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JANVIER 2017
LES GUERRES
DE RELIGION, suite et fin
compte-rendu
de la réunion du 8 janvier 2017
ANGLETERRE
Marie
la Sanglante : Marie Tudor (1516-1558) fille de Catherine d'Aragon, première
épouse de Henri 8 persécute les protestants.
C'est
elle qui va devenir reine d'Espagne par son mariage avec Philippe 2 (en 1554).
Ils armeront l'Invincible Armada (1588) destinée à un débarquement catholique
espagnol en Angleterre pour mettre fin au règne d'Élizabeth. Ce sera un
désastre maritime.
Élizabeth
1ère : persécutions de certains seigneurs catholiques présumés comploteurs avec
les espagnols et que le pape avait déliés de leur serment d'allégeance à la
Reine.
Les
puritains qui finiront par émigrer en Amérique, ne sont pas persécutés, ils
sont discriminés. C'est eux qui, embarqués sur la May-Flower (1620), vont fonder en Amérique du Nord un pays où
personne ne sera plus discriminé ou persécuté pour ses opinions.
Marie Stuart (1542-1587), cousine d'Élisabeth
1ère, épouse François 2 (1544-1560), et devient reine de France, à la mort de
son époux, elle est reine d'Écosse. C'est là qu'elle épouse un protestant, lord Darnley. Ils ont un
enfant baptisé protestant (1514-1572), James-Jacques (1566-1625). Marie Stuart
prend un amant : James Boswell (1535-1578) dont elle se sert pour assassiner
Darnley. Elle est déchue du trône d'Écosse et s'enfuit en Angleterre auprès
d'Élisabeth 1ere. Son fils Jacques devient roi d'Écosse (Jacques 6). À la mort
d'Élisabeth 1ère, qui est sans descendance, Jacques Stuart, étant protestant,
peut être fait roi d'Angleterre (Jacques 1er d'Angleterre, il réunit les deux
couronnes et les deux royaumes, ainsi que la couronne d'Irlande).
La
Boyne, 1690, en Irlande, victoire de Guillaume 3 (d'Orange), roi d'Angleterre
sur Jacques 2 ex-roi d'Angleterre déchu pour s'être converti au catholicisme.
PAYS-BAS
Les
Provinces Unies se trouvent être sous la domination espagnole de Philippe 2.
1567-1573. Le gouvernement du duc d'Albe est marqué par une répression
systématique des protestants. En 1568, la Hollande et la Zélande se révoltent
sous la direction de Guillaume d'Orange (1533-1584). La révolte s'étend à des
provinces belges (Brabant Hainaut, Flandre) et françaises (Artois). En 1576,
l'armée espagnole est expulsée, les Pays-Bas libérés se veulent un pays de
protestants tolérants (dans l'esprit de Pères Pèlerins anglais de 1620).
Guillaume d'Orange le Taciturne nommé "stathouder" : gouverneur -pas
roi-. en 1576, sera assassiné par les Espagnols en 1584. L'indépendance des
Pays-Bas est reconnue aux traités de Westphalie, en 1648, mais ce n'est qu'en
1815, après des périodes mouvementées, que le royaume des Pays-Bas sera
vraiment établi au Congrès de Vienne.
La
famille des princes d'Orange qui n'a plus rien à faire en France (la
principauté va servir de refuge aux huguenots jusqu'au moment où Louis 14 y
enverra ses dragons) va jouer un rôle important dans l'Europe de l'époque. Ne
pas confondre Guillaume d'Orange, le Taciturne, (1533-1584) et Guillaume 3,
dit, aussi, Guillaume d'Orange, de la dynastie des Stuart, roi d'Angleterre
d'Écosse et d'Irlande (1689-1702), également stathouder des Provinces unies de
1672 à 1702, défenseur du protestantisme qui inondera le plat pays pour noyer
l'invasion française de Louis 14.
C'est
aux Pays-Bas que trouveront refuge Pierre Bayle (1647-1706), Pierre Jurieu
(1637-1713), les parents de Spinoza (1632-1677), que Descartes publiera ses
œuvres.
ALLEMAGNE
En
Allemagne : Guerre de Trente ans : 1618-1648. Elle commence par la
défénestration de Prague (1618, les protestants se rebellent contre les
Habsbourg). Les nations protestantes (Danemark, Suède, États protestants
allemands) ne font pas le poids d'une manière décisive contre l'Autriche et
l'Espagne réunies. C'est une intervention française qui va décider de la fin
d'une guerre qui s'éternise. Richelieu qui sévit en France contre les protestants
va prendre la tête des puissances protestantes contre l'Autriche et l'Espagne.
dans lesquelles il voit une menace pour la France. La bataille de Rocroi
(1643) où l'armée espagnole est défaite
par le duc d'Enghien, futur Grand Condé, sonne la fin de la récréation pour
l'Espagne. Les traités de Westphalie (1648) reviennent à la Paix d'Augsbourg de
1555: cujus regio ejus religio
(chaque région a la religion à laquelle la grande majorité de la population
adhère). C'est une guerre pour rien qui laisse l'Allemagne et les pays du Nord
dévastés,
Les
Traités de Westphalie (1648) confirment l'indépendance de la Suisse, la souveraineté
des Provinces Unies. La France reçoit les Trois Évêchés (Metz, Toul, Verdun) et
une partie de l'Alsace.
Les
guerres de religion occupent tout le 17ème siècle. Les traités de Westphalie
dessinent l'Europe que nous connaissons : un pays protestant créé : les
Provinces unies ; des pays catholiques confirmés : France, Espagne, (après la
défaite de l'Invincible Armada, la dissolution de la Ligue, en France, la
défaite de Rocroi, elle est la grande perdante des guerres de religions
européennes) Italie, Autriche, Irlande (sous domination anglaise) ; des pays
protestants confirmés : Angleterre et Écosse ; Danemark, Suède, Norvège ; deux
pays fédérés partagés selon les Länder ou les cantons : Allemagne et Suisse. Un
cas particulier, la France, pays au tiers protestant à la date de la Saint
Barthélémy, voué à l'élimination du protestantisme : le centralisme de la
monarchie absolue sacralisée ne s'accommode pas de deux religions, la papauté
pense rééditer l'extermination des cathares.
La théologie au
17ème siècle.
En
cette période de confrontations, les théologies sont des textes idéologiques :
la scolastique thomiste du côté catholique, les scolastiques luthérienne (Matin
Chemnitz, Johann Gerhard, Leonhard Hutter, Abraham Calov, Johann Quenstedt,
David Hollaz) et réformée (Gisbert Voetius, la Formula consensus helvetica
de 1675, due au genevois Turretin et au zurichois Heidegger), du côté
protestant. Suite à la querelle arminienne* (1504-1619), le Synode de Dordrecht
(1618-1619) fixe pour longtemps l'orthodoxie calviniste. Notons cependant des
cas exceptionnels du côté réformé : la théologie des Alliances de Johannes
Coccejus; Moïse Amyrault, professeur à
l'Académie protestante de Saumur, théoricien d'un Décret de salut universel
"hypothétique" qui précèderait le choix restreint de la grâce. Du
côté catholique, un ouvrage qui renoue, lui aussi, avec la théologie de la
grâce et le sens calvinien de la prédestination, dû à l'évêque néerlandais
Jansenius (1585-1638) : l'Augustinus publié après la mort de son
auteur, en 1640 (dont Bossuet, 1627-1704, dira que c'est "Un calvinisme rebouilli"). Condamné
par la Bulle Unigenitus (Clément
11, en 1713). C'est l'origine
du
jansénisme, un catholicisme qui rompt avec la Contre-Réforme et va rallier certains
des plus grands esprits de l'époque (Blaise Pascal, 1623-1662, par exemple).
*Jakob
Arminius (1560-1609), théologien néerlandais qui réinterprétait la prédestination,
dans un sens moins strict que les calvinistes purs.
Cette
époque voit aussi les premiers pas de l'exégèse biblique et de l'histoire
critique de l'Église. Du côté de l'exégèse, on doit citer les hébraïsants
Johann Buxdorf père et fils (Bale), Louis Cappel, (1595-1658, protestant), Hugo
Grotius (1583-1645, protestant arminien), fondateur du droit international,
exégète avec son De veritate religionis
christianae), Baruch Spinoza (Tractatus
theologico-politicus, 1670,
juif), Richard Simon (1638-1712, catholique), le plus souvent dans un esprit
polémique. Du côté de l'histoire de l'Église : David Blondel, Isaac Casaubon,
Joseph Scaliger, Gerhard Voss.
Jacques
Gruber
FÉVRIER 2017
pas de réunion
MARS 2017
L'EUROPE DES
LUMIÉRES
Je n'oublie pas que notre sujet est l'histoire de
l'Église ou des Églises, mais les Lumières sont un événement européen qui nous
concerne encore aujourd'hui, quoique, pour ma part, je m'interroge sur leur
état après les trois guerres européennes de 70, 14-18 et 39-45, mais nous
verrons plus tard.
PRÉPARATION
Les Lumières ne sont pas venues toutes seules, elles sont
l'aboutissement de plusieurs siècles d'évolution, mais elles vont se
caractériser par l'apport d'un esprit nouveau.
En 1275, Marco Polo, navigateur portugais, longe les
côtes occidentales de l'Afrique et double le rivage sud de ce continent,
appelé, dès lors, Cap de Bonne Espérance. Il parvient jusqu'en Chine et la
visite en partie, puis retourne par le même chemin à son port d'attache.
Christophe Colomb, Génois armé par l'Espagne, atteint les
côtes du continent qui sera nommé Amérique, en 1492.
En 1520, Fernand de Magellan double le Sud de la
Patagonie, par une mer déchaînée, au milieu d'ilots et de récifs, frayant ce
qui sera désormais le Détroit de Magellan. Ensuite, il continue toujours vers
l'Ouest et retrouve son point de départ. Il prouve ainsi que la terre est bien
ronde. Ce
qu'Ératosthène avait démontré théoriquement, au deuxième siècle avant notre
ère, par un ingénieux jeu de piquets de même taille, plantés à la même
hauteur et à des distances égales. Il en avait ensuite déduit sans grande
erreur la circonférence de notre planète.
Nicolas Copernic (Au sujet des révolutions des sphères
célestes, 1543), astronome polonais, met fin à l'image du monde qui avait
cours jusque là : le système de Ptolémée qui voyait une terre plate. À l'idée
reçue que le soleil tourne autour de la terre, il établit que c'est notre terre
qui tourne autour du soleil en 365 jours.
Ambroise Paré, père de la chirurgie moderne échappe à la
Saint Barthélémy (1572) grâce au fait qu'il est le médecin du roi Charles 9,
qui ne fera pas d'obstacle à ce massacre.
L'italien Galileo Galilei, construit une lunette
astronomique assez puissante pour voir les reliefs de la lune et le satellites de Jupiter (1609),
il démontre que la terre tourne sur elle-même en vingt-quatre heures, ce qui
lui vaut un interrogatoire de l'Inquisition en 1633. Il se rétracte du bout des
lèvres. Sa réhabilitation interviendra … en 1992.
Johannes Kepler, après des études de théologie en vue de
devenir pasteur, décide de se consacrer aux travaux scientifiques qu'il a menés
en parallèle. Il établit les équations qui gouvernent les mouvements des
planètes (1609). Ses lois sont encore utilisées aujourd'hui par les cosmonautes.
Le Français Théophraste Renaudot crée le premier journal,
la Gazette, en 1631.
Christian Huygens, (1629-1695), néerlandais de naissance, fait faire des
progrès aux mathématiques (calcul des probabilités), découvre l'anneau de
Saturne et la planète Titan, conçoit la théorie du pendule, résout, en physique,
le problème du choc des corps (dont s'était également occupé la philosophe
français Malebranche, De la Recherche de
la vérité, 1674-1675) explique le réflexion et la réfraction de la lumière
en mettant en œuvre non plus l'idée de pixels, mais la notion d'ondes.
Les européens découvrent des terres nouvelles, de gens
différents, des animaux inconnus, retrouvent des textes anciens, leur
conception du monde est bouleversée/, la démarche scientifique leur fait
découvrir des possibilités insoupçonnées. La Renaissance italienne autant que
rhénane joue un rôle principal dans l'évolution des esprits vers l'humanisme et les Lumières. La Réformation
contribue également à l'ouverture des esprits et de la société parce qu'elle ne
touche pas que les érudits, les artistes, les philosophes et les savants.
TOLÉRANCE
L'Habeas corpus
de 1679, puis Le Tolerance Act de Guillaume 3 d'Orange, 1688-1689, en Grande
Bretagne ouvrent des temps nouveaux.
Les Pays-Bas, dont la liberté sera reconnue par les
Traités de Westphalie, en1648, se veulent un pays protestant tolérant, par le
fait il accueilleront nombre d'esprit épris de liberté et de réfugiés
huguenots.
Les Pères Pèlerins de la May Flower (1620), puritains souffrant d'oppression en Grande
Bretagne, veulent créer sur une terre
nouvelle un État où personne ne sera inquiété pour ses opinions.
En 1689, John Locke (voir plus bas à l'empirisme) publie
ses Lettres sur la tolérance.
1727, les Quakers se déclarent contre l'esclavage.
1751, l'État de Pennsylvanie abolit l'esclavage.
L'ouvrage de Gotthold
Ephraïm Lessing, Nathan le Sage,
1779, peut se lire comme un témoignage que judaïsme, christianisme et islam
sont des religions sœurs et, plus largement,
que toutes les cultures humaines doivent pouvoir vivre ensemble de manière
fraternelle (multiculturalisme).
En 1787, le tout
nouveau prince de Beauvau obtient de Louis 16 un Édit de tolérance pour les
protestants (il y en avait donc encore), ceux-ci obtiendront l'état civil en
1789.
La Convention de 1789, à Paris, avait
stipulé la "tolérance religieuse" dans le projet de Constitution pour
la France, le pasteur Rabaut-Saint-Étienne, obtient que l'on rectifie et
inscrive la "liberté" religieuse, ce qui est toujours encore
inscrit..
Le Saint-Siège et des pays tels que l'Espagne ou
l'Autriche, continuent la guerre par d'autres moyens, ceux de la politique.
LA
RAISON REMPLACE LA
RÉVÉLATION
Le Rationalisme
: René Descartes, philosophe français établi à La Haye, aux Pays Bas, avant
d'être appelé à Stockholm par la reine Christine de Suède, montre la voie pour
une pensée rationnelle : alors que l'on pensait expliquer les choses par une
vertu -un dynamisme-propre qui n'était qu'un mot (le feu était expliqué par
"une vertu phlogistique"), Descartes n'accepte que des idée claires
et distinctes ; ne veut prendre appui que sur la certitude de soi (le cogito :
‟Je pense donc je suis”) ; ordonner ses pensées ; savoir traiter les difficultés du raisonnement (Discours de la Méthode, 1637). Ensuite,
particulièrement dans ses Méditations
métaphysiques, 1641, il donnera une preuve de l'existence de Dieu par
l'idée de Parfait (Nous avons une idée claire et distincte
de ce qui est parfait, or nous ne rencontrons rien de parfait dans la nature,
dans la société, en nous-mêmes, il faut donc qu'il existe un être parfait
quelque part et ce ne peut être que Dieu) et développera une
morale de la générosité.
Baruch Spinoza, est né dans une famille de marranes
portugais qui a fui aux Pays-Bas la discrimination dont ils étaient l'objet
chez eux ; il est chassé de la synagogue à vingt-trois ans pour des motifs non
élucidés aujourd'hui encore et s'établit à Rotterdam comme tailleur et
polisseur de lentilles de verres d'optique. Dans son œuvre majeure, l'Éthique (publication posthume en 1677), il pose comme fondement,
non le cogito, mais que Dieu et la Nature sont comme les deux faces d'une même
médaille et il expose, sur le mode d'un traité de géométrie, comment chaque
être peut atteindre sa spécificité et l'être humain parvenir à la Joie, la joie
de la connaissance intellectuelle. Ce qui explique peut-être, que les
intellectuels, parfois, marqueront une préférence pour Spinoza. Nous
retrouverons Spinoza dans le paragraphe relatif aux idées politiques.
Le spiritualisme
: Blaise Pascal (adepte du jansénisme qui, dans le catholicisme du 17ème
siècle, fait retour à la lecture
personnelle de la Bible) fait montre d'un esprit hautement scientifique au
cours des expérimentations qu'il mène au Puy-de-Dôme (voir plus loin au
paragraphe sur la science), mais, dans ses Pensées
(publication posthume, en 1670), il oppose fermement le ‟Dieu d'Abraham, Isaac
et Jacob, le Dieu vivant” au ‟Dieu des philosophes” (celui de Descartes, de
Spinoza, de Leibniz) avec lequel nous n'avons pas de relation personnelle.
L'encyclopédisme
: Pic de la Mirandole (1443-1494) grand nom de la Renaissance italienne a
laissé le souvenir d'un esprit encyclopédique. Voltaire, avec son ironie disait
à son endroit : ‟Il savait tout et plusieurs autres choses encore”. Pierre
Bayle, natif du Carla, en Ardèche, réfugié huguenot aux Pays-Bas, est le
premier à publier un monumental Dictionnaire
historique et critique (1696-1697). La Cyclopaedia
d'Ephraïm Chambers (1728) donne à Diderot l'idée d'une Encyclopédie ou Dictionnaire
raisonné des sciences, des arts et des métiers (1751-1772) qui, avec ses planches est, à la fois, une réussite scientifique et
éditoriale. Les meilleurs esprits et spécialistes de l'époque y ont contribué.
L'optimisme :
Pour Gottfried Wilhelm Leibniz, diplomate, mathématicien, philosophe, esprit
œcuménique avant l'heure, Dieu est comme un superordinateur qui garantit une
harmonie universelle préétablie (Essai
de Théodicée, 1710, Monadologie, 1714).
Sa formule du ‟Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles” a
été moquée par Voltaire dans son Candide
ou de l'optimisme (1759), mais Voltaire omet le dernier mot, Leibniz parle
d'un monde "possible".
L'empirisme :
Pour John Locke (que nous avons déjà rencontré à propos de la tolérance et que
nous retrouverons aux idées politiques), toutes nos connaissances proviennent
de l'expérience, nous ne pouvons pas atteindre aux essences et ne pouvons pas
même savoir si de telles essences existent (Essai
sur l'entendement humain, 1690).
Il pense la relation entre raison et révélation (Que la religion chrétienne est très raisonnable,1695) et se
consacre, dans ses dernières années à l'étude des épîtres de Paul.
Le scepticisme
: Adepte de l'empirisme, l'écossais David Hume fait la remarque que notre
appréhension de l'expérience n'est jamais entièrement objective, de la
subjectivité s'y mêle, d'où un certain scepticisme (Enquête sur l'entendement humain, 1748).
Le déisme : On regroupe
sous cette bannière les esprits, tels Voltaire, Diderot, les francs-maçons de
l'époque, qui, à la suite de leurs réflexions personnelles sur le monde,
croient en un Grand Esprit, créateur et conservateur, sans relation personnelle
avec lui. C'est une élaboration du Dieu des philosophes.
Le préromantisme : Jean-Jacques Rousseau
(citoyen de la République de Genève, écrivain français) réagit au déisme, comme
Pascal l'avait fait au Dieu des philosophes. Le sentiment garde tous ses droits
à côté de la raison ; paroles provenant d'une conviction personnelle
intérieure, notre conscience est un ‟instinct divin” ("Profession de foi
d'un vicaire savoyard" dans Émile ou
de l'éducation, 1762) ; nous pouvons surmonter notre destinée par la vertu
(M. Wolmar dans Julie ou la Nouvelle
Héloïse, 1761, écho de Richardson: Pamela
ou La Vertu récompensée de 1740, mais ces héroïnes et héros de la
vertu trouveront un contradicteur avec Justine
ou les malheurs de la vertu, 1791, de Sade).; la nature trouve une place
qu'elle n'avait jamais eue dans le littérature française (nouvelle sensibilité
qui s'exprimera avec le "parc anglais").
L'idéalisme :
inauguré par Immanuel Kant (qui passa toute sa vie à Koenigsberg, ville
prussienne devenue Kaliningrad après l'annexion par la Russie soviétique en
1945), il se poursuivra avec les postkantiens et des philosophes tels que
Johann Gottlieb Fichte, Friedrich Hegel et ses nombreux disciples. Idéaliste,
Kant l'est dans les deux domaines de l'épistémologie et de la éthique : les
conditions de possibilité de la vérité existent, mais elles sont exigeantes (Critique de la raison pure, 1781) et l'
"impératif moral" se trouve inscrit dans le cœur de tout être humain
(Fondement de la métaphysique des mœurs,
1785)*. La liberté est toujours une liberté responsable (laïcisation de 2 Co
5,13, thème repris par Paul Ricoeur). Il est déiste si l'on veut car il ne
parle plus de christianisme, mais de la "Religion", il laisse à
penser qu'il faudrait inventer Dieu s'il n'existait pas (l' als ob dans la Critique du jugement, 1790).
* C'est l'Homme
naturellement bon de Jean-Jacques Rousseau, la négation du péché originel
héréditaire.
Le naturalisme
: pour Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832), il ne s'agit plus de suivre
notre nature, mais la Nature (un Spinoza athée, une absolutisation de l'un des
thèmes de Rousseau). Comme le dernier Rousseau, il s'intéresse à la botanique (La Métamorphose des plantes, 1790),
avant Eugène Chevreul (1786-1889), il fait une théorie des couleurs (La Théorie des couleurs, 1810). Il est
le père de routes les naturopathies.
