revit à partir de 1902),
Les
Ottomans, empire Ottoman, début du 14e s. à 1922 : Turcs et domination turque
avec pour centre Istanboul (ancienne Constantinople, ancienne Byzance), des
Sultans, allant de l'Égypte à la Serbie. Alliés de l'Allemagne dans les
derniers conflits. Occidentalisation avec Mustafa Kemal Atatürk, 1881-1938,
alphabet latin, abolition du califat en 1924, capitale Ankara. Retour à
d'islamisation avec le parti actuel de l'AKP.
Les
frères musulmans, association panislamiste fondée en 1928 par Hassan al-Banna,
en Égypte. Antioccidentaux, officiellement non violents, considérés comme
terroristes par le gouvernement égyptien actuel. Le Hramas palestinien en est
une émanation. Il est la branche armée dans la guerre contre Israël en 1948.
Réprimés en Syrie par le père de Bachar el-Hassad. Il a une implantation aux
États-Unis.
Les
salafistes (pour la prédication et la conquête) : origine: commune au
wahhabisme, (Muhammad ben Abdelwahhab, 18e siècle), ce sont des sunnites qui
prêchent le retour à l'islam des origines. Du mot "salaf" :
prédécesseur, ancêtre (voir le roi du Maroc qui se dit descendant du Prophète
et Commandeur des croyants). Deux familles : les salafistes pour la prédication
(voir les propagandistes musulmans allemands qui distribuent des Coran en traduction)
et les salafistes pour le djihad, la conquête par la guerre sainte. Alliés du
wahhabisme avec Muhammad ben Saoud, ils se sont, aujourd'hui, séparés.
Il
existe, en France, divers mouvements musulmans réunissant un certain nombre
d'associations cultuelles, chacun de ces mouvements se rattache à un pays
d'origine (Algérie, Maroc, Turquie, Afrique, Comores, Antilles).Le Conseil
National du Culte Musulman, en France, est le répondant officiel des musulmans
pour l'État français.
MISE EN PERSPECTIVE
Dans
la culture française actuelle, le qualificatif dépréciatif d'
"islamophobe" peut relever du terrorisme intellectuel. Il faut
pouvoir tenir sur l'islam un discours courageux afin d'aider les musulmans
eux-mêmes.
Après
une période florissante, la civilisation musulmane (littérature, science, astronomie,
médecine, mathématiques, philosophie, architectures, arts artisanaux - tapis,
carreaux de faïence … Avicenne vers 980-1037 -Iran-, Khayyàm vers 1050- vers
1120-1135 -Iran-, Averroès 1126-1198 -Cordoue-Marrakech-) s'est effondrée sous
le poids de l'obscurantisme religieux. L'islam, comme le bouddhisme, a été
réveillé par la colonisation et les luttes de libération. Il se réclame de
l'universalisme. D'autre part, un islam intégriste a repris force grâce aux
inventions occidentales en matière industrielle (la rente pétrolière), en
matière de communications et d'armements qui peuvent être utilisés sans mettre
l'idéologie en péril et retournées contre leurs inventeurs (les occidentaux),
c'et celui dont on parle le plus, mais il existe toujours aussi un courant
d'islam spirituel (soufisme) et, particulièrement dans le pays occidentaux, un
islam qui se veut ouvert à la modernité sans renier son héritage historique.
Il
ne faut pas minimiser les résultats de la terreur qui sévit aujourd'hui dans le
Proche-Orient. Simone Weil pensait que les nations peuvent passer, mais que
l'esprit (culture, civilisation) ne peut être définitivement éradiqué, or,
après un séjour dans le midi de la France, elle explique, dans un article paru
dans Les Cahiers du Sud en 1942, que la civilisation occitane a bel et bien
été éradiquée, tout comme le catharisme, par la terreur de l'Inquisition
utilisant le pouvoir royal à titre de "bras séculier" (Simone Weil, L'Inspiration occitane, publié aux
éditions de l'Éclat, par Claude Le Manchec, en 2014). N'oublions pas qu'il en a
été de même pour les Vaudois du Lubéron, exterminés ainsi que leur Église, par
François 1er. Semblable génocide a été mis en œuvre contre les Huguenots, en
France (Massacre de Wassy, Saint Barthélémy, révocation de l'Édit de Nantes,
dragonades). Le terrorisme érigé en idéologie étatique est une menace pour la
civilisation musulmane elle-même qu'elle peut éteindre.