UNE EXPLOSION
DE TALENTS LITTÉRAIRES ET
ARTISTIQUES
1700 Defoe, Robinson
Crusoe ; 1709, Berkeley, Principes de
la connaissance humaine; 1715, Vivaldi, Concerti
; 1717, Couperin, Art du clavecin ; 1717,
Watteau, L'embarquement pour Cythère
; 1722, Corelli, Concerti grosssi ;
1723, J-S Bach, maître de chapelle de l'Église saint Thomas de Leipzig; 1725 Vico, Principes de la philosophie de l'histoire ; 1726 Swift, Voyages de Gulliver ; 1728 Chardin, La Raie ouverte ; 1733, Pergolèse, La Servante maîtresse ; 1733 Nattier, Le Bain ; 1735, Lancret , Déjeuner de jambon ;1735 Rameau, Les Indes Galantes ; 1738, Boucher, Le Déjeuner ; 1740, Richardson, Pamela, La Vertu récompensée ; 1741, La Tour, Le Président de Rieux ;
1741, Le Messie de Haendel ; 1743, Swedenborg, début de ses visions ; 1745, Hogarth, Mariage à la mode ; 1747, La Mettrie, L'Homme-machine ; 1748-1750, Gainsborough, Portrait de Robert Andrews et de sa femme ; 1749, Swedenborg, Les Arcanes célestes ; 1753, Oudry, Le Cygne blanc ; 1753, Goldoni, La Locandiera ; 1754, Condillac, Traité des sensations ; 1755, Greuze, Le Père de famille ; 1756-1788, Gibbon, Histoire de la déchéance et de la chute de
l'empire romain ; 1758, Helvetius, De
l'Esprit ; 1759 Voltaire, Candide
; 1760, Reynolds, Portrait de Miss Nelly O'Brien ; 1762 , Gluck, Orphée et Eurydice ; 1766, Goldsmith, Le Vicaire de Wakefield ; 1766,
Fragonard, La Balançoire; 1770,
d'Holbach, Système de la nature;
1773, Diderot, Jacques le Fataliste;
1774, Goethe, Werther ; 1775, Abbé
Prévost, Manon Lescaut ; 1775,
Spencer, Les Vrais droits de l'homme
; 1775, Beaumarchais, Le Barbier de
Séville ; 1778, Goya, Marchand de
porcelaine ; 1780, Lessing, Nathan le
Sage ; 1782, Schiller, Les Brigands
; 1782, Choderlos de Laclos, Les Liaisons
dangereuses ; 1784,Rivarol, Discours
sur l'universalité de la langue française ; 1789, David, Le Serment du Jeu de paume ; 1791,
Chateaubriand, Voyage en Amérique;
1791 (publié en 1827) ; Sade, Justine ou
les malheurs de la vertu ; 1791, Mozart, La Flûte enchantée ; 1792, Rouget de l'Isle, La Marseillaise ; 1793, Condorcet, Les Progrès de l'esprit humain ; 1794, Fichte, Fondement de la science ; 1797 Cherubini, Médée ; 1797-1799, Hölderling, Hyperion
; 1798, Coleridge et Wordsworth, Ballades
lyriques ; 1798, Haydn, La Création
; 1799, Beethoven, Sonate pathétique
; 1806, Hegel, La Phénoménologie de
l'Esprit.
Le français est
alors la langue des sociétés cultivées de l'Europe entière, (Leibniz rédige directement
ses œuvres philosophiques dans un excellent français) Russie comprise. L'Europe
des Lumières est une civilisation qui se confond avec la culture, lorsque les
pays occidentaux adopteront une civilisation multiculturaliste (à partir du
milieu du 20ème siècle), on ne pourra plus parler d'Europe ou d'Occident des
Lumières.
POLITIQUE
Spinoza : il étudie le Premier Testament et y relève les
versets politiques, il défend la thèse que le théologique et le politique ne
doivent plus être confondus, qu'il faut séparer religion et politique (Traité théologico-politique, 1670).
Locke fait la théorie de la monarchie constitutionnelle (Lettres sur la tolérance 1689)
Montesquieu : dans un État bien conçu, il faut que
l'exécutif, le législatif et le judiciaire soient séparés (De l'Esprit des lois, 1748).
Rousseau : l'homme est naturellement bon, la société le
pervertit, il faut changer la société pour que l'homme retrouve sa vraie
nature, cette nouvelle société sera basée sur un "contrat social" où
"chacun aliène tous ses biens au profit de l'ensemble" (Du Contrat social, 1762). C'est une conception communiste avant l'heure.
Aliéner ses biens pour se désaliéner, ce sera la pensée du premier Marx (avant
qu'il développe la dialectique de l'histoire dans le Capital, 1867 et années suivantes). La conception courante du
contrat social que nous avons aujourd'hui (un accord entre gouvernants et
gouvernés), remonte à Locke.
Hobbes : ‟LÉtat est un monstre froid” (Léviathan, 1651).
La Franc-maçonnerie, conventicules d'esprits libres
théorisant sur tous les sujets de philosophie, de société, de politique,
pouvant constituer des lobbies. Née
au 17ème siècle en Grande-Bretagne, elle se développe en France au 18ème.
ÉCONOMIE
C'est au 18ème siècle que naît la science de l'économie
politique proprement dite avec Adam Smith, économiste écossais (Recherches sur la nature et les causes de la
richesse des nations, 1776). Il prône l'économie capitalistique de marché
comme la plus naturelle, sans se cacher les dangers qu'elle recèle, mais,
rejoignant involontairement l'harmonie universelle de Leibniz, il pense qu'une
"Main invisible" compense les déséquilibres (les injustices).
En 1768, Louis 15 nomme un protestant
(René Nicolas de Maupeou, 1714-1792) au poste de chancelier, mais ses réformes
indispensables à la France, seront repoussées. En 1777, Louis 16 fera appel à
Jacques Necker protestant suisse, banquier à Paris. Remercié et rappelé à
plusieurs reprises Necker ne pourra pas sauver le pays, après le 14 juillet 1789,
ce sera trop tard.
LA
SCIENCE ET SES APPLICATIONS
Jan Swammerdam, entomologiste néerlandais (1637-1680),
entreprend les premières études à l'aide du microscope.
Newton établit la gravitation universelle (1687).
Leibniz,
après des essais de Newton, invente le calcul différentiel et intégral (1676).
Famille Bernoulli, protestants d'Anvers (Pays-Bas
espagnols) réfugiés à Bâle à la fin du
16ème siècle : Jacques 1er (1654-1705), complète le calcul différentiel et
intégral de Leibniz, il est au point de départ du calcul des probabilités ; son
frère Jean 1er (1667-1748), poursuit les travaux mathématiques de Leibniz ;
Daniel, second fils de Jean (1700-1782), physicien, établit un théorème
fondamental de l'hydrodynamique, il est aussi connu pour ses travaux en
mécanique.
Fermat (1601-1665) met au point le calcul des
probabilités.
Huygens (1629-1695) améliore divers instruments
d'optique, découvre l'Anneau de Saturne et la planète Titan.
Pascal invente la première machine à calculer,
expérimente l'existence de la pression atmosphérique (Expériences du
Puy-de-Dôme, 1648).
Descartes crée la géométrie analytique (Géométrie, 1637).
Les frères Montgolfier inventent l'aéronef (Annonay,
1783).
Linné, botaniste suédois (1707-1778), établit le
nomenclature scientifique des plantes.
Les nom de Newcomen, Watt, Cugnot, sont associés à ce qui
sera la première révolution industrielle (au 19ème siècle) : la vapeur.
Jusqu'ici, nous ne disposions que de notre énergie musculaire ou de celle des
animaux, de celle du vent ou de l'eau (qui faisaient tourner des moulins),
Newcomen construit la première machine à vapeur complète (1712), Watt la perfectionne
pour une utilisation industrielle, (le condenseur1769, les forces agissant sur
le piston 1780), Cugnot réalise le premier véhicule automoteur à vapeur.
Fahrenheit (allemand,1686-1736), Réaumur (français,
thermomètre à alcool, vers 1730), Celsius (suédois, échelle thermométrique
centésimale 1742) ont attaché leurs nom au thermomètre.
Lavoisier (1743-1794) est l'un des créateurs de la chimie
moderne (guillotiné parce qu'il avait été fermier général sous l'Ancien
Régime: ‟La révolution n'a pas besoin de
chimistes”).
On constate dans cette liste quelques noms de français,
mais surtout des anglais (ou écossais), des allemands, des nordiques, des
suisses, des habitants des Pays-Bas.
DES OMBRES
À CÔTÉ DES
LUMIÈRES
Les Lumières ne touchent que la société des personnes
cultivées. Pour Descartes, les animaux sont des machines, pour La Mettrie,
l'être humain aussi (L'Homme-machine,
1748). Le 18ème siècle sera, par excellence, celui de la traite négrière, (sur
fond de rapts d'être humains par les des tribus arabes), celui d'un sexisme
rémanent (Rousseau ne donne pas le droit de vote aux femmes), celui de la
Révocation de l'Édit de Nantes (1685), celui du soulèvement des protestants
cévenols (1700-1702), de l'affaire Calas (1762-1765), de la Terreur des années
1793-1794. Rousseau lui-même a, dans son Contrat
social de 1762, une phrase révélatrice : ‟La volonté générale ne peut
errer, mais il ne s'ensuit pas que les délibération du peuple aient toujours la
même rectitude” Livre 2, §§ 2 et 3).
Ainsi, les Églises se trouvent-elles dans une
civilisation nouvelle où la culture a pris la place de la religion, univers
nouveau, étranger aux théologies. Le mois prochain, nous verrons comment elles
ont réagi.
AVRIL 2017
LES
ÉGLISES AUX 17ème ET 18ème SIÈCLES
LE MONDE
ORTHODOXE
Faut-il parler de l'Église orthodoxe ou des Églises
orthodoxes ? Ce débat trouve autant
de partisans pour l'une ou l'autre alternative. Je n'ai pas de raison de
trancher, je me contenterai de parler du "monde orthodoxe" (comme
d'ailleurs aussi du monde catholique et du monde protestant).
Jusqu'à aujourd'hui, les Églises d'Europe orientale, de
Russie, du Proche Orient et l'Orient en général, n'ont été touchés ni par la
Réformation ni par les Lumières.
En 1589, le Patriarcat
de Moscou estime être le successeur du Patriarcat de Constantinople,
depuis que celui-ci a été réduit à la portion congrue par la domination turque.
L'Église russe a une forte conscience de son identité et de sa force, elle se
sépare officiellement du patriarcat orthodoxe grec qui a la prééminence sur
tous les autres patriarcats .
Nikon,
patriarche de Moscou de 1652 à 1658
(décédé en 1681) réalise deux réformes de première importance si l'on sait que,
dans la religion orthodoxe russe, la Liturgie est sacramentalisée : il unifie
les liturgies et la traduit en langue vulgaire (elles étaient en vieux-slavon).
Tombé en disgrâce auprès du Tsar, Nikon sera banni (concile de Moscou, 1667).
Pierre le Grand
(1672-1725), poursuit une politique
d'européanisation de la religion, obligeant, par exemple, les popes à se raser
la barbe.
Ces réformes et tentatives de réforme provoquent la
réaction populaire des Vieux croyants (Starowerzy)
qui, bien que persécutés, existeront jusqu'en 1874.
Après la mort du patriarche Adrien, en 1702, Pierre le
Grand laisse le siège patriarcal vide et institue le Saint-Synode (1721), collège d'évêques qui dirige l'Église au nom
du Tsar (lequel en est le Procureur suprême).
En 1719, Pierre le
Grand chasse de Russie les jésuites,
accusés de noyautage en faveur du Saint-Siège.
Cyrille Lukaris
(1572-1638) formé à l'université européenne, proche du calvinisme, ennemi des
jésuites, devenu Patriarche d'Alexandrie puis de Constantinople, avait projeté
une confession de foi commune avec les calvinistes, il sera étranglé et noyé
sur ordre du sultan travaillé par les jésuites.
En 1672, un synode, réuni à Jérusalem par le patriarche
Dosithée, sera, jusqu'ici, le dernier
général de l'Église orthodoxe. Le calvinisme y est déclaré hérésie.
Nestoriens, Arméniens, Jacobites,
Coptes, Église abyssine, Chrétiens de Thomas aux Indes, restent
en dehors de toute évolution.
LE MONDE
CATHOLIQUE
L'autorité du Saint-Siège est renforcée, certains ordres sont réformés*, d'autres
sont créés**, de nombreux saints et
saintes sont canonisé-es (le 17ème siècle est dit "siècle des
saints")***, le culte (de
latrie) de Marie****, du Saint-Sacrement (adoration perpétuelle de l'hostie)
ainsi que celui (de dulie) des saints, et des reliques se développe, le culte
du Sacré cœur de Jésus est créé
(Marguerite-Marie Alacoque, 1647-1690)*****, la piété se renforce dans le sens de la superstition, du
sacramentalisme, de la croyance aux miracles, l'art prolixe de la
Contre-Réforme, exporté en Amérique latine par les jésuites, connaît une grande
fortune. Le sacrement de la confession
occupe une place importance et joue le rôle de contrôle social. La présentation
de Jésus comme le Juge dernier
(Chapelle Sixtine, Hospices de Beaune, par exemple), contribue à l'institution
d'une ‟religion de la peur”, selon la formule de Jean Delumeau.
*
On connaît les plus célèbres : celle des trappistes, avec Armand de Rancé
(1626-1700 ; celle des Carmélites, par Thérèse d'Avila (1515-1582) et Jean de
la Croix (1542-1591), les deux grands mystiques christiques du 16ème siècle
catholique ; les Cisterciens (avec les
Feuillants de Toulouse), les Bénédictins avec les Mauristes.
**
Citons les Théatins, Barnabites, Jésuites (1540), Capucins, Frères de la
miséricorde, Ursulines, Visitandines, Oratoriens (Philippe de Neri 1574, Pierre
de Bérulle 1611), Lazaristes (prêtres de la Mission de Vincent de Paul, 1624),
les Petites sœurs des pauvres (Vincent de Paul, 1668), les Montfortains
(Grignon de Montfort).
***
Par exemple : Népomucène, François de Sales et Jeanne-Françoise de Chantal,
Thérèse d'Avila et Jean de la Croix, Charles Borromée, Vincent de Paul, Ignace
de Loyola, François Xavier, Philippe Neri.
****Déclarée
"Mère de Dieu" (theotokos)
au concile d'Éphèse en 431, contre l'idée du patriarche Nestor qui préférait le
titre de "Mère du Christ" (christotokos).
*****Les
jésuites militaient pour un culte du Sacré Cœur de Marie.
Sur le plan de la théologie, Thomas d'Aquin (1225-1274), dominicain, canonisé le 18 juillet 1323, proclamé Docteur de l'Église par Pie 5, le
11 avril 1567, qui sera fait "docteur commun" à la fin du XIXe
siècle, après le concile de Vatican 1, par Léon 13 (1878-1903)*, dont le pape
Pie 11 (1857-1939) fera le guide des études théologiques et philosophiques
dans les séminaires est encore, à l'époque qui nous intéresse, controversé par
les scotistes (Duns Scot, 1266-1308) ou par les Franciscains, mais, désormais,
s'y ajoutent les jésuites dont le champion est Robert Bellarmin (1542-1621),
par ailleurs polémiste anti-protestant (qui nous dit que la Bible est une
autorité sinon la Tradition) et partisan déclaré d'une infaillibilité papale.
*Le même Léon 13
précisait qu'il ne faut interpréter Thomas d'Aquin que dans le sens donné au
16ème siècle à son œuvre (la Somme
théologique) par le cardinal Cajetan (Jacques de Vio, 1469-1534),
controversiste romain attitré de Luther. Paul 6 et Jean-Paul 2 confirmeront ces
recommandations, leur donnant force de loi.
Les jésuites se distinguent, à cette époque, par une
réflexion d'ordre moral : la casuistique théorisée par Luis Molina (1535-1601),
la direction de conscience, la restriction mentale que Blaise Pascal attaquera dans ses Lettres d'un provincial (1656-1657). Les
jésuites remettront à l'ordre du jour le probabilisme, la réserve mentale, les
directeurs de conscience.
On
retrouve ici la grande controverse du monde chrétien , celle de la grâce ou du
libre arbitre*. Ce dernier est, en particulier, nié par les jansénistes et les
quiétistes (qui, sur ce chapitre, rejoignent Luther et Calvin, avant Freud).
*Dans le salut, nous avons une part
active (Pélage) que combattait Augustin partisan de la toute puissance de la
grâce (dans des livres longtemps mis à l'Index) ;
dans le salut, il existe une
synergie divino-humaine à l'image des deux natures (divine et humaine) du
Christ, doctrine des Églises orthodoxes ;
dans le salut, la grâce fait le
commencement, nous faisons la suite (semi-pélagianisme catholique) ;
dans le salut, la grâce fait
tout, nous ne faisons que témoigner de son action personnelle en parole et en
acte (Luther et Calvin, Jansenius).
Comparaison qui ne prétend pas
faire raison : le Jour nous est non seulement offert, mais donné, sans aucune
contribution de notre part, il nous reste extérieur, n'effectue aucune
opération volontariste sur nous et pourtant nous sommes éveillés par lui à
toutes sortes d'activités propres à nous et néanmoins toujours grâce à Lui.
Le jansénisme
: en 1640 est publié l'Augustinus,
œuvre posthume de Cornelius Jansen (Jansenius, 1585-1638) où l'auteur reprend
la théologie de la grâce d'Augustin (dans ses livres contre Pélage qui
soutenait que nous pouvons avoir une action personnelle efficace dans le salut
; livres interdits par l'Église catholique) et retrouve la théologie
augustinienne de Calvin, si bien que Bossuet, en 1710, parlera d'un :
‟calvinisme rebouilli”. Le jansénisme sera condamné par la Bulle Unigenitus (1653). Louis 14 fera raser
l'abbaye de Port-Royal à Paris et
Port-Royal-des-Champs, dans la Vallée de Chevreuse. Les jansénistes étaient
adversaires des Jésuites, dont Pascal se moque avec esprit dans ses Lettres d'un provincial (1656).
Le quiétisme
est une mystique de l'abandon à la grâce inaugurée en Espagne par Miguel
Molinos (1628-1696), ce mouvement avait eu une branche française avec Mme.
Guyon (1618-1717) et Fénelon (1651-1715), archevêque de Cambrai, homme de
lettres, précepteur du grand Dauphin.
Mme. Guyon, qui joignait à son quiétisme une excitation charismatique,
finira embastillée.
L'élimination des
protestants : mise en œuvre par les souverains agissant au titre de bras
séculier de l'Église. En France,
l'Église du Désert : Église privée de
pasteurs, illustrée par Abraham Mazel et les prophètes cévénols tel Esprit
Séguier, par les cultes de plein air dans des lieux sauvages. La seule
possession d'une Bible conduisait alors les hommes aux Galères, les femmes à la
détention à vie. Les conversions forcées suite aux dragonnades, la destruction
des temples, l'enlèvement des enfants à partir de l'âge de sept ans, pour être
éduqués dans des congrégations catholiques , le soulèvement camisard avec Jean
Cavalier, le brûlement des Cévennes en 1703, et l'Église des Galères (les
galériens pour la foi avaient réussi à se regrouper pour des moments de prière
et de remémoration des textes bibliques) ont marqué pour toujours ces temps
et ces lieux. L'affaire Calas (1762-1765) montre que l'intolérance dure
longtemps*. Louvois (1639-1691), ministre de la guerre de Louis 14, ravage le
Palatinat en 1689** et recatholicise cet État allemand à coup de conversions
forcées. Pendant tout le 18ème siècle, les protestant de cet État connaîtront
l'oppression. Dans l'Autriche des
Habsbourg, en Pologne, en Bohême,
une même politique d'élimination des protestants est mise en œuvre. Les protestants de Bohême trouvent
refuge sur les terres du comte Nicolas de Zinzendorf, lequel avait été acquis
à l'Évangile retrouvé, ils y fondent l'Église des Frères moraves. Cette Église
existe toujours et produit chaque année des recueils de méditations
évangéliques. En Autriche il faudra
attendre l'empereur Joseph 1er (1678-1711) pour qu'il soit mis fin à cette
politique (les calvinistes hongrois obtiennent droit de cité)
* Jean Calas, marchand toulousain dont
le fils est trouvé pendu, accusé de l'avoir tué, au motif qu'il voulait se
convertir au catholicisme, a été roué vif. Voltaire obtiendra la révision de ce
procès et la réhabilitation posthume de Jean Calas en 1765
** Les troupes françaises brûlent le château de
Heidelberg. Les palatins l'ont laissé jusqu'à aujourd'hui dans l'état, ses
murailles calcinées sont un mémorial des violences subies à cette époque.
Les Missions catholiques : Les Jésuites
catholicisent le Paraguay ; en Chine, Mathieu Ricci, tente de christianiser le
confucianisme (d'où la querelle au sujet des rites chinois), François Xavier à
partir des possessions portugaises en Asie, pousse jusqu'au Japon. À la même
époque, les Anglais et les Hollandais évangélisent dans leurs colonies.
La suppression de
l'Ordre des jésuites : comme on l'a vu, les jésuites sont, à cette époque,
le fer de lance du catholicisme, mais leur excès de zèle finit par importuner
les catholiques eux-mêmes. Au Portugal, c'est l'affaire à rebondissements du
marquis de Pombal, homme des Lumières qui veut retirer aux jésuites le
privilège de l'éducation et les fait expulser en 1759 et qui contribue à
l'avènement de Joseph 1er, en Autriche ; en France, ce sont les plaintes de la
marquise de Pompadour. En 1773, le pape Clément 14 est amené à supprimer
l'Ordre des jésuites (Bref de Dominus ac
Redemptor de 1773) qui trouvent refuge dans la Russie orthodoxe ou la
Prusse protestante. L'Ordre sera rétabli par Pie 7 en 1814.
Le Joséphisme : Joseph 2 (1741-1790), empereur Habsbourg, despote éclairé,
soumet le clergé catholique à un contrôle..
Jacques Gruber
au mois de mai prochain
: le monde protestant aux 17ème et 18ème siècles
MAI 2017
LE MONDE
PROTESTANT AUX 17ème ET 18ème
SIÈCLES
En un siècle (1648 : Traités de
Westphalie, fin des guerres de religion -1743 : Synode et Confession de
Westminster qui marquent l'adoption du régime presbytérien-synodal par l'Église
d'Angleterre), le monde protestant qui n'existait encore pas est né et a pris
forme.
Dans les pays protestants,
l'alphabétisation prend de l'avance, car il faut que chacun puisse lire sa
Bible dans sa langue maternelle, des écoles de filles se créent (les premières
par Luther), des établissements d'enseignement supérieur et des "maisons
de santé", ouvrent ou se développent dans les pays allemands, scandinaves,
en Angleterre et en Écosse ; la formation des pasteurs est intellectuellement
forte.
LES GRANDES
INTENTIONS
L'Église
est là où le Parole de Dieu est fidèlement annoncée et les sacrements correctement
administrés. (Calvin
ajoutait : la Discipline synodale observée).
Le
Salut par la seule Grâce, la seule Foi, la seule Écriture (ou Parole)*.
*Seule la foi saisit le Salut par la
seule grâce et comprend que seule l'Écriture (biblique) y donne accès ; la
grâce seule est don de la seule foi et inspiratrice de la seule Écriture ;
c'est par la seule Écriture que nous recevons le témoignage de la grâce seule
et de la seule foi. Le Salut n'est pas proposé, pas offert, il est donné, donné
sans condition.
Le Salut par la foi s'oppose à un salut
par les œuvres, il n'est pas proposé ou offert, il est donné, donné sans
condition.. Les œuvres, ce sont les rites (les sacrements) ou les œuvres
méritoires. Les Églises protestantes pratiquent des sacrements (baptême et
cène) qui n'agissent pas par eux-mêmes, qui sont "donnés à la foi, par la
foi, avec la foi", de même, des" œuvres de la foi", données,
sans recherche de mérite. Le mariage est une bénédiction, les enterrements,
cultes d'actions de grâce, célébrations diverses, peuvent être qualifiés
d'actes ecclésials.
Des
Églises dépouillées, sans objets de culte ou de dévotion. Le tutoiement du Seigneur.
Le
culte protestant n'est pas un spectacles, pas un psychodrame, ce n'est pas non
plus une conférence, c'est plutôt une salle de concert. D'abord parce que la
musique et le chant de l'assemblée y
tiennent une place importante, ensuite parce que l'on vient pour "écouter"
, écouter une Parole retransmise par la prédication*.
* Le culte protestant des prochains temps
durera sans doute deux heures ou deux heures et demie. Le message de la
prédication (bref) viendra en point final des groupes ou chacun aura pu
s'exprimer librement sur le texte biblique.
Une
Église réformée doit toujours se réformer (selon l'Écriture -ou la Parole-
: ‟L'autorité de l'Écriture est celle de la Parole ”, Johann Salomo Semler,
voir plus bas).
Le
sacerdoce universel
; il n'y a plus de clergé, même s'il existe des sacrements et des pasteurs ;
ouverture pour un pastorat féminin (fin du 20ème siècle).
DES CONTROVERSES
ET DES ACCORDS
Dès lors que l'on reconnaît la liberté
de conscience, de pensée et de parole, on ne peut empêcher que des
controverses, voire des querelles naissent. Ceci s'est produit aux 16ème et
17ème siècles, mais a abouti à des accords.
Indiquons brièvement : a) la querelle
arminienne aux Pays-Bas qui concerne l'interprétation modérée ou stricte de
la prédestination. Les troubles jetés par cette querelle ont conduit Guillaume
d'Orange à convoquer un Synode à Dordrecht (1618-1619) qui tranchera en faveur
de l'interprétation stricte.
En Allemagne :
b) la question de la "justice
forensique" : la justice conférée par grâce, par le moyen de la foi reste
extérieure à nous. Melanchthon ayant évolué sur cette question, il s'en est
suivi des partis (philippistes et anti-philippistes) -du prénom de Mélanchthon-
et des disputes.
c) Johann Agricola enseignait que le
croyant justifié (sauvé) par la foi était libre à l'égard de la Loi (querelle
antinomiste), il avait été désapprouvé par les théologiens proches de Luther ;
d) Osiander, réformateur de Marbourg
avait repris la mystique de Maître Eckart concernant une habitation du Christ en nous, en particulier suite au
sacrement de la cène. Luther, revenu en hâte de la Wartbourg où il traduisait
la Bible en allemand, avait donné une série de prédications à Wittenberg pour
contrer cette thèse ;
e) au sujet de la collaboration de
l'être humain avec Dieu dans le salut (la synergie), Melanchthon et Pfeffinger
(opposés à cette conception) avaient dû combattre Amsdorf et Flacius ;
La Formule de Concorde datée de 1577,
dont le titre est éloquent, mettra fin à
ces différents en terre allemande.
f) le débat sur la cène : le pain et le
vin sont-ils des symboles (Zwingli) ou y a-t-il une consubstantiation (Luther)
qui avait donné lieu au colloque de Marbourg lequel s'était terminé sans
anathèmes réciproques, avait repris en Suisse, entre Ulrich Zwingli et Henri
Bullinger (pour qui le pain et le vin
sont des signes). Un consensus (Le
Consensus de Zurich, 1549, publié en 1551), suivi d'une nouvelle Confession
Helvétique, publiée en 1565, mettront fin au dissentiment.
LES DIFFÉRENTES FORMES d'ÉGLISE
Le Régime
presbytérien-synodal
L'Église se gouverne avec une hiérarchie
d'assemblées élues : conseils presbytéraux, synodes régionaux, synodes
nationaux.
Ce régime est, à l'origine celui des
Églises réformées (calvinistes). Il va s'étendre à l'Église d'Angleterre et aux
Églises anglicanes (ou épiscopaliennes) à partir du Synode de Westminster
(1743). Jusque là l''Église d'Angleterre était une Église de la couronne, son
chef , en dernier ressort, était le roi. Lors de ce synode, l'Église
d'Angleterre (qui avait déjà adopté le calvinisme avec Édouard 6) adopte le
régime presbytérien-synodal, emboîtant le pas à l'Église d''Écosse. Désormais,
le roi sera son Protecteur (titre honorifique). Les Églises luthériennes, Églises
de la couronne dans les différents États allemands ou scandinaves, adopteront
le régime presbytérien-synodal au 19ème siècle.
Ces Églises sont des Églises
multitudinistes, qui acceptent les croyants de toute qualité : petits, moyen,
grands (S M L, pour reprendre les sigles des vêtements).
Au 20ème siècle, se constitueront des
unions mondiales non délibératives : La Fédération luthérienne mondiale,
L'Alliance réformée mondiale (auxquelles s'ajouteront des Alliances mondiales
baptiste et méthodiste).
Le
congrégationalisme
Pour ,comprendre, il faut remonter aux
dissidents anglais qui émigreront en Amérique. Des groupes de chrétiens
d'origine réformée, en désaccord avec l'Église établie, vont former des Églises
autonomes qui n'acceptent d'autre autorité qu'elles-mêmes. La forte conscience
de l'élection dont la réussite personnelle est le signe, qu'ont ces chrétiens
leur donnent un sentiment de plus grande authenticité (ce sont des chrétiens
XL, pourrait-on dire).
Les Églises congrégationalistes n'ont
pas de synodes, mais peuvent se rassembler lors de Conventions. Ces réunions,
parfois importantes, ne sont pas délibératives, elles sont axées sur les
valeurs de la prédication, de la fraternité, de l'entraide, des échanges
d'expériences. Tout chrétien, toute Église particulière peuvent en revenir avec
de nouvelles impulsions, de grandes résolutions.
Historiquement, le congrégationalisme
prendra principalement les formes du baptisme et du méthodisme.
le baptisme :
Il ne faut pas le confondre avec l'anabaptisme
du 16ème siècle. L'anabaptisme, comme son nom l'indique, rebaptise les
chrétiens adultes, le baptême reçu dans l'enfance étant considéré comme nul
alors que le baptisme prône le refus du baptême institutionnel des petits
enfants pour un baptême personnel d'adultes matures qui n'ont pas reçu le
baptême dans leur enfance, ce qui n'implique pas, le cas échéant, de
re-baptême.
L'anabaptisme du 16ème siècle est une
idéologie chrétienne extrémiste (XXL) qui a pour théâtre l'Allemagne des
débuts de la Réformation luthérienne. Sous la direction de Melchior Hoffmann,
nouveau Savonarole, des chrétiens acquis aux idées de Luther, s'étaient
rassemblés dans la ville de Munster pour y établir un ‟ Reich Christi” (Royaume du Christ). Il s'y développe alors un règne
de sectarisme religieux et moral tel que les mécréants y étaient passés au fil
de l'épée. Il faudra un siège et une capitulation au cours desquels Melchior
Hoffmann trouvera la mort pour que la ville revienne à la normale (en 1635).
Un anabaptisme pacifique se développera
plus tard avec les disciples de Simon Mennon (les mennonites).
Le baptisme s'implantera en Amérique
avec Roger Williams (1603-04 - 1684), créateur de l'État de Rhode Island
(capitale Providence) qui inscrit la tolérance religieuse dans sa constitution.
Amorce d'un succès après des Églises afro-américaines. Le pasteur Martin Luther
King était baptiste.
le méthodisme :
On pourrait aussi bien parler de Réveil,
de revivalisme, car le mot de "méthodiste" est un sobriquet entre
étudiants. Á l'université, les frères Wesley et leurs amis menaient une vie si bien organisée, avec, en
particulier, des moments réservés à la prière, l'étude biblique, l'édification,
que leurs condisciples les avaient qualifiés de "méthodistes".
George Wesley (1702-1791), après être
passé par une conversion très affective et qui sert encore aujourd'hui de
modèle aux méthodistes, avait conçu, avec son frère et ses amis, le projet de
réveiller l'Église d'Angleterre qui s'était assoupie (c'était leur message).
Ils n'y parviendront pas de sorte que leur mouvement se développera hors de
l''Eglise et, tout particulièrement, auprès des masses populaires. C'est
l'époque d'un extraordinaire développement de l'industrie en Grande Bretagne,
avec la naissance des premiers prolétariats. L'Histoire a conservé l'image de
George Whitefield (1704-1770), bras droit de Wesley, évangélisant les mineurs
ou les ouvriers d'usine, en plein air, sur le site. Les "méthodistes"
ajoutaient l'acte à la parole, en ouvrant des "salles d'asile" où les
femmes et les enfants des prolétaires étaient chauffés et recevaient un repas,
les femmes pouvaient s'y occuper à de petits ouvrages rétribués.
George Wesley finira par quitter
l'Église d'Angleterre qu'il n'avait pu réveiller, alors que George Whitefield
ne s'en séparera à aucun moment.
Les conversions retentissantes, les
grands "camp meetings" (réunion d'évangélisation en plein air),
resteront la marque du méthodisme
(chrétiens XL) qui espère toujours réveiller les Églises multitudinistes qui en
ont effectivement toujours besoin.
les Quakers
Quakers, ceux qui Tremblent devant le
Seigneur, dans la ligne des croyants d'Israël (voir la vocation d'Essaie dans
Essaie 6). Petite Église fondée par George Fox (1624-1691), les
"amis" comme ils se saluent luttent ,entre autre, contre l'esclavage.
Les Pentecôtistes viendront ,à la fin du
19ème siècle, compléter ce tableau du monde protestant qui reste aujourd'hui
encore assez semblable à ce que nous venons de voir.
LES COURANTS
Il
s'agit de courants qui traversent les Églises protestantes multitudinistes
depuis le 18ème siècle, sans constituer d'Églises particulières.
les piétistes
Philipp Spener (1635-1705), pasteur
alsacien, a, en 1675, l'idée de former dans les Églises multitudinistes de
petites Églises (ecclesiolae) plutôt
que de fonder chaque fois une Église nouvelle, c'est ce que nous appelons
aujourd'hui des "Églises de maison". L'assiduité aux cultes ne
permet pas les échanges spirituels sur une méditation biblique, la prière
libre, l'édification mutuelle, ainsi, entre deux cultes, les chrétiens
qualifiés de "pieux" à l'époque, peuvent-ils se réunir librement pour
ces exercices. Nombre de nos cantiques les plus connus, toujours appréciés,
sont d'origine piétiste. (Paul Gerhardt, 1607-1676)
les unitariens
On nomme ainsi des personnes qui
n'adhèrent pas au dogme de la Trinité (qui ne le comprennent pas, n'en ont pas
besoin). Au départ, le mouvement unitarien n'a pas de lien avec la Réformation,
il en aurait plutôt avec l'humanisme de la Renaissance. On pense qu'il serait
né en Europe centrale et qu'il aurait ensuite rejoint le monde protestant. Il
se distingue du Déisme par le lien personnel qu'il entretien avec le Dieu Un.
Les unitariens peuvent se trouver dans les diverses grandes Églises multitudinistes,
mais en Amérique, ils forment des Églises et possèdent même des universités.
Les libéraux sont un autre courant du
protestantisme qui se constitue au 19ème siècle.
LES SECTES
Ce sont des électrons libres du
protestantisme (Mennonites, Darbystes, Adventistes) ou, franchement, des mouvements
para-chrétiens (Témoins de Jéhova) ou non chrétiens (Mormons). Dans l'ensemble,
quand ces groupes se fondent sur une vérité biblique absolutisée (souvent apocalyptique),
ce qui les caractérise est un esprit sectaire de croyants chrétiens que l'ont
pourrait qualifier de XXL. Pour eux, le petit ombre n'est pas négatif, au
contraire c'est un signe d'élection. Les "sectes", souvent d'origine
anglo-saxonne, se sont développées au 19ème siècle. Aujourd'hui, plusieurs
d'entre celles qui se posaient précédemment en face du christianisme, se revendiquent
aujourd'hui comme "chrétiennes". On rapporte à Ron Hubbard, fondateur
de la Scientologie, cette proposition cynique : ‟Aujourd'hui, si vous voulez
gagner de l'argent, inventez une religion”.
L'universalité de la Parole scripturaire
biblique rayonne des Églises dont elle
est la nourriture quotidienne.
Ce n'est pas l'Église sujet d'un
universalisme totalisant où la Parole tient la sixième place, après
l'Institution, la Tradition, l'Épiscopat, les sacrements, les reliques.
Mais avec les sectes, le sens de
l'Église universelle (qui reste vivant dans les grandes Églises
congrégationalistes) peut se perdre entièrement.
LA THÉOLOGIE
La théologie protestante (comme aussi la
catholique) était jusqu'ici une scolastique (scolastique luthérienne -Johann
Andreas Quenstedt, mort en 1688, David Hollaz, mort en 1713-, scolastique
calviniste -Gisbert Voetius, mort en1676, Johann Coccejus, mort en 1609- ; face
à la scolastique thomiste), qui développait des idéologies de combat.
L'Académie protestante de Saumur s'illustrait alors avec Moïse Amyraut qui
parlait, dans le cadre de la prédestination, d'un hypothétique décret de salut
universel*.
* Peut-être s'inspirait-il de Calvin qui
notait, dans le premier chapitre de son Institution
de la relation chrétienne, après
avoir parlé de la prédestination : ‟Dans la vie courante, considérez tout le
monde comme sauvé”.
Les débuts de l'exégèse
historico-critique : il est de mise de citer l'oratorien Richard Simon comme initiateur de l'exégèse.
C'est mal connaître l'histoire. Richard Simon (1638-1712) est l'auteur d'un Histoire critique du Vieux Testament
(1678) qui relève plus de l'étude biblique que de l'exégèse. Il est connu, en
particulier, pour son esprit polémique : en montrant que la Bible contenait des
erreurs, des lacunes, des contradictions il voulait prouver qu'elle ne peut,
sans l'intervention de l'autorité de l'Église qui supplée à ses manques, servir
de fondement à la vraie Religion, comme le prétendaient les protestants. Le
véritable départ d'une exégèse critique dégagée de préjugés est Louis Cappel,
hébraïsant, professeur d'Ancien Testament à l'Académie protestante de Saumur.
Dans son livre Le secret de la ponctuation révélé (Leyde, 1624) il se pose la
question de savoir la date à partir de laquelle les rabbins ont introduit les
points-voyelles dans le texte hébreu du Premier Testament (vocalisation). Il établit
que cela ne peut être avant le cinquième siècle de notre ère. Sa thèse, objet
de beaucoup de critiques à l'époque (en particulier en Suisse où sa thèse est
condamnée dans le Consensus Helveticus de
1675) et même après, est aujourd'hui considérée comme la plus vraisemblable.
Les fondateurs de l'exégèse historico
critique proprement dite sont les professeurs protestants allemands David
Michaelis (1717-1791) pour le Premier Testament et Johann Salomo Semler
(1725-1791), pour le Nouveau.
Outre ses écrits philosophiques et
politiques, Locke avait écrit Que le
christianisme est une religion très rationnelle (1695), mais l''essor d'une
pensée religieuse protestante que l'ont peut qualifier d'éclairée date de Christian
Wolff (1679-1754), mathématicien, philosophe, théologien (philosophe de la
religion), auteur de nombreux manuels scolaires en dehors de ses productions
universitaires, disciple et successeur de Leibniz, connaisseur de Descartes et
de Locke. C'est l'époque de la "Néologie", servie par des penseurs
que l'on pourrait qualifier de "philosophes de la Religion". Les théologiens protestants au 18ème siècle se
classent d'ailleurs, de façon significative pour l'avenir, en rationalistes
(qui refusent les miracles) et supranaturalistes (qui acceptent le miracle).
Cela ne va pas sans débats ou même querelles : August Hermann Francke
(1663-1727), professeur à la Faculté de théologie piétiste de Halle, fondée en
1694, entrera en conflit avec Christian Wolff.
Le monde protestant qui n'existait pas
avant, s'est constitué de la moitié du 17ème siècle à la moitié du 18ème , il
ressemble à celui que nous connaissons encore aujourd'hui.
Jacques Gruber
MAI 2017
MODERNITÉ : 1er 19ème s.
Tout par l'Homme
et pour l'Homme
Une foi partagée
dans le Progrès
ÉVÉNEMENTS
progrès
matériels et révolutions sociales
de la Révolution
française à la guerre de 70.
Révolutions (1789 les
Droits de l'Homme et du citoyen), 1802-1815 : Consulat, Napoléon, 1er Empire.
Napoléon
1er
(1769-1821) : épopée, à partir du coup d'État du 18 Brumaire 1802, la
légitimité donnée par les victoires ; La
Révolution française abolit l'esclavage en 1794, Napoléon le rétablit en 1802.
Le Congrès de Vienne 1814-1815 : réorganisation de l'Europe après Napoléon, les
Pays-Bas reconnus comme nation à part entière.
Restauration , 1815-1830,
1830, fin de la monarchie des Bourbons, ; 1848 révolutions sociales
européennes, (Manifeste du Communisme, Marx-Engels), 2ème République
1848-1852 ; Napoléon 3, Second Empire 1852-1870 (la Commune de Paris);
Révolutions
industrielles de
la vapeur (1822, premières ligne de chemin de fer, en Angleterre, en France :
1833) de l'électricité, du moteur à explosion, de l'énergie de l'atome et
aujourd'hui du numérique. Époque d'inventeurs, d'entrepreneurs industriels de
grandes concentration de capital produisant beaucoup d'intérêt au profit de
quelques familles qui font rapidement de grandes fortunes (Les Schneider au
Creusot) Le machinisme au service de l'industrialisation, engendre des
prolétariats.
En Angleterre, c'est le siècle de Victoria (1837-1901) dont la
morale bourgeoise est adoptée par les bourgeoisies européennes.
L'Angleterre émancipe ses esclaves en
1833. Victor Schœlcher en 1848, obtient l'abolition de l'esclavage dans les
colonies françaises, abolition en Russie (1858), aux États-Unis en 1865, au
Brésil en 1888.
Suivant l'exemple de son oncle, Napoléon 3, prend le pouvoir par un
coup d'État et cherche à asseoir la légitimité de son pouvoir par des victoires
: guerre de Crimée, guerre du Mexique, mais il perdra la guerre contre la
Prusse, défaite de 1870. Bismarck proclame l'Empire allemand, en 1871, dans la
Galerie des glaces du château de Versailles.
De 1831 à 1870, les italiens, par une
suite de mouvements de libération, obtiennent
l' Unité de l'Italie (royauté
de Victor-Emmanuel 2). Le pape Pie 9
(règne de 1846 à 1878) perd ses États, réfugié à Gaète, il sera rétabli au
Vatican par une intervention militaire française. La papauté s'estime, dès
lors, prisonnière en Italie.
C'est un siècle d'inventeurs, de
découvertes, d'explorateurs.
1796 : Laplace : Exposition du Système du Monde ; 1800, Volta, la pile électrique ; 1801, Gauss : Recherches
arithmétiques ; Bichat : Anatomie ; 1805, métier à tisser de Jacquard, 1806,
Argand, les nombres imaginaires ;
1812, Laplace, Théorie des probabilités
; 1812, Cuvier : Recherches sur des
ossements fossiles ; 1820, Ampère : lois de l'électromagnétique ; 1830,
machine à coudre de Thimonnier ; 1831, Gauss, théorie des nombres complexes ; 1832, Sauvage : invention de l'hélice pour
les bateaux à vapeur ; 1837, Morse : télégraphe électrique ; 1839, Daguerre et
Niepce : la photographie ; 1845-1858, Humboldt : Cosmos ou description physique du monde ; 1846, Le Verrier découvre
Neptune par le calcul ; 1848, Mill, Principes de l'Économie politique ; 1834, Sainte-Claire Deville isole l'aluminium
; 1855, synthèse de l'alcool par Berthelot
; 1836, synthèse de l'aniline par Perkin
; 1859, forage du premier puits de
pétrole par Drake ; 1862, synthèse de l'acétylène par Berthelot ; 1863, Beau de Rochas : moteur à
explosion à quatre temps ; 1864,
Maxwell, théorie de l'électromagnétisme
; 1864, première voiture à essence
de Delamare et Bouteville ; 1865,
Claude Bernard, Introduction à la
médecine expérimentale ; 1866, Alfred Nobel, invention de la dynamite ; 1869, Classification périodique des éléments
de Mendeleiev ; 1869, première
utilisation de la houille blanche ;
1875, découverte des chromosomes (Strassburger et Fleming) ; 1876, invention du téléphone (Bell) ; 1877 invention du
phonographe (Edison) ; 1884 invention
du stylographe (Waterman) ; 1884,
invention du transformateur électrique (Gaulard) ; 1885, vaccin antirabique de
Pasteur ; 1887, découverte des ondes
électromagnétiques (Herz) ; 1889,
découverte de l'hématologie (Hayem) ;
1890, invention du pneumatique (Dunlop) ; 1874, Stanley explore l'Afrique,
1975, Savorgnan de Brazza explore le Congo, Alexander von Humboldt (1769-1859)
explore l'Amérique tropicale et l'Asie centrale.