Nous sommes
partie-prenante du bras-de-fer historique entre Occident et Islam : ou l'Islam
se modernise ou l'Occident s'islamise. Importance de l'éducation et de
l'instruction.
Jacques
Gruber
Le
périodique Paroles protestantes, Pays
du Sud, a publié dans son numéro de l'Été 2015, un dossier sur l'islam.
Annexe
: je vous donne, ci-dessous, le témoignage d'un musulman (Iranien) de notre
11ème siècle : Umar Khayyàm :
L'obscurantisme
déjà en marche. Omar ou Umar Khayyàm, vit au 11e siècle en Iran (Perse).
Mathématicien qui publie un livre d'Algèbre, qui a classé toutes les équations,
astronome, poète auteur d'un recueil venu jusqu'à nous (les
"Quatrains"), philosophe qui publie un livre sur l'existence (50e, 59e
Quatrains), il aime les femmes et le vin sans s'en cacher (45e Quatrain), d'où
des difficultés avec l'autorité politico-religieuse. Comme Kierkegaard,
philosophe occidental du 19e siècle, il est frappé par le désespoir
(Kierkegaard: Traité du désespoir,
1843, vainc le désespoir existentiel par la foi, le livre susdit s'ouvre par
une méditation sur le sacrifice d'Isaac), mais rien ne lui permet de surmonter
ce désespoir dont il s'accommode ("Je vais noyer la misère de ce monde
dans le vin", 21e Quatrain et son athéisme : "On me dit : Que Dieu te
donne le repentir ! Il ne me le donnera pas, je n'en veux pas, n'en parlons
plus", 64e Quatrain"). Il exprime un fatalisme que l'on a plusieurs
fois associé à l'Islam : "Dieu savait dès le premier jour que je boirai du
vin, Si je ne buvais pas la science de Dieu serait vaine", 75e Quatrain,
"Nous sommes les pièces du jeu que joue le Ciel", 94e Quatrain. Déjà
à cette époque, le poids du contrôle moral et social de la religion musulmane
obscurantiste (qu'il critique: "Les guides eux-mêmes ont le vertige",
58e Quatrain), se fait sentir. Si Muhammad parle de la Bible sans en avoir
jamais rien lu, des musulmans à sa suite l'ont fait et en ont une idée
positive. Exemple, son 13e Quatrain :
‟Voici maintenant pour le monde un peu de
bonheur possible
Chaque cœur vivant a
des aspirations vers la solitude.
Sur chaque branche, on
croit apercevoir la blanche main de Moïse, [Exode 4, 6 : la main blanche de
lèpre ou la main purifiée de la lèpre ?]
Chaque brise semble
vivifiée par le souffle de Jésus”.
et
le 70ème :
‟Voici la saison où la terre se décore sous
les brises du printemps
Et laisse s'ouvrir les
yeux pleins d'espoir de la pluie,
Les mains de Moïse
semblent argenter les jeunes branches,
Le souffle de Jésus
s'exhale de la terre.”
Nous
sommes loin des condamnations des non-musulmans (Juifs et Chrétiens, en
particulier) que l'on peut lire dans le Coran.
Jacques
Gruber
NOVEMBRE 2015
Préparation de l'anniversaire de la Réformation de
2017
après
les textes centrés sur la Bible (la distinction entre Bible, Écritures et
Parole, de janvier 2014 à octobre 2015), j'ouvre ici le second chapitre qui
concerne l'Église. Afin de mieux situer la Réformation, je me propose de
parcourir les grandes étapes de l'histoire de l'Église.
LA
PREMIÈRE ÉGLISE :
L'Église de la Pentecôte
les deux premiers siècles
En
cent-cinquante ans, partie de rien, l'Église, nouvelle venue sur la scène
historique, a conquis les esprits au-delà de tout pronostic.
Le
mot d' "église" (ekklèsia)*
servait à nommer l'assemblée des citoyens (masculins), réunis, sur l'Agora
d'Athènes, pour délibérer des problèmes de la Cité et prendre les décisions
nécessaires par voie de vote, de manière démocratique. Ce mot, passé dans le
langage chrétien, retient l'idée d' assemblée : le QaHaL, le rassemblement d'Israël, au Désert, devant la Tente du Rendez-vous,
laquelle abritait l'Arche qui contenait les Table de la Loi (les Dix Paroles,
ou commandements).
*
Le mot ekklèsia désigne l'assemblée
des citoyens (mâles) d'Athènes, sur
l'Agora, en vue de décider des affaires de la Cité par des votes
démocratiques. Jésus n'a pas employé ce mot, il parle du "royaume de
Dieu". Les versets des Évangiles où ce mot est mis dans la bouche de Jésus
sont à mettre au crédit des rédacteurs de ces Évangiles (ce que l'on appelle :
le kérygme). En revanche, ce mot se
trouve couramment sous la plume de Paul qui désigne par là non l'ÉGLISE, comme
institution universelle, mais des églises locales.
Le
choix de ce terme grec dénote l'intention des auteurs du Nouveau Testament
d'être entendus de tous, car, à cette époque, le grec populaire (de la koïnè)
était la langue du commerce et de l'administration dans l'empire romain.
En
30 ou 31, cinquante jours après la crucifixion et la résurrection de Jésus,
comme le relate le Livre des Actes des Apôtres (chapitre 2), le jour de la
Pentecôte (fête juive des Semaines ou des Moissons : Chavouoth), les disciples reçoivent le Saint Esprit, à Jérusalem,
dans la chambre haute où ils avaient coutume de se réunir, en particulier pour
la cène. Les personnes présentes, parlant plusieurs langues différentes,
entendent simultanément les paroles que Pierre adresse à la foule.
On
ne parle pas encore de "chrétiens"*, le groupe des premiers disciples
de Jésus auquel, Jacques, frère de Jésus s'est joint, continue de fréquenter le
Temple, mais, rapidement, les Juifs vont s'opposer à ce groupe considéré comme
hérétique. On relève deux persécutions juives : 1- celle qui suit la mise à
mort d'Étienne qu'avait approuvé Saul (Paul), mais au cours de laquelle ce même
Paul se ralliera au groupe des premiers "chrétiens", suite à
l'apparition de Jésus reçue sur le chemin de Damas, et 2- celle
d'Hérode-Agrippa 1er où périt Jacques (dit le Majeur), le frère de Jean (Ac 12),
en 43 ou 44.
La
prédication des Apôtres s'adresse aux Juifs comme aux non-Juifs (Grecs,
païens), si bien que les premières églises vont être composées de membres issus
du judaïsme (dits: "judéo-chrétiens") et issus du monde grec et du
paganisme (dits "hellénistes" ou "pagano-chrétiens").
L'épître
aux Galates fait allusion à des divergences graves entre Paul et Pierre
(qualifié d' hypocrite, Ga 2, 11-14). En 48 ou 49, Pierre, Jacques et Jean, les
dirigeants de l'église de Jérusalem, rencontrent Paul à Jérusalem (Ac 15). Ils
y décident que Pierre aura en charge la mission auprès d'Israël et Paul, auprès
de païens; qu'il ne sera pas exigé de circoncision ni d'interdits alimentaires
(cachrout juive) pour les prosélytes
d'origine non-juive.
Ces
missions chrétiennes vont entrer en concurrence avec la mission juive qui répondait
aux aspirations de nombreux païens au salut du monothéisme juif. Pour les
prosélytes qui reculaient devant la circoncision, celle-ci était remplacée par
un "baptême des prosélytes". Par la suite, la mission chrétienne
auprès des Grecs, que dirige Paul, aura pour effet que le nombre de chrétiens
d'origine grecque dépassera vite et de beaucoup celui des chrétiens d'origine
juive : l'Église deviendra entièrement "grecque".