L'ÉVOLUTION DES
ESPRITS, DE LA SOCIÉTÉ ET DES ARTS
L'hégélianisme :
Sécularisation de la théologie protestante : Johann Gottlieb Fichte (1762-1814) Théorie de la science 1801-1804, nationalisme du Discours à la nation allemande (1807) ; Luther, Commentaire de Romains) d'où Hegel (1770-1831)
le devenir remplace l'être puis Kierkegaard , l'existence remplace le devenir.
Friedrich Hegel (1770-1831, est contemporain de Schelling (qui aboutit à un
panthéisme), de Schiller (grande figure du romantisme avec Goethe), de
Schleiermacher (qui reste théologien). Hegel (1770-1831) : Phénoménologie de l'Esprit (Geist,
1807), la phénoménologie remplace les conditions de possibilité kantiennes,
il formule la dialectique de la thèse, l'antithèse, la synthèse, et débouche
sur une philosophie de l'histoire (l'Histoire possède une Logique propre
qu'elle développe à travers ses époques successives).
Hégéliens de droite (et de gauche).
Hégéliens de droite (la sainte famille des Bauer, Marheinecke, le professeur de
dogmatique de Kierkegaard) et de gauche : Ludwig Feuerbach (1804-1872) (théoricien de l'aliénation religieuse :
après avoir placé le meilleur de nous-mêmes en Dieu, il ne nous reste plus qu'à
nous confesser pécheurs) ; Marx-Engels (dénonciation de l'aliénation sociale
puis, avec le Capital, théorie d'un socialisme scientifique, la dialectique historique va vers le
Socialisme)
Sören Kierkegaard (1813-1855) un autre théologien qui ne deviendra pas
pasteur, mais héros de la vie
évangélique), en réaction contre l'hégélianisme, il remplace le devenir par
l'existence, l'absurde de l'existence ; la dialectique hégélienne, par les
trois stades de l'existence ; l'affirmation que la vérité, c'est la
subjectivité, il fustige par ailleurs l'Église établie. de son pays, le
Danemark.
NB : Pascal contre le Dieu des
philosophes (cartésianisme) ; Rousseau contre le déisme, Kierkegaard contre l'hégélianisme
; Barth contre l'Église embourgeoisée, contre la théologie libérale, contre le
nazisme.
Le
socialisme
: Déjà, en 1762, Jean-Jacques Rousseau donnait la définition d'un socialisme
collectiviste : "Une forme d'association qui défende et protège de toute
la force commune la personne et les biens de chaque associé et par laquelle, chacun s'unissant à tous,
n'obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi libre qu'auparavant" […] "L'aliénation de chaque associé avec
tous ses droits à toute la communauté, car, premièrement, chacun se donnant
tout entier, la condition est égale pour tous, nul n'a intérêt à la -rendre
onéreuse aux autres" (Contrat social, livre 2, chapitre 1, 6).
Au 18ème siècle, Adam Smith avait mené
une réflexion économique, il sera suivi par
la doctrine imparable de l'utilitarisme de Bentham (1748-1832) continué
par James Mill (1773-1836). C'est également de cette époque que datent ceux,
qu'à juste titre, Karl Marx appellera des socialistes
"utopistes" : Charles Fourier (1772-1837) ; Robert Qwen (1771-1858)
; Étienne Cabet (1788-1856) ; Pierre Joseph Proudhon (1809-1865).
Mais les premiers à se révolter sont les
anarchistes : communards de la
Commune de Paris (1871) ; théoriciens tel Kropotkine (1842-1921); terroristes
individuels comme Ravachol (1859-1892) ou Caserio (1873-1894). C'est Lénine,
avec les bolcheviques, au 20ème siècle, qui se fixera comme but d'anéantir les anarchistes
et les socialistes (dits : "sociaux-traîtres").
Karl
Marx (1818-1883), lui-même, passera par trois étapes au moins : l'idéalisme
de sa jeunesse ; la lutte pour l'abolition de l'aliénation sociale ; le
socialisme scientifique basé sur les relations entre capital et travail ; la
propriété des moyens de production ; une logique de l'histoire qui implique le
passage obligé, mais, en théorie, provisoire, par une dictature du prolétariat.
Au 20ème siècle, nous en connaîtrons diverses réinterprétations : le
bolchevisme, le trotskisme, le maoïsme, le gauchisme, le réformisme althussérien.
Le matérialisme, puis le nietzschéisme,
vont être les vecteurs de l'athéisme en occident.
Le romantisme : réaction du sentiment
contre la Science. Point de départ : l'Angleterre et l'Allemagne, en France :
Rousseau, Alphonse de Lamartine, Victor Hugo, Alfred de Vigny, Alfred de
Musset.
1796-1799, Schiller Wallenstein ;1796-1831,
Goethe, Les Années d'apprentissage et de
Voyage de Wilhelm Meister ; # 1797, Novalis, Hymnes à la Nuit ; 1799,
Beethoven : La Pathétique ; 1800, Mme
de Staël : De la Littérature ; 1800,
Haydn : Les Saison ; 1802,
Chateaubriand : Le Génie du christianisme
; 1807, Hegel, Phénoménologie de
l'Esprit ; 1808, Fichte :Discours à
la Nation allemande ; 1812, Hegel, Science
de la Logique ; 1818, Schopenhauer, Le
Monde, comme volonté et comme représentation ; 1820, Lamartine, Méditations poétiques ; 1822, Schubert, La Symphonie inachevée ; 1823, Stendhal
: Armance ; 1824-1826, Vigny : Poèmes antiques et modernes, Cinq-Mars ;
1830, Balzac, Gobseck ; 1830-1842,
Comte, Cours de philosophie positive ;
Jules Vernes (1828-1905)
Les
Arts :
1800, Ingres, Torse d'homme ; David, Mme.
Récamier ; Goya, La Famille du roi Charles 4 d'Espagne ; 1804,
Ingres, Portrait de Napoléon ; 1806,
Jean-François Chalgrin, L'Arc de Triomphe
de Paris ; 1807, Turner, La Tamise vue de
Walton Bridge ; 1809, Constable, Malvern
Hall ; 1812, Géricault, L'Officier de
chasseur ; 1814-1815, Exécution des
Rebelles à Madrid ; 1822, Delacroix, Dante et Virgile aux Enfers ; 1824,
Delacroix, Massacre de Scio ; 1827,
Corot, Pont de Narni ; 1832-1836, Rude, Départ des Volontaires (Arc de Triomphe) ; Chassériau, Portrait du Père Lacordaire ; 1848,
formation du groupe des Préraphaélites
; 1849, Courbet, L'Enterrement d'Ornans
; 1857, Millet, Les Glaneuses ; 1862-1874,
Garnier, Opéra de Paris ; 1863,
Manet, Le Déjeuner sur l'herbe ;
1866, Monet, Femmes au jardin ; 1867,
Cézanne, La Montagne Sainte-Victoire
; 1867, Bazille, Réunion de famille ; 1874, Première exposition des Impressionnistes à Paris ; 1874 début de
la construction du Sacré -Cœur à
Paris ; 1876, Renoir, Le Moulin de la
Galette ; 1879, Degas, Danseuse au
repos ; 1883, Sisley, Une rue à
Louveciennes ; 1884, Seurat, La
Grande Jatte ; 1885, Van Gogh, Les
Mangeuses de pommes de terre ; 1887-1889, construction de la Tour Eiffel à Paris ; 1888 James Ensor, L'Entrée du Christ à Bruxelles en 1886 ;
1886-1898, les deux sculptures intitulées Le
Baiser ; 1889, Les Nabis, La Revue Blanche ; 1891,
Toulouse-Lautrec, La Goulue.
L'Histoire : Edward Gibbon
: Histoire de la décadence et de la chute
de l'empire romain, 1776-1788 ; Jules Michelet, Histoire de France (1833-1846, reprise en 1855-1867) ; Augustin
Thierry, Récits des temps mérovingiens
(1835-1840) ; Friedrich Dahlmann (1785-1860), Johann Gustav Droysen (1808-1884).
Le
pangermanisme (Richard Wagner, 1813-1883) , le panslavisme (N.I. Danilevski, 1822-1885).
Les
doctrines de perfectionnement de l'Homme : le Goetheanum, le sport, l'eugénisme
(le racisme) ;
Friedrich Nietzsche (1804-1900), la fin de la culture universitaire
occidentale (La Naissance de la tragédie 1872; ‟La philosophie à coups
de marteau”, Le Gai savoir,1882), le
dépassement du nihilisme (l'éternel retour du même), le dépassement de soi au
mépris des autres, l'avènement du Sur-Homme, d'une Sur-Humanité (Ainsi parla Zarathoustra, 1883).
Charles Darwin (De l'Origine des
espèces, 1859) : l'être humain est un animal comme un autre, l'Homme est
remis à sa place
Alexis de Tocqueville
découvre la démocratie américaine De la démocratie
en Amérique 1835-1840.
Henri Dunant, suite au spectacle des blessés et des mourants sur le champ
de bataille de Solferino (24 juin 1859, Italie) et réentendant l'appel de la
parabole du Samaritain de Luc 10,
promeut la Convention de Genève de 1864 qui est à l'origine de la Croix-Rouge
1872, création du Parc de Yellowstone
1873, la Nouvelle-Zélande donne le droit de vote aux femmes
Jacques Gruber
JUIN 2017
.
LES
ÉGLISES ET LA MODERNITÉ
le 19ème siècle
La question se
pose de savoir si L'Église est une "société ouverte" ou une "société fermée" (selon les
expressions de Henri Bergson) ?
LE
CATHOLICISME
Sous le 1er Empire (Concordat), la
Restauration, le Second Empire, le catholicisme retrouve sa position de
religion d'État en France, comme dans la plupart des pays d'Europe. La deuxième
République a une trop courte existence pour que le problème se pose, mais il va
revenir avec la Commune de Paris et la Troisième République (puis au 20ème
siècle, avec la Loi de séparation de l'Église et de l'État).
Les
Grandes voix
:
De grandes voix se sont élevées dans le
catholicisme du 19ème siècle. En 1802, Chateaubriand
(René de, 1768-1848) avec Le Génie du christianisme
est réputé avoir rouvert les portes des
églises après la tourmente révolutionnaire.
La
Mennais
(Félicité de, 1782-1854), adversaire des gallicans, il n'en rompt pas moins
avec Rome en 1834 et publie, la même année, ses Paroles d'un croyant, témoignage d'une mystique libre.
Lacordaire
(Henri,1802-1867)
ne suit pas son maître (La Mennais) après sa rupture avec Rome, élu député en
1848, il milite pour la démocratie chrétienne à l'aide de son journal L'Ère Nouvelle. Déçu par l'activisme
politique, il se fait dominicain et se consacre au rétablissement de l'Ordre
des dominicains en France.
John
Newman
(1801-1890 est un théologien catholique d'avenir. Prêtre anglican, membre du
Mouvement d'Oxford qui, à l'époque, dialogue avec les membres de l'Église
catholique, il se convertit (come on dit) au catholicisme. Devenu prêtre, puis
évêque, il sera nommé cardinal dans les dernières années de sa vie. Critiquant
le Sola Scriptura de la Réformation,
il met en avant ce qu'il appelle les ‟lacunes de l'Écriture”, en ce qui
concerne la conception que l'Église a d'elle-même. Ces lacunes sont comblées,
au cours de l'histoire, par une ‟Tradition prophétique” qu'il situe à côté de la ‟Tradition
épiscopale”. Ainsi va naître, dans le catholicisme, la conception de la
Tradition qui, sans évoluer, sans changer d'identité, se complète. Sans John
Newman, l'aggiornarmento de Jean 23 convoquant le concile de Vatican 2, n'aurait pas été possible.
Certains romantiques, comme Victor Hugo, développent un
sentimentalisme religieux (La légende des
siècles, 1883, son théâtre) alors que d'autres, plus jeunes, élèvent des
critiques (quasi nietzschéennes) à l'égard du christianisme (Gérard de Nerval,
‟Le Christ au jardin des Oliviers”, sonnet des Chimères, 1854).
Des
Crises
En France, la Constitution civile du clergé, imposée par la Révolution,
fonctionnarisait les membres des clergés, l'État les paye en retour d'un
serment de loyauté envers lui. Acceptable pour les protestants* et,
semble-t-il aussi par les Juifs, ce serment est inadmissible pour le Saint
Siège et pour beaucoup de catholiques. D'où, dans l'Église de France, un
conflit entre "prêtres jureurs"
et "prêtres réfractaires".
*Suivant Rm 13, 1-7 (écrit dans le
contexte de la Pax romana -la
"Paix romaine"- ), les protestants considèrent comme légitime la
loyauté envers le Pouvoir qui a une fonction d'ordre et de paix (la résistance
à ce Pouvoir est aussi impérative dès lors qu'il professe une idéologie
totalitaire quelle qu'elle soit. Voir Église confessante allemande).
C'est en France aussi qu'éclate la crise du Sillon, nom donné en 1894,
par Marc Sangnier (1873-1950), au mouvement et au journal qui répandaient les
idées sociales du corporatisme et les conceptions politiques qui donneront
naissance à la démocratie chrétienne. Le Sillon
sera désavoué par le pape Pie 10, pourtant la démocratie chrétienne prendra
racine en Europe.
La
crise du Modernisme
touche aussi la France catholique, mais n'épargne pas le catholicisme d'autres
pays européens. Elle concerne les exégètes catholiques qui adopteront l'exégèse
historico-critique. Bien que condamné par le pape Pie 10 (1835-1914), le modernisme
s'étendra jusqu'au début du 20ème siècle.
Crise
entre Église gallicane et ultramontains. Depuis Philippe le Bel et jusqu'à
Louis 14, le Gallicanisme est favorisé
par les souverains français, Bossuet en sera un champion avec sa Déclaration des Quatre articles, 1682,
véritable Charte du gallicanisme. Suite à la Révolution française, au concordat
napoléonien, puis à la Loi de Séparation de l'Église et de l'État (1906), les
ultramontains l'emporteront en France.
Le
schisme de l' "Église catholique chrétienne" ou "Vieux catholiques", c'est ainsi que prendra nom le schisme
qui suivra la proclamation du dogme de l'infaillibilité pontificale par Pie 10,
lors du concile de Vatican 1, en 1871. Ce schisme, mené par le prêtre (et
historien) Johann von Döllinger (1799-1890), excommunié en 1871, est surtout
répandu dans les pays alémaniques, il n'est toujours pas résorbé aujourd'hui.
De
nouveaux dogmes
La piété mariale s'est répandue très tôt
dans les communautés chrétiennes du Proche Orient. Au concile d'Éphèse (431),
Marie est proclamée "Mère de Dieu" (theotokos), dès lors, la piété donne place à un culte de Marie tant
dans les églises orthodoxes que catholique..
Le 19ème siècle est le siècle des
apparitions de la Vierge Marie (une"apparition" se distingue
d'une" vision" en cela que la Vierge y parle et donne un message) :
Rome, 1842 ; La Salette, 1846 ; Lourdes
1858 ; Champion États-Unis, 1859 ; Pontmain, 1871 ; Gielzrwald (Pologne), 1877
; Knock (Irlande) 1879 : soit 7 sur 15.
Du côté catholique, le pape Pie 9
proclame l'"Immaculée conception"
de Marie (1854). Marie est née sans que ses parents (Anne et Joaquim) aient
eu des relations sexuelles, considérées comme pécheresses*.
* En 1950, le pape Pie 12, proclamera l'
"Assomption de Marie" (Marie n'est pas morte, elle s'est endormie et a été élevée, dans ces conditions jusques aux cieux [la "Dormition"
orthodoxe n'est pas un dogme].
L'Immaculée
Conception est une manière de désigner la Vierge Marie « sans tache » (latin : macula), c'est-à-dire sans péché, et également une fête de l'Église catholique, à l'occasion de laquelle ce mystère est célébré. Cette désignation renvoie à
l'un des dogmes
catholiques, la
conception immaculée de Marie, qui précise que Marie, depuis sa conception dans
le sein de sa mère, n'a pas été entachée par le péché originel.
La
formulation « Immaculée Conception » ne concerne que la conception de
Marie elle-même, et non pas celle de Jésus-Christ. D'autre part, ce qu'affirme le dogme est que, contrairement au
reste de l'humanité, Marie n'a jamais eu besoin de purification ou de
conversion.
La
proclamation de ce dogme par le pape Pie IX en 1854 est le fruit d'une lente évolution dans l’Église catholique.
La fête de la Conception de la Vierge est célébrée en Orient au VIIIe siècle, elle arrive en Occident autour du Xe siècle et se répand progressivement en Europe.
Un débat théologique s'établit entre des théologiens de différents ordres. Les
uns et les autres s'appuient sur les Pères de l’Église qui dès les premiers siècles avaient
évoqué cette croyance. Le débat se développe à partir du XIVe siècle et s'étend jusqu'au XVIIIe siècle avec des prises de position de plus en
plus répétées des papes, qui tout en encourageant les fidèles à célébrer la
fête de l'Immaculée Conception se refusent toujours à en prononcer le dogme.
Pie IX, après avoir consulté l'ensemble des évêques catholiques (qui marquent
leur agrément à une très large majorité) ainsi que des commissions de
théologiens, définit ce dogme de manière solennelle le 8
décembre 1854,
par la bulle Ineffabilis
Deus.
Si
l'Église orthodoxe célèbre la fête de la Conception de
Marie et nomme Marie « l'Immaculée »,
elle ne reconnaît cependant pas ce dogme de l'Immaculée Conception, de même que
les protestants ou les autres Églises chrétiennes. Note
de Michel Dulon
1869-1870, le 1er concile du Vatican
proclamera, malgré des oppositions ouvertes, le dogme de l'"Infaillibilité pontificale". Cela signifie que le pape
est infaillible lors des plus solennelles occasions où il lui est donné de
définir un aspect essentiel de la foi catholique.
L'unité italienne s'achève en 1870 par
l'annexion de Rome. Le pape perd ses États et se considère comme prisonnier
dans le Vatican. Le catholicisme se replie sur lui-même, jusqu'aux
"Accords de Latran" signés avec Mussolini en 1929 qui font de la Cité
du Vatican à Rome un État reconnu*.
*Le concile de Vatican 2 (1962-1965, sous
les pontificats de Jean 23, puis de Paul 6) sera le concile de l'ouverture (aux
Juifs, aux protestants, aux monophysites ou Nestoriens, aux laïcs, aux femmes)
mais les deux pontificats suivants seront tenus par des papes qui faisaient
partie des opposants au cours de ce concile (Karol Wojtila -Jean-Paul 2- puis
Joseph Ratzinger -Benoît 16-).
LES PROTESTANTS
Quand ils ne sont pas discriminés ou
persécutés, les protestants adhèrent au Progrès. Tentent de se mettre à la hauteur de la
modernité sans trahir les grandes intentions de la Réformation.
Les protestants français ont retrouvé
leur état civil avec la Révolution, mais, suite aux Articles organiques, signés
en 1802 par Napoléon Bonaparte, 1er Consul, ils demeurent privés de leurs
synodes jusqu'à la Troisième République.
Une
pensée théologique libérée
Le protestantisme est
touché par la crise du modernisme à sa façon, avec une rivalité (pas -encore-
une scission) entre deux courants : les conservateurs (Piétistes, Orthodoxes,
Évangéliques, Attestants) ou les Libéraux de divers types.
Avec la fin des guerres de religion,
c'est la fin des scolastiques (luthérienne ou calviniste), les théologiens se
libèrent des idéologies de combat du 16ème-17ème siècle. La pensée théologique
protestante occidentale redevient une pensée libre qui veut prendre une
attitude positive vis- à-vis des Lumières et de la modernité. D'où une
théologie qui tend à être éthique, anthropologie religieuse, philosophie ou
histoire de la religion, théologie de la religion, voire sagesse teintée de
monothéisme ou d'exégèse biblique. Suite à la critique des Écritures, on va
avoir une critique de la théologie vue depuis divers points de vue
(anthropologie, psychologie, histoire, philosophies), une critique de la
religion, une critique de l'Église.
Les positions se sont établies dès le
18ème siècle, qu'il s'agisse de rationalistes et supranaturalistes, de
latitudinaristes anglais ou de néologues allemands face à des piétistes, d'orthodoxes
contre libéraux, aujourd'hui d'attestants et de libéraux. D'une part, des
Églises fidèles à une idéologie fondamentaliste biblique identitaire. qui
peut engendrer le sectarisme. De l'autre, des Églises qui se veulent ouvertes à
la modernité, dont la théologie peut aboutir au n'importe quoi.
Outre quoi, deux réactions, l'une,
existentielle, avec Kierkegaard (au 19ème s.), l'autre avec la théologie
dialectique de Karl Barth (1886-1968, au 20ème siècle).
Les deux courants, attestants et
libéraux, héritiers du 19ème siècle, se retrouvent dans les mêmes paroisses,
les mêmes cultes, autour de la même cène, dans les mêmes synodes où chacun est
tenu de voter selon sa propre conviction au moment du vote (pas de lobbying).
Entre ces deux courants, n'appartenant spécialement à aucun des deux, il y a
ceux que j'appellerai les "protestants sans parti-pris".
Pour comprendre, il faut partir de
Rousseau et de Kant, plutôt que de Hegel (1770-1831) et bien qu'il y ait aussi
eu des théologiens protestants hégéliens, tels Christian Baur (1792-1860) dont
Schleiermacher se séparera ou Philipp Marheinecke (1780-1846), le professeur
de Sören Kierkegaard (1813-1855).