*Ce
nom qui signifie quelque chose comme "les huilés", les
"gominés", leur sera donné quelque années plus tard, à Antioche, par
dérision (Ac 11, 26).
La
particularité de cette toute première Église est qu'elle ne possède pas
d'Écritures propres. Elle dispose du Premier Testament grec (la Septante, qui
date de cent-cinquante ans déjà), de quelques lettres de Paul (écrites entre 51
et 56 ou 57) que les églises s'échangent et de traditions orales concernant les
"paroles" ou les actes de Jésus. C'est une Église (des églises)
dirigée(s) directement par le Saint Esprit. Le Livre des Actes en donne de
nombreux exemples, l'un des plus significatifs concerne le passage de
l'Évangile en Europe que relate Actes 16 (années 50-52).
Les
églises ultérieures envieront cet état
de choses et chercheront parfois à le reproduire (ce que l'on appelle
"repristination"), allant au devant de bien des déboires.
À
la fin des années 50, Pierre et Paul se trouvent ensemble à Rome. L'Évangile de
Marc, premier du genre, est rédigé autour
de l'an 60. En 64, sous le règne de Néron, éclate le premier des grands
incendies qui ravageront la Ville (en 64, puis en 80). Néron, accusé d'avoir
lui-même mis le feu en accusera les chrétiens. Ce sera la première persécution
romaine, persécution au cours ou à la suite de laquelle on pense que Pierre et
Paul périront. En 64, à Rome, les chrétiens sont donc clairement distingués des
Juifs, ce qui est une étape importante dans l'identification publique de
l'Église.
Dans
les mêmes années, Israël, désireux de recouvrer son indépendance, affronte,
par deux fois, la puissance romaine occupante. Sous le règne de Vespasien
(69-79) première "Guerre juive"* qui se termine par l'incendie, puis
la destruction du Temple de Jérusalem en 70 et la seconde qui prend fin en 135
avec l'expulsion des Juifs d'Israël (Grande Diaspora qui va durer jusqu'en
1948) qui devient alors "Palestine" (terre des Philistins, alors que
ces derniers n'avaient jamais possédé jusque là que la Bande de Gaza). Au cours
de cette période troublée, sont rédigés les Évangiles de Matthieu et de Luc
(autour de 80) puis celui de Jean (vers 90) et les épîtres qui nous sont
parvenues sous les titres de "Aux
Hébreux", Pierre, Jacques, Jean et Jude ainsi que le Livre de
l'Apocalypse.
*
La "Guerre juive" et les "Antiquités judaïques" sont les
titres des deux livres écrits par Josèphe (Flavius Josèphe, né vers 37 à
Jérusalem, mort vers 100 à Rome). Général juif, commandant la Galilée, c'est un
témoin de première main. Révolté par les méthodes terroristes employées par ses
soldats (zélotes, Juifs, nationalistes extrémistes), il change de camp et passe
du côté romain où il se consacre, entre autre, à la rédactions des livres précités.
En
70, le Sanhédrin s'est replié à Yavné (ou Yamnia) autour du Rabbi Yohannan Ben
Sakkaï; les chrétiens s'étaient réfugiés à Pella (ville située au-delà du
Jourdain, à la hauteur de la Samarie).
Au second siècle, le christianisme
connaît un succès certain auprès des Grecs ou "païens". Ce succès
peut s'expliquer par un certain nombre de facteurs. Il y a d'abord la
conjoncture : le monde romain de l'époque aspirait
à une religion de salut, celles qui étaient proposées (manichéisme, gnose,
religions à mystères, culte de Mythra, le Soleil invaincu etc.) n'entraînaient
qu'un effet de mode. Beaucoup étaient séduits par le judaïsme de la
mission juive de l'époque, mais étaient repoussés par divers aspects
(interdits alimentaires, circoncision). L'Église était porteuse des
principaux éléments du monothéisme juif elle n'avait pas
d'interdits alimentaires et avait pour rite d'adhésion le baptême qui
convenait aux femmes autant qu'aux hommes. Pourtant, le facteur décisif reste le message évangélique qui, par le
Saint Esprit à l'œuvre, apportait une réelle libération de l'intelligence
et des mœurs.
Nous
possédons un témoignage de ce rayonnement avec l'œuvre de Justin : philosophe
grec, né en Samarie vers 100, païen converti au christianisme, mort martyr à
Rome en 165. Écrivain prolixe, il ne nous reste pas grand-chose de son œuvre,
mais un livre de controverse avec un Juif qu'il appelle Tryphon. La visée du
livre est d'attester que l'Église est le véritable Israël (pas le
"nouvel" Israël, mais le "véritable"), que le christianisme
est la "véritable" philosophie. Dès la moitié du deuxième siècle,
on voit ainsi s'affirmer un universalisme totalisant (et, peut-être, virtuellement totalitaire)
qui sera exprimé par le mot de "catholique" (étymologiquement:
"qui existe selon le tout", qui concerne et intéresse la totalité de
ce qui peut exister).
Au
deuxième siècle, l'Église est déjà organisée autour d'un épiscopat hiérarchique
(prêtres, évêques, archevêques, voir les Lettres d'Ignace d'Antioche) alors
qu'à l'origine (voir les épîtres de Paul) les évêques (épiscopes) sont des
"surveillants" (il peut y en avoir plusieurs pour une seule église) ;
il existe déjà des conciles où n'ont de voix délibérative que les évêques ;
avant les Écritures, alors qu'il n'y a pas encore de canon du Premier Testament
ni du Nouveau Testament, il existe une doctrine imposée, obligatoire,
qu'exprime le Symbole des Apôtres ; la supériorité des clercs (prêtres) sur
les laïcs est déjà affirmée.
Jacques
Gruber
suite,
pour le mois de décembre, l'Église dans l'empire romain, le christianisme à la
fin de l'Antiquité.
DÉCEMBRE 2015
L'ÉGLISE CONSTANTINIENNE
PERSÉCUTIONS
Les persécutions romaines s'étendent sur une
durée de plus de deux cent cinquante ans à partir de celle de Néron en 64, même
l'empereur philosophe Marc-Aurèle (121-180) s'y est livré, la dernière, la plus
virulente, étant celle de Dioclétien (303-305).
Les motifs et leur étendue sont variables, le
point de départ était essentiellement le refus des jeunes gens arrivés à l'âge
de citoyen de rendre hommage à l'empereur en jetant publiquement une boule
d'encens dans le feu sacré. On connaît les chrétiens jetés aux bêtes dans les
jeux du cirque, ils ont aussi servi de bouc émissaire (accusés d'un tremblement
de terre en Thrace), connu la discrimination, subi toute sorte de supplices,
les jeunes femmes étaient envoyées dans les bordels des légionnaires.
Une des question posées par ces
persécutions concerne les chrétiens (principalement évêques et prêtres) qui
avaient abjuré leur foi pour échapper à la mort au cours de la persécution de
l'empereur Dioclétien, au début du IVème siècle. Pouvait-on les réintégrer dans
l'Église ? L'Église d'Afrique du Nord s'était divisée sur le sujet entre
rigoristes (menés par l'évêque Donat, 270-355) et tolérants. En se rangeant du
côté de la tolérance, l'Église officielle a pris une tonalité humaniste qu'elle
conservera désormais, dès lors que les fautifs feront pénitence et rentreront
au bercail. L'Église donatiste durera jusqu'au Vème siècle où Augustin la
combattra vigoureusement.
Cette période a fait l'objet de discours
apologétiques (Eusèbe de Césarée, dans son Histoire
ecclésiastique, Chateaubriand dans Les
Martyrs), les historiens d'aujourd'hui ont tendance à minimiser les faits.