Jean-Jacques Rousseau (1712-1778): à côté de la raison, le sentiment réclame
ses droits ; il n'y a plus de péché originel, l'homme est naturellement bon, la
conscience est un instinct divin, par ses propres moyens, l'être humain peut
atteindre, ici-bas, à la vertu.
Immanuel Kant (1724-1804) : la Raison n'a rien à voir avec la Révélation,
mais peut concerner la Religion (La religion dans la limite de la simple raison,
1793). L'Épitaphe choisie pour
lui-même résume ses positions : ‟Le ciel
au-dessus de ma tête, l''impératif moral gravé au fond de mon cœur”; c'est à
dire : a) quelle que soit notre façon de scruter l'univers, nous ne trouvons
nulle par la raison première ou dernière de son existence (pourquoi un univers
et pourquoi pas), de sorte que la preuve de l'existence de Dieu par la
contingence du monde (preuve a contingentia
mundi) est à juste titre la plus
populaire ; b) nous avons une connaissance innée du bien et du mal en vue de
faire le bien : l'impératif moral. Il en sortira une éthique du Devoir (die Pflicht, du sollste : tu dois, ‟Wer will, der kann” : celui qui veut,
peut, de la liberté responsable), qui va profondément marquer l'éducation
prussienne et, au-delà, allemande.
À Halle, Christian Wolff (1679-1754) et August Francke
(1663-1727) : philosophe de la religion contre la foi piétiste de tendance
repristinatienne*.
* Projet de reproduire dans l'Église le
temps biblique -particulièrement celui du Livre des Actes-, c'est à dire des
époques de l'histoire du salut où il n'y avait pas d'Écritures
néotestamentaires et où le Saint Esprit guidait directement les croyants.
Schleiermacher (Friedrich,
1768-1834), fils d'un aumônier militaire réformé, élevé chez les frères
moraves, artisan de l'union entre luthériens et réformés allemands, il montre
la voie d'une réflexion théologique personnelle dans ses Discours sur la religion à ceux de ses détracteurs qui sont des personnes cultivées (1799), les théologiens y sont comparés à des
"virtuoses" en leur domaine. Dans sa Christliche Glaubenslehre (Doctrine
de la foi chrétienne, 1821), à partir du ‟sentiment de dépendance absolue”,
qui est le sentiment religieux universel, il décrit le sentiment (non la
sensation) que la communauté chrétienne évangélique a d'elle-même*. Il ne
laisse pas de côté les définitions patristiques, mais La Trinité, par exemple,
se trouve traitée en une demi page tout à la fin des deux volumes de la Christliche Glaubenslehre.
* Hegel, Schleiermacher et Schelling sont
des camarades d'études. Dans sa Phénoménologie
de l'Esprit (1807), Hegel décrit la
conscience dans son devenir universel (ce qu'il appelle l'Esprit) dans un temps circulaire. Dans sa Glaubenslehre (1821), Schleiermacher
décrit le sentiment personnel et communautaire
chrétien dans une perspective de temps ouvert. La dernière pensée de Schelling mêle philosophie, sagesse et religion
dans un panthéisme (Philosophie de la
mythologie, 1842) .
Hegel adopte le temps ouvert dans ses
derniers cours sur La philosophie de
l'Histoire qui porte sa fin en elle. Entre les deux, il y a la démarche
dialectique (thèse, antithèse, synthèse) qui vaut pour tous les temps.
Schleiermacher dépasse la théologie, il
est le créateur de l'herméneutique moderne (dont Paul Ricoeur (1913-2005) est
le dernier représentant - pour une part de son œuvre seulement -) .
Après lui, avec Aloïs Biedermann (1819-1885), va naître le
courant libéral proprement dit, démarche essentiellement critique. la
théologie devient une "histoire et philosophie de la religion" (La théologie libre, philosophie et
christianisme en combat et en paix, 1844), En France, création d' Évangile et Liberté en 1886. La démythologisation
appartient au 20ème siècle.
Parallèlement, l'Institut biblique de Stuttgart, fondé en 1812, poursuit son travail
d'établissement des textes hébreu pour le Premier Testament, grec pour le
Nouveau, texte que nous utilisons toujours aujourd'hui. Biblia Hebraica, Stuttgartensia, Novum Testamentum Graece .
Pour donner une idée de la richesse de
la production théologique des facultés de théologie protestantes au 19ème
siècle, je cite ici quelques noms entre de nombreux autres.
Albrecht Ritschl (1822-1889) : pour donner une idée, je dirai que, pour
Ritschl, la foi chrétienne fidèle au principe scripturaire (exégèse
historico-critique de la Bible) est fondée sur des faits historiques et par
ailleurs, en ce qui concerne la foi (justification, réconciliation), ne répond
pas à des jugements de fait, mais à des jugements de valeur (qu'il définit
comme non concomitants, mais indépendants)*. La doctrine chrétienne de la justification et de la réconciliation,
1870-1874.
*Exemple évangélique de jugement de
valeur, pour la justification comme pour la réconciliation : ‟Ne valez-vous pas
beaucoup plus que les oiseaux du ciel ?” (Matthieu 6,26), ‟Vous valez plus que
beaucoup de moineaux” (Matthieu 10,31). Les
premiers philosophes des valeurs (axiologie), Wilhelm Windelband (1848-1915),
Heinrich Rickert (1863-1936), sont postérieurs
à Ritschl.
L'École
de Paris
: Auguste Sabatier (1858-1928)
critique les symboles qui constituent le langage religieux (dont celui de la
Bible), Eugène Ménégoz développe
l'idée de la foi comme confiance donnée à la personne de Jésus indépendamment
de toute espèce de croyances. Ensemble, ils définissent ce que l'on appellera le symbolo-fidéisme.
Richard Rothe (1799-1867) (son Éthique,
1845-1848)) il n'est pas exclu de penser que le royaume de Dieu (terrestre)
sortira, un jour, du progrès.
Ernst Troeltsch (1865-1923) : son point de départ est l'existence d'un
"apriori religieux", autrement dit, que la religion est un phénomène
universel, ensuite, il préconise de rechercher des compromis entre Raison et
Révélation pour le double profit du christianisme et de la société.
.
LE CHRISTIANISME
PRATIQUE
On n'est pas sauvé si on a une bonne
doctrine (orthodoxie), le salut s'adresse à la personne en son entier.
Souvenons-nous qu'il n'y a pas de
Sécurité Sociale avant la moitié du 20ème siècle.
William Booth (1829-1912) et son épouse Catherine (1829-1890) : l'Armée du Salut dont le slogan est :
‟Soupe, Savon, Salut” : car on
n'annoncera l'Évangile qu'après avoir permis aux gens de se nourrir et de se
laver. Mouvement qui s'adresse à tous
les démunis engendrés par les villes industrelles. Réhabilitation aux yeux
d'eux-mêmes et évangélisation sont les buts fixés. Née en Angleterre, l'Armée
du Salut essaimera à travers le monde entier. Ce n'est pas une Église (on n'y
célèbre pas de sacrements), c'est un mouvement en relation avec les Églises
(L'Armée du Salut est membre de la Fédération protestante de France).. On y
trouve, bien avant ces dernières, une égalité entre homme et femme : les femmes
peuvent devenir soldates, officières, générales. À Paris, l'Armée du Salut
bâtit un immeuble intitulé "Palais de la femme", car ce sont toujours
elles qui sont les premières victimes. Il ne s'agit pas de faire du
recrutement, on entre à l'Armée du Salut par vocation. l'Armée du Salut adresse celles et ceux qu'elle
a pu aider à se relever et qui manifestent le besoin d'une communauté
chrétienne, vers la paroisse catholique
ou protestant la plus proche.
Diaconesses : communauté
caritative féminine protestante : en 1836, Theodor Fliedner fonde une première
maison près de Hambourg ; en 1841, Caroline Malvesin et Antoine Vermeil,
fondent l'Hôpital de Reuilly (Paris).
Henri Dunant (1828-1910) : la
Croix Rouge, au point de départ, il y a le spectacle atroce des agonisants
et des blessés abandonnés sur le champ de bataille de Solferino (victoire de
Napoléon 3, en 1859). Poussé par sa foi (en particulier par la parabole du
Samaritain de Luc 10), il obtient, en 1863, le vote de la Convention
internationale de Genève qui fixe les devoirs de secours aux blessés de guerre.
Ce sera le germe de la Croix Rouge internationale (1864). La Croix veut
rappeler le symbole de la croix blanche sur le drapeau Suisse, elle peut aussi
renvoyer à l'Évangile.
La
Mission populaire du
pasteur anglais Robert McAll (francisé en MacAll)
se veut, au départ, en 1872, une évangélisation du peuple de Paris, après la
Commune. Aujourd'hui, mouvement d'évangélisation des quartiers populaires.
Les racines du Christianisme social, dans sa conception protestante (qui ne veut pas offrir une alternative
qui entre en concurrence avec les idéaux sociaux de la République), se trouvent
au 19ème siècle (prédication de Tommy
Fallot (1844-1904) en 1878 à la Chapelle Taitbout de Paris).
L'Arbre
de Noël
: dans le Nord de l'Europe, la coutume est de décorer et d'illuminer un épicéa
pour marquer le solstice d'hiver. Cet arbre de lumière est associé à la
Nativité. Longtemps, cet us, associant l'Arbre à la Crèche, au domicile et au
temple, a été propre aux seuls protestants, en France, il permettait de se
distinguer des catholiques. Peu à peu, la fête de Noël autour de l'Arbre et de
la Crèche, au temple, deviendra l'une des plus suivies par les familles et
quasi rituelle. Par la suite, l'Arbre de Noël se popularisera, perdant tout
sens christianisé.
Jacques
Gruber
Pour
le mois prochain, les Églises au 20ème siècle.
MAI 2017
MODERNITÉ : 1er 19ème s.
Tout par l'Homme
et pour l'Homme
Une foi partagée
dans le Progrès
ÉVÉNEMENTS
progrès
matériels et révolutions sociales
de la Révolution
française à la guerre de 70.
Révolutions (1789 les
Droits de l'Homme et du citoyen), 1802-1815 : Consulat, Napoléon, 1er Empire.
Napoléon
1er
(1769-1821) : épopée, à partir du coup d'État du 18 Brumaire 1802, la
légitimité donnée par les victoires ; La
Révolution française abolit l'esclavage en 1794, Napoléon le rétablit en 1802.
Le Congrès de Vienne 1814-1815 : réorganisation de l'Europe après Napoléon, les
Pays-Bas reconnus comme nation à part entière.
Restauration , 1815-1830,
1830, fin de la monarchie des Bourbons, ; 1848 révolutions sociales
européennes, (Manifeste du Communisme, Marx-Engels), 2ème République
1848-1852 ; Napoléon 3, Second Empire 1852-1870 (la Commune de Paris);
Révolutions
industrielles de
la vapeur (1822, premières ligne de chemin de fer, en Angleterre, en France :
1833) de l'électricité, du moteur à explosion, de l'énergie de l'atome et
aujourd'hui du numérique. Époque d'inventeurs, d'entrepreneurs industriels de
grandes concentration de capital produisant beaucoup d'intérêt au profit de
quelques familles qui font rapidement de grandes fortunes (Les Schneider au
Creusot) Le machinisme au service de l'industrialisation, engendre des
prolétariats.
En Angleterre, c'est le siècle de Victoria (1837-1901) dont la
morale bourgeoise est adoptée par les bourgeoisies européennes.
L'Angleterre émancipe ses esclaves en
1833. Victor Schœlcher en 1848, obtient l'abolition de l'esclavage dans les
colonies françaises, abolition en Russie (1858), aux États-Unis en 1865, au
Brésil en 1888.
Suivant l'exemple de son oncle, Napoléon 3, prend le pouvoir par un
coup d'État et cherche à asseoir la légitimité de son pouvoir par des victoires
: guerre de Crimée, guerre du Mexique, mais il perdra la guerre contre la
Prusse, défaite de 1870. Bismarck proclame l'Empire allemand, en 1871, dans la
Galerie des glaces du château de Versailles.
De 1831 à 1870, les italiens, par une
suite de mouvements de libération, obtiennent
l' Unité de l'Italie (royauté
de Victor-Emmanuel 2). Le pape Pie 9
(règne de 1846 à 1878) perd ses États, réfugié à Gaète, il sera rétabli au
Vatican par une intervention militaire française. La papauté s'estime, dès
lors, prisonnière en Italie.
C'est un siècle d'inventeurs, de
découvertes, d'explorateurs.
1796 : Laplace : Exposition du Système du Monde ; 1800, Volta, la pile électrique ; 1801, Gauss : Recherches
arithmétiques ; Bichat : Anatomie ; 1805, métier à tisser de Jacquard, 1806,
Argand, les nombres imaginaires ;
1812, Laplace, Théorie des probabilités
; 1812, Cuvier : Recherches sur des
ossements fossiles ; 1820, Ampère : lois de l'électromagnétique ; 1830,
machine à coudre de Thimonnier ; 1831, Gauss, théorie des nombres complexes ; 1832, Sauvage : invention de l'hélice pour
les bateaux à vapeur ; 1837, Morse : télégraphe électrique ; 1839, Daguerre et
Niepce : la photographie ; 1845-1858, Humboldt : Cosmos ou description physique du monde ; 1846, Le Verrier découvre
Neptune par le calcul ; 1848, Mill, Principes de l'Économie politique ; 1834, Sainte-Claire Deville isole l'aluminium
; 1855, synthèse de l'alcool par Berthelot
; 1836, synthèse de l'aniline par Perkin
; 1859, forage du premier puits de
pétrole par Drake ; 1862, synthèse de l'acétylène par Berthelot ; 1863, Beau de Rochas : moteur à
explosion à quatre temps ; 1864,
Maxwell, théorie de l'électromagnétisme
; 1864, première voiture à essence
de Delamare et Bouteville ; 1865,
Claude Bernard, Introduction à la
médecine expérimentale ; 1866, Alfred Nobel, invention de la dynamite ; 1869, Classification périodique des éléments
de Mendeleiev ; 1869, première
utilisation de la houille blanche ;
1875, découverte des chromosomes (Strassburger et Fleming) ; 1876, invention du téléphone (Bell) ; 1877 invention du
phonographe (Edison) ; 1884 invention
du stylographe (Waterman) ; 1884,
invention du transformateur électrique (Gaulard) ; 1885, vaccin antirabique de
Pasteur ; 1887, découverte des ondes
électromagnétiques (Herz) ; 1889,
découverte de l'hématologie (Hayem) ;
1890, invention du pneumatique (Dunlop) ; 1874, Stanley explore l'Afrique,
1975, Savorgnan de Brazza explore le Congo, Alexander von Humboldt (1769-1859)
explore l'Amérique tropicale et l'Asie centrale.
L'ÉVOLUTION DES
ESPRITS, DE LA SOCIÉTÉ ET DES ARTS
L'hégélianisme :
Sécularisation de la théologie protestante : Johann Gottlieb Fichte (1762-1814) Théorie de la science 1801-1804, nationalisme du Discours à la nation allemande (1807) ; Luther, Commentaire de Romains) d'où Hegel (1770-1831)
le devenir remplace l'être puis Kierkegaard , l'existence remplace le devenir.
Friedrich Hegel (1770-1831, est contemporain de Schelling (qui aboutit à un
panthéisme), de Schiller (grande figure du romantisme avec Goethe), de
Schleiermacher (qui reste théologien). Hegel (1770-1831) : Phénoménologie de l'Esprit (Geist,
1807), la phénoménologie remplace les conditions de possibilité kantiennes,
il formule la dialectique de la thèse, l'antithèse, la synthèse, et débouche
sur une philosophie de l'histoire (l'Histoire possède une Logique propre
qu'elle développe à travers ses époques successives).
Hégéliens de droite (et de gauche).
Hégéliens de droite (la sainte famille des Bauer, Marheinecke, le professeur de
dogmatique de Kierkegaard) et de gauche : Ludwig Feuerbach (1804-1872) (théoricien de l'aliénation religieuse :
après avoir placé le meilleur de nous-mêmes en Dieu, il ne nous reste plus qu'à
nous confesser pécheurs) ; Marx-Engels (dénonciation de l'aliénation sociale
puis, avec le Capital, théorie d'un socialisme scientifique, la dialectique historique va vers le
Socialisme)
Sören Kierkegaard (1813-1855) un autre théologien qui ne deviendra pas
pasteur, mais héros de la vie
évangélique), en réaction contre l'hégélianisme, il remplace le devenir par
l'existence, l'absurde de l'existence ; la dialectique hégélienne, par les
trois stades de l'existence ; l'affirmation que la vérité, c'est la
subjectivité, il fustige par ailleurs l'Église établie. de son pays, le
Danemark.
NB : Pascal contre le Dieu des
philosophes (cartésianisme) ; Rousseau contre le déisme, Kierkegaard contre l'hégélianisme
; Barth contre l'Église embourgeoisée, contre la théologie libérale, contre le
nazisme.
Le
socialisme
: Déjà, en 1762, Jean-Jacques Rousseau donnait la définition d'un socialisme
collectiviste : "Une forme d'association qui défende et protège de toute
la force commune la personne et les biens de chaque associé et par laquelle, chacun s'unissant à tous,
n'obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi libre qu'auparavant" […] "L'aliénation de chaque associé avec
tous ses droits à toute la communauté, car, premièrement, chacun se donnant
tout entier, la condition est égale pour tous, nul n'a intérêt à la -rendre
onéreuse aux autres" (Contrat social, livre 2, chapitre 1, 6).
Au 18ème siècle, Adam Smith avait mené
une réflexion économique, il sera suivi par
la doctrine imparable de l'utilitarisme de Bentham (1748-1832) continué
par James Mill (1773-1836). C'est également de cette époque que datent ceux,
qu'à juste titre, Karl Marx appellera des socialistes
"utopistes" : Charles Fourier (1772-1837) ; Robert Qwen (1771-1858)
; Étienne Cabet (1788-1856) ; Pierre Joseph Proudhon (1809-1865).
Mais les premiers à se révolter sont les
anarchistes : communards de la
Commune de Paris (1871) ; théoriciens tel Kropotkine (1842-1921); terroristes
individuels comme Ravachol (1859-1892) ou Caserio (1873-1894). C'est Lénine,
avec les bolcheviques, au 20ème siècle, qui se fixera comme but d'anéantir les anarchistes
et les socialistes (dits : "sociaux-traîtres").
Karl
Marx (1818-1883), lui-même, passera par trois étapes au moins : l'idéalisme
de sa jeunesse ; la lutte pour l'abolition de l'aliénation sociale ; le
socialisme scientifique basé sur les relations entre capital et travail ; la
propriété des moyens de production ; une logique de l'histoire qui implique le
passage obligé, mais, en théorie, provisoire, par une dictature du prolétariat.
Au 20ème siècle, nous en connaîtrons diverses réinterprétations : le
bolchevisme, le trotskisme, le maoïsme, le gauchisme, le réformisme althussérien.
Le matérialisme, puis le nietzschéisme,
vont être les vecteurs de l'athéisme en occident.
Le romantisme : réaction du sentiment
contre la Science. Point de départ : l'Angleterre et l'Allemagne, en France :
Rousseau, Alphonse de Lamartine, Victor Hugo, Alfred de Vigny, Alfred de
Musset.
1796-1799, Schiller Wallenstein ;1796-1831,
Goethe, Les Années d'apprentissage et de
Voyage de Wilhelm Meister ; # 1797, Novalis, Hymnes à la Nuit ; 1799,
Beethoven : La Pathétique ; 1800, Mme
de Staël : De la Littérature ; 1800,
Haydn : Les Saison ; 1802,
Chateaubriand : Le Génie du christianisme
; 1807, Hegel, Phénoménologie de
l'Esprit ; 1808, Fichte :Discours à
la Nation allemande ; 1812, Hegel, Science
de la Logique ; 1818, Schopenhauer, Le
Monde, comme volonté et comme représentation ; 1820, Lamartine, Méditations poétiques ; 1822, Schubert, La Symphonie inachevée ; 1823, Stendhal
: Armance ; 1824-1826, Vigny : Poèmes antiques et modernes, Cinq-Mars ;
1830, Balzac, Gobseck ; 1830-1842,
Comte, Cours de philosophie positive ;
Jules Vernes (1828-1905)
Les
Arts :
1800, Ingres, Torse d'homme ; David, Mme.
Récamier ; Goya, La Famille du roi Charles 4 d'Espagne ; 1804,
Ingres, Portrait de Napoléon ; 1806,
Jean-François Chalgrin, L'Arc de Triomphe
de Paris ; 1807, Turner, La Tamise vue de
Walton Bridge ; 1809, Constable, Malvern
Hall ; 1812, Géricault, L'Officier de
chasseur ; 1814-1815, Exécution des
Rebelles à Madrid ; 1822, Delacroix, Dante et Virgile aux Enfers ; 1824,
Delacroix, Massacre de Scio ; 1827,
Corot, Pont de Narni ; 1832-1836, Rude, Départ des Volontaires (Arc de Triomphe) ; Chassériau, Portrait du Père Lacordaire ; 1848,
formation du groupe des Préraphaélites
; 1849, Courbet, L'Enterrement d'Ornans
; 1857, Millet, Les Glaneuses ; 1862-1874,
Garnier, Opéra de Paris ; 1863,
Manet, Le Déjeuner sur l'herbe ;
1866, Monet, Femmes au jardin ; 1867,
Cézanne, La Montagne Sainte-Victoire
; 1867, Bazille, Réunion de famille ; 1874, Première exposition des Impressionnistes à Paris ; 1874 début de
la construction du Sacré -Cœur à
Paris ; 1876, Renoir, Le Moulin de la
Galette ; 1879, Degas, Danseuse au
repos ; 1883, Sisley, Une rue à
Louveciennes ; 1884, Seurat, La
Grande Jatte ; 1885, Van Gogh, Les
Mangeuses de pommes de terre ; 1887-1889, construction de la Tour Eiffel à Paris ; 1888 James Ensor, L'Entrée du Christ à Bruxelles en 1886 ;
1886-1898, les deux sculptures intitulées Le
Baiser ; 1889, Les Nabis, La Revue Blanche ; 1891,
Toulouse-Lautrec, La Goulue.
L'Histoire : Edward Gibbon
: Histoire de la décadence et de la chute
de l'empire romain, 1776-1788 ; Jules Michelet, Histoire de France (1833-1846, reprise en 1855-1867) ; Augustin
Thierry, Récits des temps mérovingiens
(1835-1840) ; Friedrich Dahlmann (1785-1860), Johann Gustav Droysen (1808-1884).
Le
pangermanisme (Richard Wagner, 1813-1883) , le panslavisme (N.I. Danilevski, 1822-1885).
Les
doctrines de perfectionnement de l'Homme : le Goetheanum, le sport, l'eugénisme
(le racisme) ;
Friedrich Nietzsche (1804-1900), la fin de la culture universitaire
occidentale (La Naissance de la tragédie 1872; ‟La philosophie à coups
de marteau”, Le Gai savoir,1882), le
dépassement du nihilisme (l'éternel retour du même), le dépassement de soi au
mépris des autres, l'avènement du Sur-Homme, d'une Sur-Humanité (Ainsi parla Zarathoustra, 1883).
Charles Darwin (De l'Origine des
espèces, 1859) : l'être humain est un animal comme un autre, l'Homme est
remis à sa place
Alexis de Tocqueville
découvre la démocratie américaine De la démocratie
en Amérique 1835-1840.
Henri Dunant, suite au spectacle des blessés et des mourants sur le champ
de bataille de Solferino (24 juin 1859, Italie) et réentendant l'appel de la
parabole du Samaritain de Luc 10,
promeut la Convention de Genève de 1864 qui est à l'origine de la Croix-Rouge
1872, création du Parc de Yellowstone
1873, la Nouvelle-Zélande donne le droit de vote aux femmes
Jacques Gruber
JUIN 2017
.
LES
ÉGLISES ET LA MODERNITÉ
le 19ème siècle
La question se
pose de savoir si L'Église est une "société ouverte" ou une "société fermée" (selon les
expressions de Henri Bergson) ?
LE
CATHOLICISME
Sous le 1er Empire (Concordat), la
Restauration, le Second Empire, le catholicisme retrouve sa position de
religion d'État en France, comme dans la plupart des pays d'Europe. La deuxième
République a une trop courte existence pour que le problème se pose, mais il va
revenir avec la Commune de Paris et la Troisième République (puis au 20ème
siècle, avec la Loi de séparation de l'Église et de l'État).
Les
Grandes voix
:
De grandes voix se sont élevées dans le
catholicisme du 19ème siècle. En 1802, Chateaubriand
(René de, 1768-1848) avec Le Génie du christianisme
est réputé avoir rouvert les portes des
églises après la tourmente révolutionnaire.
La
Mennais
(Félicité de, 1782-1854), adversaire des gallicans, il n'en rompt pas moins
avec Rome en 1834 et publie, la même année, ses Paroles d'un croyant, témoignage d'une mystique libre.
Lacordaire
(Henri,1802-1867)
ne suit pas son maître (La Mennais) après sa rupture avec Rome, élu député en
1848, il milite pour la démocratie chrétienne à l'aide de son journal L'Ère Nouvelle. Déçu par l'activisme
politique, il se fait dominicain et se consacre au rétablissement de l'Ordre
des dominicains en France.
John
Newman
(1801-1890 est un théologien catholique d'avenir. Prêtre anglican, membre du
Mouvement d'Oxford qui, à l'époque, dialogue avec les membres de l'Église
catholique, il se convertit (come on dit) au catholicisme. Devenu prêtre, puis
évêque, il sera nommé cardinal dans les dernières années de sa vie. Critiquant
le Sola Scriptura de la Réformation,
il met en avant ce qu'il appelle les ‟lacunes de l'Écriture”, en ce qui
concerne la conception que l'Église a d'elle-même. Ces lacunes sont comblées,
au cours de l'histoire, par une ‟Tradition prophétique” qu'il situe à côté de la ‟Tradition
épiscopale”. Ainsi va naître, dans le catholicisme, la conception de la
Tradition qui, sans évoluer, sans changer d'identité, se complète. Sans John
Newman, l'aggiornarmento de Jean 23 convoquant le concile de Vatican 2, n'aurait pas été possible.
Certains romantiques, comme Victor Hugo, développent un
sentimentalisme religieux (La légende des
siècles, 1883, son théâtre) alors que d'autres, plus jeunes, élèvent des
critiques (quasi nietzschéennes) à l'égard du christianisme (Gérard de Nerval,
‟Le Christ au jardin des Oliviers”, sonnet des Chimères, 1854).
Des
Crises
En France, la Constitution civile du clergé, imposée par la Révolution,
fonctionnarisait les membres des clergés, l'État les paye en retour d'un
serment de loyauté envers lui. Acceptable pour les protestants* et,
semble-t-il aussi par les Juifs, ce serment est inadmissible pour le Saint
Siège et pour beaucoup de catholiques. D'où, dans l'Église de France, un
conflit entre "prêtres jureurs"
et "prêtres réfractaires".
*Suivant Rm 13, 1-7 (écrit dans le
contexte de la Pax romana -la
"Paix romaine"- ), les protestants considèrent comme légitime la
loyauté envers le Pouvoir qui a une fonction d'ordre et de paix (la résistance
à ce Pouvoir est aussi impérative dès lors qu'il professe une idéologie
totalitaire quelle qu'elle soit. Voir Église confessante allemande).
C'est en France aussi qu'éclate la crise du Sillon, nom donné en 1894,
par Marc Sangnier (1873-1950), au mouvement et au journal qui répandaient les
idées sociales du corporatisme et les conceptions politiques qui donneront
naissance à la démocratie chrétienne. Le Sillon
sera désavoué par le pape Pie 10, pourtant la démocratie chrétienne prendra
racine en Europe.
La
crise du Modernisme
touche aussi la France catholique, mais n'épargne pas le catholicisme d'autres
pays européens. Elle concerne les exégètes catholiques qui adopteront l'exégèse
historico-critique. Bien que condamné par le pape Pie 10 (1835-1914), le modernisme
s'étendra jusqu'au début du 20ème siècle.
Crise
entre Église gallicane et ultramontains. Depuis Philippe le Bel et jusqu'à
Louis 14, le Gallicanisme est favorisé
par les souverains français, Bossuet en sera un champion avec sa Déclaration des Quatre articles, 1682,
véritable Charte du gallicanisme. Suite à la Révolution française, au concordat
napoléonien, puis à la Loi de Séparation de l'Église et de l'État (1906), les
ultramontains l'emporteront en France.
Le
schisme de l' "Église catholique chrétienne" ou "Vieux catholiques", c'est ainsi que prendra nom le schisme
qui suivra la proclamation du dogme de l'infaillibilité pontificale par Pie 10,
lors du concile de Vatican 1, en 1871. Ce schisme, mené par le prêtre (et
historien) Johann von Döllinger (1799-1890), excommunié en 1871, est surtout
répandu dans les pays alémaniques, il n'est toujours pas résorbé aujourd'hui.
De
nouveaux dogmes
La piété mariale s'est répandue très tôt
dans les communautés chrétiennes du Proche Orient. Au concile d'Éphèse (431),
Marie est proclamée "Mère de Dieu" (theotokos), dès lors, la piété donne place à un culte de Marie tant
dans les églises orthodoxes que catholique..
Le 19ème siècle est le siècle des
apparitions de la Vierge Marie (une"apparition" se distingue
d'une" vision" en cela que la Vierge y parle et donne un message) :
Rome, 1842 ; La Salette, 1846 ; Lourdes
1858 ; Champion États-Unis, 1859 ; Pontmain, 1871 ; Gielzrwald (Pologne), 1877
; Knock (Irlande) 1879 : soit 7 sur 15.
Du côté catholique, le pape Pie 9
proclame l'"Immaculée conception"
de Marie (1854). Marie est née sans que ses parents (Anne et Joaquim) aient
eu des relations sexuelles, considérées comme pécheresses*.
* En 1950, le pape Pie 12, proclamera l'
"Assomption de Marie" (Marie n'est pas morte, elle s'est endormie et a été élevée, dans ces conditions jusques aux cieux [la "Dormition"
orthodoxe n'est pas un dogme].
L'Immaculée
Conception est une manière de désigner la Vierge Marie « sans tache » (latin : macula), c'est-à-dire sans péché, et également une fête de l'Église catholique, à l'occasion de laquelle ce mystère est célébré. Cette désignation renvoie à
l'un des dogmes
catholiques, la
conception immaculée de Marie, qui précise que Marie, depuis sa conception dans
le sein de sa mère, n'a pas été entachée par le péché originel.
La
formulation « Immaculée Conception » ne concerne que la conception de
Marie elle-même, et non pas celle de Jésus-Christ. D'autre part, ce qu'affirme le dogme est que, contrairement au
reste de l'humanité, Marie n'a jamais eu besoin de purification ou de
conversion.
La
proclamation de ce dogme par le pape Pie IX en 1854 est le fruit d'une lente évolution dans l’Église catholique.
La fête de la Conception de la Vierge est célébrée en Orient au VIIIe siècle, elle arrive en Occident autour du Xe siècle et se répand progressivement en Europe.
Un débat théologique s'établit entre des théologiens de différents ordres. Les
uns et les autres s'appuient sur les Pères de l’Église qui dès les premiers siècles avaient
évoqué cette croyance. Le débat se développe à partir du XIVe siècle et s'étend jusqu'au XVIIIe siècle avec des prises de position de plus en
plus répétées des papes, qui tout en encourageant les fidèles à célébrer la
fête de l'Immaculée Conception se refusent toujours à en prononcer le dogme.
Pie IX, après avoir consulté l'ensemble des évêques catholiques (qui marquent
leur agrément à une très large majorité) ainsi que des commissions de
théologiens, définit ce dogme de manière solennelle le 8
décembre 1854,
par la bulle Ineffabilis
Deus.
Si
l'Église orthodoxe célèbre la fête de la Conception de
Marie et nomme Marie « l'Immaculée »,
elle ne reconnaît cependant pas ce dogme de l'Immaculée Conception, de même que
les protestants ou les autres Églises chrétiennes. Note
de Michel Dulon
1869-1870, le 1er concile du Vatican
proclamera, malgré des oppositions ouvertes, le dogme de l'"Infaillibilité pontificale". Cela signifie que le pape
est infaillible lors des plus solennelles occasions où il lui est donné de
définir un aspect essentiel de la foi catholique.
L'unité italienne s'achève en 1870 par
l'annexion de Rome. Le pape perd ses États et se considère comme prisonnier
dans le Vatican. Le catholicisme se replie sur lui-même, jusqu'aux
"Accords de Latran" signés avec Mussolini en 1929 qui font de la Cité
du Vatican à Rome un État reconnu*.
*Le concile de Vatican 2 (1962-1965, sous
les pontificats de Jean 23, puis de Paul 6) sera le concile de l'ouverture (aux
Juifs, aux protestants, aux monophysites ou Nestoriens, aux laïcs, aux femmes)
mais les deux pontificats suivants seront tenus par des papes qui faisaient
partie des opposants au cours de ce concile (Karol Wojtila -Jean-Paul 2- puis
Joseph Ratzinger -Benoît 16-).
LES PROTESTANTS
Quand ils ne sont pas discriminés ou
persécutés, les protestants adhèrent au Progrès. Tentent de se mettre à la hauteur de la
modernité sans trahir les grandes intentions de la Réformation.
Les protestants français ont retrouvé
leur état civil avec la Révolution, mais, suite aux Articles organiques, signés
en 1802 par Napoléon Bonaparte, 1er Consul, ils demeurent privés de leurs
synodes jusqu'à la Troisième République.
Une
pensée théologique libérée
Le protestantisme est
touché par la crise du modernisme à sa façon, avec une rivalité (pas -encore-
une scission) entre deux courants : les conservateurs (Piétistes, Orthodoxes,
Évangéliques, Attestants) ou les Libéraux de divers types.
Avec la fin des guerres de religion,
c'est la fin des scolastiques (luthérienne ou calviniste), les théologiens se
libèrent des idéologies de combat du 16ème-17ème siècle. La pensée théologique
protestante occidentale redevient une pensée libre qui veut prendre une
attitude positive vis- à-vis des Lumières et de la modernité. D'où une
théologie qui tend à être éthique, anthropologie religieuse, philosophie ou
histoire de la religion, théologie de la religion, voire sagesse teintée de
monothéisme ou d'exégèse biblique. Suite à la critique des Écritures, on va
avoir une critique de la théologie vue depuis divers points de vue
(anthropologie, psychologie, histoire, philosophies), une critique de la
religion, une critique de l'Église.
Les positions se sont établies dès le
18ème siècle, qu'il s'agisse de rationalistes et supranaturalistes, de
latitudinaristes anglais ou de néologues allemands face à des piétistes, d'orthodoxes
contre libéraux, aujourd'hui d'attestants et de libéraux. D'une part, des
Églises fidèles à une idéologie fondamentaliste biblique identitaire. qui
peut engendrer le sectarisme. De l'autre, des Églises qui se veulent ouvertes à
la modernité, dont la théologie peut aboutir au n'importe quoi.
Outre quoi, deux réactions, l'une,
existentielle, avec Kierkegaard (au 19ème s.), l'autre avec la théologie
dialectique de Karl Barth (1886-1968, au 20ème siècle).
Les deux courants, attestants et
libéraux, héritiers du 19ème siècle, se retrouvent dans les mêmes paroisses,
les mêmes cultes, autour de la même cène, dans les mêmes synodes où chacun est
tenu de voter selon sa propre conviction au moment du vote (pas de lobbying).
Entre ces deux courants, n'appartenant spécialement à aucun des deux, il y a
ceux que j'appellerai les "protestants sans parti-pris".
Pour comprendre, il faut partir de
Rousseau et de Kant, plutôt que de Hegel (1770-1831) et bien qu'il y ait aussi
eu des théologiens protestants hégéliens, tels Christian Baur (1792-1860) dont
Schleiermacher se séparera ou Philipp Marheinecke (1780-1846), le professeur
de Sören Kierkegaard (1813-1855).
Jean-Jacques Rousseau (1712-1778): à côté de la raison, le sentiment réclame
ses droits ; il n'y a plus de péché originel, l'homme est naturellement bon, la
conscience est un instinct divin, par ses propres moyens, l'être humain peut
atteindre, ici-bas, à la vertu.
Immanuel Kant (1724-1804) : la Raison n'a rien à voir avec la Révélation,
mais peut concerner la Religion (La religion dans la limite de la simple raison,
1793). L'Épitaphe choisie pour
lui-même résume ses positions : ‟Le ciel
au-dessus de ma tête, l''impératif moral gravé au fond de mon cœur”; c'est à
dire : a) quelle que soit notre façon de scruter l'univers, nous ne trouvons
nulle par la raison première ou dernière de son existence (pourquoi un univers
et pourquoi pas), de sorte que la preuve de l'existence de Dieu par la
contingence du monde (preuve a contingentia
mundi) est à juste titre la plus
populaire ; b) nous avons une connaissance innée du bien et du mal en vue de
faire le bien : l'impératif moral. Il en sortira une éthique du Devoir (die Pflicht, du sollste : tu dois, ‟Wer will, der kann” : celui qui veut,
peut, de la liberté responsable), qui va profondément marquer l'éducation
prussienne et, au-delà, allemande.
À Halle, Christian Wolff (1679-1754) et August Francke
(1663-1727) : philosophe de la religion contre la foi piétiste de tendance
repristinatienne*.
* Projet de reproduire dans l'Église le
temps biblique -particulièrement celui du Livre des Actes-, c'est à dire des
époques de l'histoire du salut où il n'y avait pas d'Écritures
néotestamentaires et où le Saint Esprit guidait directement les croyants.
Schleiermacher (Friedrich,
1768-1834), fils d'un aumônier militaire réformé, élevé chez les frères
moraves, artisan de l'union entre luthériens et réformés allemands, il montre
la voie d'une réflexion théologique personnelle dans ses Discours sur la religion à ceux de ses détracteurs qui sont des personnes cultivées (1799), les théologiens y sont comparés à des
"virtuoses" en leur domaine. Dans sa Christliche Glaubenslehre (Doctrine
de la foi chrétienne, 1821), à partir du ‟sentiment de dépendance absolue”,
qui est le sentiment religieux universel, il décrit le sentiment (non la
sensation) que la communauté chrétienne évangélique a d'elle-même*. Il ne
laisse pas de côté les définitions patristiques, mais La Trinité, par exemple,
se trouve traitée en une demi page tout à la fin des deux volumes de la Christliche Glaubenslehre.
* Hegel, Schleiermacher et Schelling sont
des camarades d'études. Dans sa Phénoménologie
de l'Esprit (1807), Hegel décrit la
conscience dans son devenir universel (ce qu'il appelle l'Esprit) dans un temps circulaire. Dans sa Glaubenslehre (1821), Schleiermacher
décrit le sentiment personnel et communautaire
chrétien dans une perspective de temps ouvert. La dernière pensée de Schelling mêle philosophie, sagesse et religion
dans un panthéisme (Philosophie de la
mythologie, 1842) .
Hegel adopte le temps ouvert dans ses
derniers cours sur La philosophie de
l'Histoire qui porte sa fin en elle. Entre les deux, il y a la démarche
dialectique (thèse, antithèse, synthèse) qui vaut pour tous les temps.
Schleiermacher dépasse la théologie, il
est le créateur de l'herméneutique moderne (dont Paul Ricoeur (1913-2005) est
le dernier représentant - pour une part de son œuvre seulement -) .
Après lui, avec Aloïs Biedermann (1819-1885), va naître le
courant libéral proprement dit, démarche essentiellement critique. la
théologie devient une "histoire et philosophie de la religion" (La théologie libre, philosophie et
christianisme en combat et en paix, 1844), En France, création d' Évangile et Liberté en 1886. La démythologisation
appartient au 20ème siècle.
Parallèlement, l'Institut biblique de Stuttgart, fondé en 1812, poursuit son travail
d'établissement des textes hébreu pour le Premier Testament, grec pour le
Nouveau, texte que nous utilisons toujours aujourd'hui. Biblia Hebraica, Stuttgartensia, Novum Testamentum Graece .
Pour donner une idée de la richesse de
la production théologique des facultés de théologie protestantes au 19ème
siècle, je cite ici quelques noms entre de nombreux autres.
Albrecht Ritschl (1822-1889) : pour donner une idée, je dirai que, pour
Ritschl, la foi chrétienne fidèle au principe scripturaire (exégèse
historico-critique de la Bible) est fondée sur des faits historiques et par
ailleurs, en ce qui concerne la foi (justification, réconciliation), ne répond
pas à des jugements de fait, mais à des jugements de valeur (qu'il définit
comme non concomitants, mais indépendants)*. La doctrine chrétienne de la justification et de la réconciliation,
1870-1874.
*Exemple évangélique de jugement de
valeur, pour la justification comme pour la réconciliation : ‟Ne valez-vous pas
beaucoup plus que les oiseaux du ciel ?” (Matthieu 6,26), ‟Vous valez plus que
beaucoup de moineaux” (Matthieu 10,31). Les
premiers philosophes des valeurs (axiologie), Wilhelm Windelband (1848-1915),
Heinrich Rickert (1863-1936), sont postérieurs
à Ritschl.
L'École
de Paris
: Auguste Sabatier (1858-1928)
critique les symboles qui constituent le langage religieux (dont celui de la
Bible), Eugène Ménégoz développe
l'idée de la foi comme confiance donnée à la personne de Jésus indépendamment
de toute espèce de croyances. Ensemble, ils définissent ce que l'on appellera le symbolo-fidéisme.
Richard Rothe (1799-1867) (son Éthique,
1845-1848)) il n'est pas exclu de penser que le royaume de Dieu (terrestre)
sortira, un jour, du progrès.
Ernst Troeltsch (1865-1923) : son point de départ est l'existence d'un
"apriori religieux", autrement dit, que la religion est un phénomène
universel, ensuite, il préconise de rechercher des compromis entre Raison et
Révélation pour le double profit du christianisme et de la société.
.
LE CHRISTIANISME
PRATIQUE
On n'est pas sauvé si on a une bonne
doctrine (orthodoxie), le salut s'adresse à la personne en son entier.
Souvenons-nous qu'il n'y a pas de
Sécurité Sociale avant la moitié du 20ème siècle.
William Booth (1829-1912) et son épouse Catherine (1829-1890) : l'Armée du Salut dont le slogan est :
‟Soupe, Savon, Salut” : car on
n'annoncera l'Évangile qu'après avoir permis aux gens de se nourrir et de se
laver. Mouvement qui s'adresse à tous
les démunis engendrés par les villes industrelles. Réhabilitation aux yeux
d'eux-mêmes et évangélisation sont les buts fixés. Née en Angleterre, l'Armée
du Salut essaimera à travers le monde entier. Ce n'est pas une Église (on n'y
célèbre pas de sacrements), c'est un mouvement en relation avec les Églises
(L'Armée du Salut est membre de la Fédération protestante de France).. On y
trouve, bien avant ces dernières, une égalité entre homme et femme : les femmes
peuvent devenir soldates, officières, générales. À Paris, l'Armée du Salut
bâtit un immeuble intitulé "Palais de la femme", car ce sont toujours
elles qui sont les premières victimes. Il ne s'agit pas de faire du
recrutement, on entre à l'Armée du Salut par vocation. l'Armée du Salut adresse celles et ceux qu'elle
a pu aider à se relever et qui manifestent le besoin d'une communauté
chrétienne, vers la paroisse catholique
ou protestant la plus proche.
Diaconesses : communauté
caritative féminine protestante : en 1836, Theodor Fliedner fonde une première
maison près de Hambourg ; en 1841, Caroline Malvesin et Antoine Vermeil,
fondent l'Hôpital de Reuilly (Paris).