En tout cas, personne ne note qu'en quelque lieu ou temps les chrétiens
auraient pris les armes pour se défendre, mais plutôt que ces martyres n'ont
pas empêché les adhésions au christianisme, selon la formule : ‟Le sang des
martyrs était la semence des chrétiens”.
CONSTANTIN (empereur de 306 à
337)
LA RECONNAISSANCE OFFICIELLE DE
L'ÉGLISE
Le point de départ de la
"conversion" de Constantin à la foi chrétienne est-il vraiment connu
? Il peut s'agir d'une décision d'ordre purement politique (les chrétiens
sont devenus la première force d'avenir de l'empire), d'un miracle attribué au
Dieu des chrétiens (la victoire décisive sur son compétiteur Maxence, au Pont
Milvius : ‟Ce signe te donnera la victoire”), de l'aboutissement d'une
maturation intellectuelle et religieuse personnelle. À ma connaissance,
Constantin ne s'est pas exprimé sur le sujet. On sait que (pour des raisons qui
peuvent nous paraître superstitieuses) l'empereur différera son baptême
jusqu'à ses derniers instants.
En 313, par l'Édit de Milan, Constantin
institue la liberté religieuse dans l'empire. On ne peut plus être poursuivi
pour un motif religieux, mais le choix connu de l'empereur pour le
christianisme vaut une confirmation publique qui constitue un avantage pour ce
dernier dont l'essor n'est désormais plus contenu.
En 330, l'empereur quitte Rome et inaugure la
ville de Constantinople (aujourd'hui : Istanbul), bâtie sur le site
de l'ancienne Byzance, qui devient ainsi la nouvelle capitale de l'empire. Il
se rapproche ainsi des frontières orientales de l'empire, à cette époque les
plus exposées aux poussées des peuples qualifiés de ‟barbares”.
C'est dans ces circonstances que naît l'
‟Église constantinienne”. Ce n'est pas encore une Église d'État, mais une
Église appuyée sur le pouvoir, profitant de ce pouvoir et qui s'en inspire en
plusieurs de ces aspects. On peut citer la division en diocèses (le même terme
que celui de l'administration romaine) ayant un évêque à leur tête, les
décisions de l'autorité suprême appelées ‟dogmes" (décrets), les édifices
dédiés au culte appelés ‟basiliques" (maisons royales) et construits sur
le plan des édifices publics (voir la Basilique de Trèves, la Madeleine, à
Paris), les églises se doivent d'être aussi somptueuses que les palais royaux,
les liturgies encore usitées aujourd'hui comportent des actes (baisers,
génuflexions) et utilisent des vêtements liturgiques qui reproduiraient
certains usages et habits de la Cour byzantine. L'Église comme Sacerdoce renoue
avec le modèle du Temple de Jérusalem cible fréquente des prophètes et même de
Jésus.
LES PREMIERS CONCILES
En 325, Constantin convoque un concile à
Nicée. Les évêques de l'empire sont réunis pour mettre un terme aux débats
christologiques qui divisent les esprits. C'est Constantin qui préside
l'assemblée et dirige les débats. À l'issue de ceux-ci, un texte, appelé
Symbole de Nicée, énonce le dogme des deux natures, divine et humaine, de
Jésus (nature : en grec : ousia,
traduit par substance, voire essence). Le prêtre alexandrin Arius (256-336) qui
ne reconnaissait que l'humanité de Jésus est condamné. Il n'en continuera pas
moins d'avoir encore longtemps et jusqu'à aujourd'hui, des partisans (le Coran
et les musulmans à sa suite, soutiennent cette position).
Les pères de ce concile et des conciles
suivants, ont travaillé à la conception monothéiste de la Divinité, avec
la notion religieuse du "divin", au lieu du Dieu vivant, Seigneur à
la fois saint et miséricordieux, dont on ne prononce pas le nom; adoptant la
lecture grecque d'Exode 3, 14 (Dieu est l'Être), pensant avec les catégories
hellénistiques de nature et de substance.