Henri Dunant (1828-1910) : la
Croix Rouge, au point de départ, il y a le spectacle atroce des agonisants
et des blessés abandonnés sur le champ de bataille de Solferino (victoire de
Napoléon 3, en 1859). Poussé par sa foi (en particulier par la parabole du
Samaritain de Luc 10), il obtient, en 1863, le vote de la Convention
internationale de Genève qui fixe les devoirs de secours aux blessés de guerre.
Ce sera le germe de la Croix Rouge internationale (1864). La Croix veut
rappeler le symbole de la croix blanche sur le drapeau Suisse, elle peut aussi
renvoyer à l'Évangile.
La
Mission populaire du
pasteur anglais Robert McAll (francisé en MacAll)
se veut, au départ, en 1872, une évangélisation du peuple de Paris, après la
Commune. Aujourd'hui, mouvement d'évangélisation des quartiers populaires.
Les racines du Christianisme social, dans sa conception protestante (qui ne veut pas offrir une alternative
qui entre en concurrence avec les idéaux sociaux de la République), se trouvent
au 19ème siècle (prédication de Tommy
Fallot (1844-1904) en 1878 à la Chapelle Taitbout de Paris).
L'Arbre
de Noël
: dans le Nord de l'Europe, la coutume est de décorer et d'illuminer un épicéa
pour marquer le solstice d'hiver. Cet arbre de lumière est associé à la
Nativité. Longtemps, cet us, associant l'Arbre à la Crèche, au domicile et au
temple, a été propre aux seuls protestants, en France, il permettait de se
distinguer des catholiques. Peu à peu, la fête de Noël autour de l'Arbre et de
la Crèche, au temple, deviendra l'une des plus suivies par les familles et
quasi rituelle. Par la suite, l'Arbre de Noël se popularisera, perdant tout
sens christianisé.
Jacques
Gruber
Pour
le mois prochain, les Églises au 20ème siècle.
MAI 2017
MODERNITÉ : 1er 19ème s.
Tout par l'Homme
et pour l'Homme
Une foi partagée
dans le Progrès
ÉVÉNEMENTS
progrès
matériels et révolutions sociales
de la Révolution
française à la guerre de 70.
Révolutions (1789 les
Droits de l'Homme et du citoyen), 1802-1815 : Consulat, Napoléon, 1er Empire.
Napoléon
1er
(1769-1821) : épopée, à partir du coup d'État du 18 Brumaire 1802, la
légitimité donnée par les victoires ; La
Révolution française abolit l'esclavage en 1794, Napoléon le rétablit en 1802.
Le Congrès de Vienne 1814-1815 : réorganisation de l'Europe après Napoléon, les
Pays-Bas reconnus comme nation à part entière.
Restauration , 1815-1830,
1830, fin de la monarchie des Bourbons, ; 1848 révolutions sociales
européennes, (Manifeste du Communisme, Marx-Engels), 2ème République
1848-1852 ; Napoléon 3, Second Empire 1852-1870 (la Commune de Paris);
Révolutions
industrielles de
la vapeur (1822, premières ligne de chemin de fer, en Angleterre, en France :
1833) de l'électricité, du moteur à explosion, de l'énergie de l'atome et
aujourd'hui du numérique. Époque d'inventeurs, d'entrepreneurs industriels de
grandes concentration de capital produisant beaucoup d'intérêt au profit de
quelques familles qui font rapidement de grandes fortunes (Les Schneider au
Creusot) Le machinisme au service de l'industrialisation, engendre des
prolétariats.
En Angleterre, c'est le siècle de Victoria (1837-1901) dont la
morale bourgeoise est adoptée par les bourgeoisies européennes.
L'Angleterre émancipe ses esclaves en
1833. Victor Schœlcher en 1848, obtient l'abolition de l'esclavage dans les
colonies françaises, abolition en Russie (1858), aux États-Unis en 1865, au
Brésil en 1888.
Suivant l'exemple de son oncle, Napoléon 3, prend le pouvoir par un
coup d'État et cherche à asseoir la légitimité de son pouvoir par des victoires
: guerre de Crimée, guerre du Mexique, mais il perdra la guerre contre la
Prusse, défaite de 1870. Bismarck proclame l'Empire allemand, en 1871, dans la
Galerie des glaces du château de Versailles.
De 1831 à 1870, les italiens, par une
suite de mouvements de libération, obtiennent
l' Unité de l'Italie (royauté
de Victor-Emmanuel 2). Le pape Pie 9
(règne de 1846 à 1878) perd ses États, réfugié à Gaète, il sera rétabli au
Vatican par une intervention militaire française. La papauté s'estime, dès
lors, prisonnière en Italie.
C'est un siècle d'inventeurs, de
découvertes, d'explorateurs.
1796 : Laplace : Exposition du Système du Monde ; 1800, Volta, la pile électrique ; 1801, Gauss : Recherches
arithmétiques ; Bichat : Anatomie ; 1805, métier à tisser de Jacquard, 1806,
Argand, les nombres imaginaires ;
1812, Laplace, Théorie des probabilités
; 1812, Cuvier : Recherches sur des
ossements fossiles ; 1820, Ampère : lois de l'électromagnétique ; 1830,
machine à coudre de Thimonnier ; 1831, Gauss, théorie des nombres complexes ; 1832, Sauvage : invention de l'hélice pour
les bateaux à vapeur ; 1837, Morse : télégraphe électrique ; 1839, Daguerre et
Niepce : la photographie ; 1845-1858, Humboldt : Cosmos ou description physique du monde ; 1846, Le Verrier découvre
Neptune par le calcul ; 1848, Mill, Principes de l'Économie politique ; 1834, Sainte-Claire Deville isole l'aluminium
; 1855, synthèse de l'alcool par Berthelot
; 1836, synthèse de l'aniline par Perkin
; 1859, forage du premier puits de
pétrole par Drake ; 1862, synthèse de l'acétylène par Berthelot ; 1863, Beau de Rochas : moteur à
explosion à quatre temps ; 1864,
Maxwell, théorie de l'électromagnétisme
; 1864, première voiture à essence
de Delamare et Bouteville ; 1865,
Claude Bernard, Introduction à la
médecine expérimentale ; 1866, Alfred Nobel, invention de la dynamite ; 1869, Classification périodique des éléments
de Mendeleiev ; 1869, première
utilisation de la houille blanche ;
1875, découverte des chromosomes (Strassburger et Fleming) ; 1876, invention du téléphone (Bell) ; 1877 invention du
phonographe (Edison) ; 1884 invention
du stylographe (Waterman) ; 1884,
invention du transformateur électrique (Gaulard) ; 1885, vaccin antirabique de
Pasteur ; 1887, découverte des ondes
électromagnétiques (Herz) ; 1889,
découverte de l'hématologie (Hayem) ;
1890, invention du pneumatique (Dunlop) ; 1874, Stanley explore l'Afrique,
1975, Savorgnan de Brazza explore le Congo, Alexander von Humboldt (1769-1859)
explore l'Amérique tropicale et l'Asie centrale.
L'ÉVOLUTION DES
ESPRITS, DE LA SOCIÉTÉ ET DES ARTS
L'hégélianisme :
Sécularisation de la théologie protestante : Johann Gottlieb Fichte (1762-1814) Théorie de la science 1801-1804, nationalisme du Discours à la nation allemande (1807) ; Luther, Commentaire de Romains) d'où Hegel (1770-1831)
le devenir remplace l'être puis Kierkegaard , l'existence remplace le devenir.
Friedrich Hegel (1770-1831, est contemporain de Schelling (qui aboutit à un
panthéisme), de Schiller (grande figure du romantisme avec Goethe), de
Schleiermacher (qui reste théologien). Hegel (1770-1831) : Phénoménologie de l'Esprit (Geist,
1807), la phénoménologie remplace les conditions de possibilité kantiennes,
il formule la dialectique de la thèse, l'antithèse, la synthèse, et débouche
sur une philosophie de l'histoire (l'Histoire possède une Logique propre
qu'elle développe à travers ses époques successives).
Hégéliens de droite (et de gauche).
Hégéliens de droite (la sainte famille des Bauer, Marheinecke, le professeur de
dogmatique de Kierkegaard) et de gauche : Ludwig Feuerbach (1804-1872) (théoricien de l'aliénation religieuse :
après avoir placé le meilleur de nous-mêmes en Dieu, il ne nous reste plus qu'à
nous confesser pécheurs) ; Marx-Engels (dénonciation de l'aliénation sociale
puis, avec le Capital, théorie d'un socialisme scientifique, la dialectique historique va vers le
Socialisme)
Sören Kierkegaard (1813-1855) un autre théologien qui ne deviendra pas
pasteur, mais héros de la vie
évangélique), en réaction contre l'hégélianisme, il remplace le devenir par
l'existence, l'absurde de l'existence ; la dialectique hégélienne, par les
trois stades de l'existence ; l'affirmation que la vérité, c'est la
subjectivité, il fustige par ailleurs l'Église établie. de son pays, le
Danemark.
NB : Pascal contre le Dieu des
philosophes (cartésianisme) ; Rousseau contre le déisme, Kierkegaard contre l'hégélianisme
; Barth contre l'Église embourgeoisée, contre la théologie libérale, contre le
nazisme.
Le
socialisme
: Déjà, en 1762, Jean-Jacques Rousseau donnait la définition d'un socialisme
collectiviste : "Une forme d'association qui défende et protège de toute
la force commune la personne et les biens de chaque associé et par laquelle, chacun s'unissant à tous,
n'obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi libre qu'auparavant" […] "L'aliénation de chaque associé avec
tous ses droits à toute la communauté, car, premièrement, chacun se donnant
tout entier, la condition est égale pour tous, nul n'a intérêt à la -rendre
onéreuse aux autres" (Contrat social, livre 2, chapitre 1, 6).
Au 18ème siècle, Adam Smith avait mené
une réflexion économique, il sera suivi par
la doctrine imparable de l'utilitarisme de Bentham (1748-1832) continué
par James Mill (1773-1836). C'est également de cette époque que datent ceux,
qu'à juste titre, Karl Marx appellera des socialistes
"utopistes" : Charles Fourier (1772-1837) ; Robert Qwen (1771-1858)
; Étienne Cabet (1788-1856) ; Pierre Joseph Proudhon (1809-1865).
Mais les premiers à se révolter sont les
anarchistes : communards de la
Commune de Paris (1871) ; théoriciens tel Kropotkine (1842-1921); terroristes
individuels comme Ravachol (1859-1892) ou Caserio (1873-1894). C'est Lénine,
avec les bolcheviques, au 20ème siècle, qui se fixera comme but d'anéantir les anarchistes
et les socialistes (dits : "sociaux-traîtres").
Karl
Marx (1818-1883), lui-même, passera par trois étapes au moins : l'idéalisme
de sa jeunesse ; la lutte pour l'abolition de l'aliénation sociale ; le
socialisme scientifique basé sur les relations entre capital et travail ; la
propriété des moyens de production ; une logique de l'histoire qui implique le
passage obligé, mais, en théorie, provisoire, par une dictature du prolétariat.
Au 20ème siècle, nous en connaîtrons diverses réinterprétations : le
bolchevisme, le trotskisme, le maoïsme, le gauchisme, le réformisme althussérien.
Le matérialisme, puis le nietzschéisme,
vont être les vecteurs de l'athéisme en occident.
Le romantisme : réaction du sentiment
contre la Science. Point de départ : l'Angleterre et l'Allemagne, en France :
Rousseau, Alphonse de Lamartine, Victor Hugo, Alfred de Vigny, Alfred de
Musset.
1796-1799, Schiller Wallenstein ;1796-1831,
Goethe, Les Années d'apprentissage et de
Voyage de Wilhelm Meister ; # 1797, Novalis, Hymnes à la Nuit ; 1799,
Beethoven : La Pathétique ; 1800, Mme
de Staël : De la Littérature ; 1800,
Haydn : Les Saison ; 1802,
Chateaubriand : Le Génie du christianisme
; 1807, Hegel, Phénoménologie de
l'Esprit ; 1808, Fichte :Discours à
la Nation allemande ; 1812, Hegel, Science
de la Logique ; 1818, Schopenhauer, Le
Monde, comme volonté et comme représentation ; 1820, Lamartine, Méditations poétiques ; 1822, Schubert, La Symphonie inachevée ; 1823, Stendhal
: Armance ; 1824-1826, Vigny : Poèmes antiques et modernes, Cinq-Mars ;
1830, Balzac, Gobseck ; 1830-1842,
Comte, Cours de philosophie positive ;
Jules Vernes (1828-1905)
Les
Arts :
1800, Ingres, Torse d'homme ; David, Mme.
Récamier ; Goya, La Famille du roi Charles 4 d'Espagne ; 1804,
Ingres, Portrait de Napoléon ; 1806,
Jean-François Chalgrin, L'Arc de Triomphe
de Paris ; 1807, Turner, La Tamise vue de
Walton Bridge ; 1809, Constable, Malvern
Hall ; 1812, Géricault, L'Officier de
chasseur ; 1814-1815, Exécution des
Rebelles à Madrid ; 1822, Delacroix, Dante et Virgile aux Enfers ; 1824,
Delacroix, Massacre de Scio ; 1827,
Corot, Pont de Narni ; 1832-1836, Rude, Départ des Volontaires (Arc de Triomphe) ; Chassériau, Portrait du Père Lacordaire ; 1848,
formation du groupe des Préraphaélites
; 1849, Courbet, L'Enterrement d'Ornans
; 1857, Millet, Les Glaneuses ; 1862-1874,
Garnier, Opéra de Paris ; 1863,
Manet, Le Déjeuner sur l'herbe ;
1866, Monet, Femmes au jardin ; 1867,
Cézanne, La Montagne Sainte-Victoire
; 1867, Bazille, Réunion de famille ; 1874, Première exposition des Impressionnistes à Paris ; 1874 début de
la construction du Sacré -Cœur à
Paris ; 1876, Renoir, Le Moulin de la
Galette ; 1879, Degas, Danseuse au
repos ; 1883, Sisley, Une rue à
Louveciennes ; 1884, Seurat, La
Grande Jatte ; 1885, Van Gogh, Les
Mangeuses de pommes de terre ; 1887-1889, construction de la Tour Eiffel à Paris ; 1888 James Ensor, L'Entrée du Christ à Bruxelles en 1886 ;
1886-1898, les deux sculptures intitulées Le
Baiser ; 1889, Les Nabis, La Revue Blanche ; 1891,
Toulouse-Lautrec, La Goulue.
L'Histoire : Edward Gibbon
: Histoire de la décadence et de la chute
de l'empire romain, 1776-1788 ; Jules Michelet, Histoire de France (1833-1846, reprise en 1855-1867) ; Augustin
Thierry, Récits des temps mérovingiens
(1835-1840) ; Friedrich Dahlmann (1785-1860), Johann Gustav Droysen (1808-1884).
Le
pangermanisme (Richard Wagner, 1813-1883) , le panslavisme (N.I. Danilevski, 1822-1885).
Les
doctrines de perfectionnement de l'Homme : le Goetheanum, le sport, l'eugénisme
(le racisme) ;
Friedrich Nietzsche (1804-1900), la fin de la culture universitaire
occidentale (La Naissance de la tragédie 1872; ‟La philosophie à coups
de marteau”, Le Gai savoir,1882), le
dépassement du nihilisme (l'éternel retour du même), le dépassement de soi au
mépris des autres, l'avènement du Sur-Homme, d'une Sur-Humanité (Ainsi parla Zarathoustra, 1883).
Charles Darwin (De l'Origine des
espèces, 1859) : l'être humain est un animal comme un autre, l'Homme est
remis à sa place
Alexis de Tocqueville
découvre la démocratie américaine De la démocratie
en Amérique 1835-1840.
Henri Dunant, suite au spectacle des blessés et des mourants sur le champ
de bataille de Solferino (24 juin 1859, Italie) et réentendant l'appel de la
parabole du Samaritain de Luc 10,
promeut la Convention de Genève de 1864 qui est à l'origine de la Croix-Rouge
1872, création du Parc de Yellowstone
1873, la Nouvelle-Zélande donne le droit de vote aux femmes
Jacques Gruber
JUIN 2017
.
LES
ÉGLISES ET LA MODERNITÉ
le 19ème siècle
La question se
pose de savoir si L'Église est une "société ouverte" ou une "société fermée" (selon les
expressions de Henri Bergson) ?
LE
CATHOLICISME
Sous le 1er Empire (Concordat), la
Restauration, le Second Empire, le catholicisme retrouve sa position de
religion d'État en France, comme dans la plupart des pays d'Europe. La deuxième
République a une trop courte existence pour que le problème se pose, mais il va
revenir avec la Commune de Paris et la Troisième République (puis au 20ème
siècle, avec la Loi de séparation de l'Église et de l'État).
Les
Grandes voix
:
De grandes voix se sont élevées dans le
catholicisme du 19ème siècle. En 1802, Chateaubriand
(René de, 1768-1848) avec Le Génie du christianisme
est réputé avoir rouvert les portes des
églises après la tourmente révolutionnaire.
La
Mennais
(Félicité de, 1782-1854), adversaire des gallicans, il n'en rompt pas moins
avec Rome en 1834 et publie, la même année, ses Paroles d'un croyant, témoignage d'une mystique libre.
Lacordaire
(Henri,1802-1867)
ne suit pas son maître (La Mennais) après sa rupture avec Rome, élu député en
1848, il milite pour la démocratie chrétienne à l'aide de son journal L'Ère Nouvelle. Déçu par l'activisme
politique, il se fait dominicain et se consacre au rétablissement de l'Ordre
des dominicains en France.
John
Newman
(1801-1890 est un théologien catholique d'avenir. Prêtre anglican, membre du
Mouvement d'Oxford qui, à l'époque, dialogue avec les membres de l'Église
catholique, il se convertit (come on dit) au catholicisme. Devenu prêtre, puis
évêque, il sera nommé cardinal dans les dernières années de sa vie. Critiquant
le Sola Scriptura de la Réformation,
il met en avant ce qu'il appelle les ‟lacunes de l'Écriture”, en ce qui
concerne la conception que l'Église a d'elle-même. Ces lacunes sont comblées,
au cours de l'histoire, par une ‟Tradition prophétique” qu'il situe à côté de la ‟Tradition
épiscopale”. Ainsi va naître, dans le catholicisme, la conception de la
Tradition qui, sans évoluer, sans changer d'identité, se complète. Sans John
Newman, l'aggiornarmento de Jean 23 convoquant le concile de Vatican 2, n'aurait pas été possible.
Certains romantiques, comme Victor Hugo, développent un
sentimentalisme religieux (La légende des
siècles, 1883, son théâtre) alors que d'autres, plus jeunes, élèvent des
critiques (quasi nietzschéennes) à l'égard du christianisme (Gérard de Nerval,
‟Le Christ au jardin des Oliviers”, sonnet des Chimères, 1854).
Des
Crises
En France, la Constitution civile du clergé, imposée par la Révolution,
fonctionnarisait les membres des clergés, l'État les paye en retour d'un
serment de loyauté envers lui. Acceptable pour les protestants* et,
semble-t-il aussi par les Juifs, ce serment est inadmissible pour le Saint
Siège et pour beaucoup de catholiques. D'où, dans l'Église de France, un
conflit entre "prêtres jureurs"
et "prêtres réfractaires".
*Suivant Rm 13, 1-7 (écrit dans le
contexte de la Pax romana -la
"Paix romaine"- ), les protestants considèrent comme légitime la
loyauté envers le Pouvoir qui a une fonction d'ordre et de paix (la résistance
à ce Pouvoir est aussi impérative dès lors qu'il professe une idéologie
totalitaire quelle qu'elle soit. Voir Église confessante allemande).
C'est en France aussi qu'éclate la crise du Sillon, nom donné en 1894,
par Marc Sangnier (1873-1950), au mouvement et au journal qui répandaient les
idées sociales du corporatisme et les conceptions politiques qui donneront
naissance à la démocratie chrétienne. Le Sillon
sera désavoué par le pape Pie 10, pourtant la démocratie chrétienne prendra
racine en Europe.
La
crise du Modernisme
touche aussi la France catholique, mais n'épargne pas le catholicisme d'autres
pays européens. Elle concerne les exégètes catholiques qui adopteront l'exégèse
historico-critique. Bien que condamné par le pape Pie 10 (1835-1914), le modernisme
s'étendra jusqu'au début du 20ème siècle.
Crise
entre Église gallicane et ultramontains. Depuis Philippe le Bel et jusqu'à
Louis 14, le Gallicanisme est favorisé
par les souverains français, Bossuet en sera un champion avec sa Déclaration des Quatre articles, 1682,
véritable Charte du gallicanisme. Suite à la Révolution française, au concordat
napoléonien, puis à la Loi de Séparation de l'Église et de l'État (1906), les
ultramontains l'emporteront en France.
Le
schisme de l' "Église catholique chrétienne" ou "Vieux catholiques", c'est ainsi que prendra nom le schisme
qui suivra la proclamation du dogme de l'infaillibilité pontificale par Pie 10,
lors du concile de Vatican 1, en 1871. Ce schisme, mené par le prêtre (et
historien) Johann von Döllinger (1799-1890), excommunié en 1871, est surtout
répandu dans les pays alémaniques, il n'est toujours pas résorbé aujourd'hui.
De
nouveaux dogmes
La piété mariale s'est répandue très tôt
dans les communautés chrétiennes du Proche Orient. Au concile d'Éphèse (431),
Marie est proclamée "Mère de Dieu" (theotokos), dès lors, la piété donne place à un culte de Marie tant
dans les églises orthodoxes que catholique..
Le 19ème siècle est le siècle des
apparitions de la Vierge Marie (une"apparition" se distingue
d'une" vision" en cela que la Vierge y parle et donne un message) :
Rome, 1842 ; La Salette, 1846 ; Lourdes
1858 ; Champion États-Unis, 1859 ; Pontmain, 1871 ; Gielzrwald (Pologne), 1877
; Knock (Irlande) 1879 : soit 7 sur 15.
Du côté catholique, le pape Pie 9
proclame l'"Immaculée conception"
de Marie (1854). Marie est née sans que ses parents (Anne et Joaquim) aient
eu des relations sexuelles, considérées comme pécheresses*.