Il fallait avoir le courage de traiter ces
questions fondamentales posées à notre foi, mais à l'époque, les esprits
étaient influencés par la culture grecque ou, du moins, voulaient être entendus
par celle-ci. Ainsi va naître la théologie qui aboutira à la définition
spéculative de la Trinité (Symbole de Nicée-Constantinople, 381). À cette
définition, comme telle remarquable, mais difficilement accessible à tous les
esprits, correspond une autre approche appelée "trinité économique"
: ‟Que la grâce du Seigneur Jésus Christ, l'amour de Dieu [le Père] et la
communion du Saint Esprit soient avec vous tous !” (2 Co 13, 13).
Les
dogmes christologique et trinitaires font appel à une raison spéculative que
tout le monde n'a pas. Ce n'est pas une raison pour imposer ces définitions en
leur conférant une valeur de Décret absolu. Il vaut mieux indiquer à tous que
ces conceptualisations renvoient à des intuitions essentielles qu'il ne
faudrait pas évacuer sans discernement.
La suite montrera que les esprits n'étaient
pas apaisés pour autant : une minorité soutenait encore une autre proposition
(celle du patriarche de Constantinople Nestorius) : une seule nature de Jésus,
en même temps humaine et divine. Rejetée au concile de Constantinople, sous
le règne de Théodose 1er, en 381 (d'où le Symbole de Nicée-Constantinople),
puis condamnée au concile d'Éphèse de 431, cette conception gardera des
partisans (les monophysites) qui vont former une Église à part, l'Église nestorienne.
Il faudra attendre Jean-Paul 2 pour qu'une réconciliation intervienne entre
Église nestorienne et Église catholique.
Le concile de Chalcédoine (451), tenu sous le
règne de l'un des petits-fils de Théodose le Grand, Théodose 2 (401-450),
achèvera la doctrine christologique orthodoxe : le Christ possède deux natures,
humaine et divine (contre Nestorius) unies ‟sans confusion, changement,
division ni séparation” en une seule personne (l'union hypostatique) (contre
Eutychès). De cette totale identification entre Jésus et Dieu découlera
l'expression ‟Marie, Mère de Dieu” (grec : théotokos)
ainsi que la sacralisation de toutes les personnes, tous les lieux ou objets en
relation directe, effective ou supposée, avec Jésus, de tous les gens d'Église
dont la position remonte aux temps apostoliques par une succession légitime (la
succession apostolique). Dans Les Noms
divins du pseudo Denys
(ouvrage datant du Vème siècle), on lit "David Père de Dieu",
Jacques "Frère de Dieu". C'est un retour en force du sacré (lequel
était, dès le principe, écarté par le récit de la création où il n'y avait
d'existence que pour des créatures).
Les conciles mettront en évidence des luttes
de pouvoir entre évêques qui forment des clans. Ainsi, celle qui a opposé
Cyrille d'Alexandrie (380-444) à Nestorius (380-451) pour le siège du
patriarcat de Constantinople. Grégoire de Nazianze (330-390, Patriarche de Constantinople,
Père de l'Église, qui luttera pour obtenir la reconnaissance de la divinité du
Saint Esprit) avait présidé la première session du concile de Constantinople
de 381, il ne présidera pas la seconde. Écœuré par cette atmosphère de coteries
il se retirera et rentrera chez lui. Mais la plus tristement célèbre est celle
qui se déroule au concile d'Éphèse de 449 (concile non reconnu œcuméniquement)
où un évêque (Flavien) sera tué par les sbires d'un autre (Dioscore). Le pape
Léon 1er parlera du ‟brigandage d'Éphèse”.
UNE PRIME DONNÉE À
L'ASCÈSE
Dans le monde méditerranéen de l'époque,
l'ascèse était regardée comme un mode de vie d'élite. Elle touchait beaucoup de
ceux qui aspiraient à une vie nouvelle, autant dans les rangs des diverses
religions d'alors, des Sagesses, que parmi les philosophes (le stoïcisme par
exemple ou la pensée de Philon). Certaines sectes gnostiques qui opposaient
fortement le corps et l'esprit ont versé dans une stricte ascèse qui pouvait
conduire au libertinage (puisque le corps était hautement méprisable). Les
encratites, qui engageaient à ne plus du tout se marier, allaient très loin.
Jean le baptiste est une figure ascétique, mais Jésus prendra une autre
orientation, (Matthieu 11, 18-19; Jean 2, 1-2 et plusieurs autres endroits des
Évangiles, voir aussi 1 Co 7,9 et les textes de Paul sur les libertins
dans la même épître). Dans le premier christianisme, l'ascèse est présente dans
les rangs des pagano-chrétiens, les œuvres de compassion des chrétiens ont fait
l'admiration d'un homme comme Celse (2ème siècle), pourtant adversaire de la
foi chrétienne. L'ascèse va se développer dans le christianisme du Proche
Orient avec les ermites décidés à sa couper du monde pour mieux atteindre la
sainteté (Pacôme 287-347, Jérôme 347-419, les ermites de Cappadoce dès la fin
du IVème siècle), ensuite, ce seront des communautés entières de chrétiens,
hommes ou femmes, qui se retireront dans des couvents pour entrer dans la
condition nouvelle de moine ou moniale. L'ascèse connaîtra une accentuation
avec le développement de l'éthique pénitentielle de l'Église. On peut y
rattacher le courant d'éthique ecclésiastique qui va prôner la virginité et la
chasteté.
THÉODOSE 1er, empereur de 379 à
395
L'ÉGLISE d'ÉTAT
De 361 à 363, un empereur non chrétien,
Julien, soutiendra une réaction païenne qui fera long feu. En 379, ce sera le
tour d'un général d'origine espagnole, chrétien nicéen : Théodose 1er, dit
"Le Grand". En 380, il promulgue un édit, l'Édit de Thessalonique,
qui fait du christianisme la religion officielle de l'empire et de l'Église une
Église d'État. Il s'ensuitune persécution des païens (temples rasés, statues
brisées,discriminations). Dans cette atmosphère surviendra, en 415, à
Alexandrie, l'émeute au cours de laquelle les chrétiens s'en prendront à
Hypatie, mathématicienne, philosophe néoplatonicienne, qui sera lynchée. L'Église d'État est la solution
qui servira de modèle et qui règnera dans les monarchies absolues d'Occident
jusqu'à la Révolution française (et même, en France, jusqu'à la Troisième
République). Nous retrouvons le même régime aujourd'hui dans la plupart des
États musulmans.
L'Église, désormais puissante, se sentira
appelée à moraliser le pouvoir. Ambroise, évêque de Milan, obtiendra que
Théodose vienne faire acte de pénitence suite à la répression de troubles
civils à Thessalonique qui avaient fait plusieurs milliers de morts. Ambroise
se réfère sans doute à la remontrance de Nathan adressée à David, lors de son
adultère avec Bath-Chébah pour lequel le roi n'avait pas hésité à sacrifier le
mari devenu importun (Uri) (2Samuel 11 et 12), mais Ambroise agit de puissance
à puissance alors que Nathan utilise la simple parole.
À la mort de Théodose, l'empire, qui avait
déjà, à plusieurs reprises, été scindé en deux, sera définitivement
divisé entre ses fils : l'Orient, avec Constantinople, revenant à Arcadius et
l'Occident, avec Rome pour capitale, à Honorius. L'empire d'Orient subsistera
jusqu'en 1453, lorsqu'il sera conquis par les Turcs, celui d'Occident se
terminera en 476, lorsque le roi barbare Odoacre déposera le dernier empereur
Romulus-Augustule. Déjà, en 410, Alaric, roi des Wisigoths, avait pillé Rome
("ville éternelle"), événement majeur, point de départ de la
réflexion d'Augustin qui aboutira à son célèbre livre La Cité de Dieu (413-426) où il oppose la Cité de Dieu
et la cité des hommes.
Au IVéme siècle, en Orient comme en
Occident, l'Église prend deux tournants décisifs : celui d'une Église
comme Sacerdoce et celui d'une théologie spéculative hellénisante.
En Occident, à partir de 476 commence le
Moyen Âge.