* En 1950, le pape Pie 12, proclamera l'
"Assomption de Marie" (Marie n'est pas morte, elle s'est endormie et a été élevée, dans ces conditions jusques aux cieux [la "Dormition"
orthodoxe n'est pas un dogme].
L'Immaculée
Conception est une manière de désigner la Vierge Marie « sans tache » (latin : macula), c'est-à-dire sans péché, et également une fête de l'Église catholique, à l'occasion de laquelle ce mystère est célébré. Cette désignation renvoie à
l'un des dogmes
catholiques, la
conception immaculée de Marie, qui précise que Marie, depuis sa conception dans
le sein de sa mère, n'a pas été entachée par le péché originel.
La
formulation « Immaculée Conception » ne concerne que la conception de
Marie elle-même, et non pas celle de Jésus-Christ. D'autre part, ce qu'affirme le dogme est que, contrairement au
reste de l'humanité, Marie n'a jamais eu besoin de purification ou de
conversion.
La
proclamation de ce dogme par le pape Pie IX en 1854 est le fruit d'une lente évolution dans l’Église catholique.
La fête de la Conception de la Vierge est célébrée en Orient au VIIIe siècle, elle arrive en Occident autour du Xe siècle et se répand progressivement en Europe.
Un débat théologique s'établit entre des théologiens de différents ordres. Les
uns et les autres s'appuient sur les Pères de l’Église qui dès les premiers siècles avaient
évoqué cette croyance. Le débat se développe à partir du XIVe siècle et s'étend jusqu'au XVIIIe siècle avec des prises de position de plus en
plus répétées des papes, qui tout en encourageant les fidèles à célébrer la
fête de l'Immaculée Conception se refusent toujours à en prononcer le dogme.
Pie IX, après avoir consulté l'ensemble des évêques catholiques (qui marquent
leur agrément à une très large majorité) ainsi que des commissions de
théologiens, définit ce dogme de manière solennelle le 8
décembre 1854,
par la bulle Ineffabilis
Deus.
Si
l'Église orthodoxe célèbre la fête de la Conception de
Marie et nomme Marie « l'Immaculée »,
elle ne reconnaît cependant pas ce dogme de l'Immaculée Conception, de même que
les protestants ou les autres Églises chrétiennes. Note
de Michel Dulon
1869-1870, le 1er concile du Vatican
proclamera, malgré des oppositions ouvertes, le dogme de l'"Infaillibilité pontificale". Cela signifie que le pape
est infaillible lors des plus solennelles occasions où il lui est donné de
définir un aspect essentiel de la foi catholique.
L'unité italienne s'achève en 1870 par
l'annexion de Rome. Le pape perd ses États et se considère comme prisonnier
dans le Vatican. Le catholicisme se replie sur lui-même, jusqu'aux
"Accords de Latran" signés avec Mussolini en 1929 qui font de la Cité
du Vatican à Rome un État reconnu*.
*Le concile de Vatican 2 (1962-1965, sous
les pontificats de Jean 23, puis de Paul 6) sera le concile de l'ouverture (aux
Juifs, aux protestants, aux monophysites ou Nestoriens, aux laïcs, aux femmes)
mais les deux pontificats suivants seront tenus par des papes qui faisaient
partie des opposants au cours de ce concile (Karol Wojtila -Jean-Paul 2- puis
Joseph Ratzinger -Benoît 16-).
LES PROTESTANTS
Quand ils ne sont pas discriminés ou
persécutés, les protestants adhèrent au Progrès. Tentent de se mettre à la hauteur de la
modernité sans trahir les grandes intentions de la Réformation.
Les protestants français ont retrouvé
leur état civil avec la Révolution, mais, suite aux Articles organiques, signés
en 1802 par Napoléon Bonaparte, 1er Consul, ils demeurent privés de leurs
synodes jusqu'à la Troisième République.
Une
pensée théologique libérée
Le protestantisme est
touché par la crise du modernisme à sa façon, avec une rivalité (pas -encore-
une scission) entre deux courants : les conservateurs (Piétistes, Orthodoxes,
Évangéliques, Attestants) ou les Libéraux de divers types.
Avec la fin des guerres de religion,
c'est la fin des scolastiques (luthérienne ou calviniste), les théologiens se
libèrent des idéologies de combat du 16ème-17ème siècle. La pensée théologique
protestante occidentale redevient une pensée libre qui veut prendre une
attitude positive vis- à-vis des Lumières et de la modernité. D'où une
théologie qui tend à être éthique, anthropologie religieuse, philosophie ou
histoire de la religion, théologie de la religion, voire sagesse teintée de
monothéisme ou d'exégèse biblique. Suite à la critique des Écritures, on va
avoir une critique de la théologie vue depuis divers points de vue
(anthropologie, psychologie, histoire, philosophies), une critique de la
religion, une critique de l'Église.
Les positions se sont établies dès le
18ème siècle, qu'il s'agisse de rationalistes et supranaturalistes, de
latitudinaristes anglais ou de néologues allemands face à des piétistes, d'orthodoxes
contre libéraux, aujourd'hui d'attestants et de libéraux. D'une part, des
Églises fidèles à une idéologie fondamentaliste biblique identitaire. qui
peut engendrer le sectarisme. De l'autre, des Églises qui se veulent ouvertes à
la modernité, dont la théologie peut aboutir au n'importe quoi.
Outre quoi, deux réactions, l'une,
existentielle, avec Kierkegaard (au 19ème s.), l'autre avec la théologie
dialectique de Karl Barth (1886-1968, au 20ème siècle).
Les deux courants, attestants et
libéraux, héritiers du 19ème siècle, se retrouvent dans les mêmes paroisses,
les mêmes cultes, autour de la même cène, dans les mêmes synodes où chacun est
tenu de voter selon sa propre conviction au moment du vote (pas de lobbying).
Entre ces deux courants, n'appartenant spécialement à aucun des deux, il y a
ceux que j'appellerai les "protestants sans parti-pris".
Pour comprendre, il faut partir de
Rousseau et de Kant, plutôt que de Hegel (1770-1831) et bien qu'il y ait aussi
eu des théologiens protestants hégéliens, tels Christian Baur (1792-1860) dont
Schleiermacher se séparera ou Philipp Marheinecke (1780-1846), le professeur
de Sören Kierkegaard (1813-1855).
Jean-Jacques Rousseau (1712-1778): à côté de la raison, le sentiment réclame
ses droits ; il n'y a plus de péché originel, l'homme est naturellement bon, la
conscience est un instinct divin, par ses propres moyens, l'être humain peut
atteindre, ici-bas, à la vertu.
Immanuel Kant (1724-1804) : la Raison n'a rien à voir avec la Révélation,
mais peut concerner la Religion (La religion dans la limite de la simple raison,
1793). L'Épitaphe choisie pour
lui-même résume ses positions : ‟Le ciel
au-dessus de ma tête, l''impératif moral gravé au fond de mon cœur”; c'est à
dire : a) quelle que soit notre façon de scruter l'univers, nous ne trouvons
nulle par la raison première ou dernière de son existence (pourquoi un univers
et pourquoi pas), de sorte que la preuve de l'existence de Dieu par la
contingence du monde (preuve a contingentia
mundi) est à juste titre la plus
populaire ; b) nous avons une connaissance innée du bien et du mal en vue de
faire le bien : l'impératif moral. Il en sortira une éthique du Devoir (die Pflicht, du sollste : tu dois, ‟Wer will, der kann” : celui qui veut,
peut, de la liberté responsable), qui va profondément marquer l'éducation
prussienne et, au-delà, allemande.
À Halle, Christian Wolff (1679-1754) et August Francke
(1663-1727) : philosophe de la religion contre la foi piétiste de tendance
repristinatienne*.
* Projet de reproduire dans l'Église le
temps biblique -particulièrement celui du Livre des Actes-, c'est à dire des
époques de l'histoire du salut où il n'y avait pas d'Écritures
néotestamentaires et où le Saint Esprit guidait directement les croyants.
Schleiermacher (Friedrich,
1768-1834), fils d'un aumônier militaire réformé, élevé chez les frères
moraves, artisan de l'union entre luthériens et réformés allemands, il montre
la voie d'une réflexion théologique personnelle dans ses Discours sur la religion à ceux de ses détracteurs qui sont des personnes cultivées (1799), les théologiens y sont comparés à des
"virtuoses" en leur domaine. Dans sa Christliche Glaubenslehre (Doctrine
de la foi chrétienne, 1821), à partir du ‟sentiment de dépendance absolue”,
qui est le sentiment religieux universel, il décrit le sentiment (non la
sensation) que la communauté chrétienne évangélique a d'elle-même*. Il ne
laisse pas de côté les définitions patristiques, mais La Trinité, par exemple,
se trouve traitée en une demi page tout à la fin des deux volumes de la Christliche Glaubenslehre.
* Hegel, Schleiermacher et Schelling sont
des camarades d'études. Dans sa Phénoménologie
de l'Esprit (1807), Hegel décrit la
conscience dans son devenir universel (ce qu'il appelle l'Esprit) dans un temps circulaire. Dans sa Glaubenslehre (1821), Schleiermacher
décrit le sentiment personnel et communautaire
chrétien dans une perspective de temps ouvert. La dernière pensée de Schelling mêle philosophie, sagesse et religion
dans un panthéisme (Philosophie de la
mythologie, 1842) .
Hegel adopte le temps ouvert dans ses
derniers cours sur La philosophie de
l'Histoire qui porte sa fin en elle. Entre les deux, il y a la démarche
dialectique (thèse, antithèse, synthèse) qui vaut pour tous les temps.
Schleiermacher dépasse la théologie, il
est le créateur de l'herméneutique moderne (dont Paul Ricoeur (1913-2005) est
le dernier représentant - pour une part de son œuvre seulement -) .
Après lui, avec Aloïs Biedermann (1819-1885), va naître le
courant libéral proprement dit, démarche essentiellement critique. la
théologie devient une "histoire et philosophie de la religion" (La théologie libre, philosophie et
christianisme en combat et en paix, 1844), En France, création d' Évangile et Liberté en 1886. La démythologisation
appartient au 20ème siècle.
Parallèlement, l'Institut biblique de Stuttgart, fondé en 1812, poursuit son travail
d'établissement des textes hébreu pour le Premier Testament, grec pour le
Nouveau, texte que nous utilisons toujours aujourd'hui. Biblia Hebraica, Stuttgartensia, Novum Testamentum Graece .
Pour donner une idée de la richesse de
la production théologique des facultés de théologie protestantes au 19ème
siècle, je cite ici quelques noms entre de nombreux autres.
Albrecht Ritschl (1822-1889) : pour donner une idée, je dirai que, pour
Ritschl, la foi chrétienne fidèle au principe scripturaire (exégèse
historico-critique de la Bible) est fondée sur des faits historiques et par
ailleurs, en ce qui concerne la foi (justification, réconciliation), ne répond
pas à des jugements de fait, mais à des jugements de valeur (qu'il définit
comme non concomitants, mais indépendants)*. La doctrine chrétienne de la justification et de la réconciliation,
1870-1874.
*Exemple évangélique de jugement de
valeur, pour la justification comme pour la réconciliation : ‟Ne valez-vous pas
beaucoup plus que les oiseaux du ciel ?” (Matthieu 6,26), ‟Vous valez plus que
beaucoup de moineaux” (Matthieu 10,31). Les
premiers philosophes des valeurs (axiologie), Wilhelm Windelband (1848-1915),
Heinrich Rickert (1863-1936), sont postérieurs
à Ritschl.
L'École
de Paris
: Auguste Sabatier (1858-1928)
critique les symboles qui constituent le langage religieux (dont celui de la
Bible), Eugène Ménégoz développe
l'idée de la foi comme confiance donnée à la personne de Jésus indépendamment
de toute espèce de croyances. Ensemble, ils définissent ce que l'on appellera le symbolo-fidéisme.
Richard Rothe (1799-1867) (son Éthique,
1845-1848)) il n'est pas exclu de penser que le royaume de Dieu (terrestre)
sortira, un jour, du progrès.
Ernst Troeltsch (1865-1923) : son point de départ est l'existence d'un
"apriori religieux", autrement dit, que la religion est un phénomène
universel, ensuite, il préconise de rechercher des compromis entre Raison et
Révélation pour le double profit du christianisme et de la société.
.
LE CHRISTIANISME
PRATIQUE
On n'est pas sauvé si on a une bonne
doctrine (orthodoxie), le salut s'adresse à la personne en son entier.
Souvenons-nous qu'il n'y a pas de
Sécurité Sociale avant la moitié du 20ème siècle.
William Booth (1829-1912) et son épouse Catherine (1829-1890) : l'Armée du Salut dont le slogan est :
‟Soupe, Savon, Salut” : car on
n'annoncera l'Évangile qu'après avoir permis aux gens de se nourrir et de se
laver. Mouvement qui s'adresse à tous
les démunis engendrés par les villes industrelles. Réhabilitation aux yeux
d'eux-mêmes et évangélisation sont les buts fixés. Née en Angleterre, l'Armée
du Salut essaimera à travers le monde entier. Ce n'est pas une Église (on n'y
célèbre pas de sacrements), c'est un mouvement en relation avec les Églises
(L'Armée du Salut est membre de la Fédération protestante de France).. On y
trouve, bien avant ces dernières, une égalité entre homme et femme : les femmes
peuvent devenir soldates, officières, générales. À Paris, l'Armée du Salut
bâtit un immeuble intitulé "Palais de la femme", car ce sont toujours
elles qui sont les premières victimes. Il ne s'agit pas de faire du
recrutement, on entre à l'Armée du Salut par vocation. l'Armée du Salut adresse celles et ceux qu'elle
a pu aider à se relever et qui manifestent le besoin d'une communauté
chrétienne, vers la paroisse catholique
ou protestant la plus proche.
Diaconesses : communauté
caritative féminine protestante : en 1836, Theodor Fliedner fonde une première
maison près de Hambourg ; en 1841, Caroline Malvesin et Antoine Vermeil,
fondent l'Hôpital de Reuilly (Paris).
Henri Dunant (1828-1910) : la
Croix Rouge, au point de départ, il y a le spectacle atroce des agonisants
et des blessés abandonnés sur le champ de bataille de Solferino (victoire de
Napoléon 3, en 1859). Poussé par sa foi (en particulier par la parabole du
Samaritain de Luc 10), il obtient, en 1863, le vote de la Convention
internationale de Genève qui fixe les devoirs de secours aux blessés de guerre.
Ce sera le germe de la Croix Rouge internationale (1864). La Croix veut
rappeler le symbole de la croix blanche sur le drapeau Suisse, elle peut aussi
renvoyer à l'Évangile.
La
Mission populaire du
pasteur anglais Robert McAll (francisé en MacAll)
se veut, au départ, en 1872, une évangélisation du peuple de Paris, après la
Commune. Aujourd'hui, mouvement d'évangélisation des quartiers populaires.
Les racines du Christianisme social, dans sa conception protestante (qui ne veut pas offrir une alternative
qui entre en concurrence avec les idéaux sociaux de la République), se trouvent
au 19ème siècle (prédication de Tommy
Fallot (1844-1904) en 1878 à la Chapelle Taitbout de Paris).
L'Arbre
de Noël
: dans le Nord de l'Europe, la coutume est de décorer et d'illuminer un épicéa
pour marquer le solstice d'hiver. Cet arbre de lumière est associé à la
Nativité. Longtemps, cet us, associant l'Arbre à la Crèche, au domicile et au
temple, a été propre aux seuls protestants, en France, il permettait de se
distinguer des catholiques. Peu à peu, la fête de Noël autour de l'Arbre et de
la Crèche, au temple, deviendra l'une des plus suivies par les familles et
quasi rituelle. Par la suite, l'Arbre de Noël se popularisera, perdant tout
sens christianisé.
Jacques
Gruber
Pour
le mois prochain, les Églises au 20ème siècle.
OCTOBRE 2017
LES ÉGLISES
AU VINGTIÈME SIÈCLE : première partie
Partie
consacrée à un aperçu de ce qu'a été le 20e siècle et aux Églises dans leur ensemble.
Une seconde partie (en novembre 2017) présentera plus proprement l'histoire des
Églises à cette époque.
APERçU DU 20e SIECLE
Considérons
le 20e siècle comme allant de 1890 à 1990, après cette dernière date on peut
considérer que commence le 21e siècle, celui d'une hyper-modernité.
1890
est l'année de l'Exposition universelle de Paris où, vingt ans après la défaite
de Sedan, on inaugure la Tour Eiffel. Ce sera le siècle de la
post-modernité, siècle de l'énergie atomique et de la libération sexuelle mais
où l'on en viendra pourtant à douter de la raison à se déprendre du progrès,
l'une et l'autre ayant participé activement à des entreprises déshumanisantes
(Choah, Hirochima).
L'année
1990, précédée, en 1989 de la destruction du mur de Berlin, est l'année de la
chute de l'Union soviétique, de la disparition du rideau de fer. Par
hyper-modernité, on entendra le siècle de la mondialisation (montée en
puissance de la Chine, de l'Inde, du Brésil), du multicuturalisme, de la
révolution électronique (cybernétique, informatique, numérique) qui poseront
aux Églises de nouveaux problèmes.
LE SIECLE DE LA LIBERTE AVEC
L A V I O L E N C E
Violences
nationalistes entre la France et l'Allemagne qui
vont provoquer deux guerres mondiales en 14-18 et 39-45 (dix années de conflit,
avec des millions de morts de part et d'autre). Expansion colonialiste des
grandes puissances, l'Italie fasciste de Mussolini conquiert l'Éthiopie en
1936-1937.
Violences
racistes, particulièrement antisémites.
Exposition coloniale de Paris en 1931 où les personnes issues de nos colonies
sont exposées comme des animaux dans un Zoo ; Conférence de Wannsee de 1942
qui met sur pied la Solution finale d'extermination des Juifs, Camp
d'extermination d'Auschwitz, la Choah par balles. Élimination des handicapés,
des homosexuel-les, des Tsiganes.
Violence
des révolutions sociales qui débouchent sur des
totalitarismes : bolchevisme, fascisme, nazisme, stalinisme, maoïsme
(aujourd'hui : djihadisme).
Violence
des guerres de libération : Viet-Nam (1954-1975),
Algérie (1954-1962), Khmers rouges au Cambodge (1975- 1979).
Violence
faite à la Planète : augmentation du CO2 due à un excès
d'utilisation du charbon et des hydrocarbures qui provoque un réchauffement de
la Planète et une dislocation de la couche d'ozone.
Violence
faite à la Nature : l'accès aux éléments, les atomes
en physique, les chromosomes de l'ADN en biologie, par exemple, permettent de
jouer avec la matière (recomposition des aromes, fraction ou fission de l'atome)
ou avec la vie (avortement, PMA, changement de sexe, donner la mort ?), les
progrès de la physique, de la médecine et de la chirurgie posent des problèmes
moraux auxquels nos sociétés ne sont pas en mesure de répondre sinon par la
Loi qui énonce des interdits.
Violence
dans l'espace : entre 1905 et 1915, Albert Einstein
énonce les théories de la relativité qui trouveront plus tard leur confirmation
dans l'expérience. On ne peut pas parler de viol de l'espace tant qu'il s'agit
de l'exploration spatiale, il en va autrement des installations que nous ferons
sur des planètes devenues accessibles et, dès à présent, des déchets de
nos entreprises qui encombrent l'espace.
Violence
faite aux cultures ou de
l'intérieur même de la culture : lorsque les
missionnaires imposent leur culture avec l'Évangile aux populations qu'ils
touchent ; suite aux révolutions dites "culturelles" (Chine de 1966 à
1976) ; dans le processus de déconstruction (le mot est de
Jacques Derrida*, 1930-2004) que la culture occidentale pense poursuivre sur
elle-même depuis Friedrich Nietzsche (1844-1900) et Martin Heidegger
(1889-1976) ; quand violence est faite aux textes bibliques par une exégèse
hypercritique ou à des textes qui peuvent contenir des assertions gênantes pour
les pouvoirs en place.
*Issu
d'une famille marrane, partisan d'un christianisme sans Église.
Violence
de la culture : elle peut être illustrée par la
musique lorsque celle-ci ‟Retourne au bruit” (selon André Gide, 1869-1951) et
au bruit assourdissant ou dans l'expérience de la musique atonale (Arnold
Schönberg, 1874-1951, Pierre Boulez, 1925-2016 , Iannis Xenakis, 1922-2001) ;
dans la peinture qui donne l'image d'un être humain déformé (le dernier
Picasso, 1881-1976, Francis Bacon, 1909-1992) ou dans la sculpture qui
s'exprime par des compositions d'objets hétéroclites, sans rapport entre eux
que celui que le "sculpteur" a dans son esprit ; par une littérature,
un cinéma, sans aucun tabou.
Parallèlement
aux violences, une volonté de paix va s'attester dans des institutions, (ONU,
1945, maintien de la paix entre les nations, UNESCO, 1945, protection et
développement de la culture, Déclaration des droits de l'Homme, 1948, 1966,
Union européenne 1992-1993), des initiatives particulières (les ONG, aujourd'hui
nombreuses et couvrant l'ensemble des besoins humains et écologiques), des
partis politiques (Écologie*, Verts) et un nouvel esprit interreligieux
chrétien (œcuménisme, amitié judéo-chrétienne). La Conférence de Seelisberg
(Suisse), réunie par Jules Isaac (1877-1963) en 1947**, énonce Les Dix
points de reconnaissance et de respect mutuel entre Juifs et
chrétien ; le Conseil mondial ou œcuménique des Églises de Genève qui regroupe
l'ensemble des Églises chrétiennes, Orient, Russie, Occident, à l'exception de
l'Église catholique, est fondé à Amsterdam en 1948 ; le texte de Nostra
Aetate (concile de Vatican 2, Troisième Session, 1964) supprime de la
Liturgie du Vendredi Saint les expressions antisémites telles que "Peuple
déicide".
*Avant que des partis politiques s'en réclament,
l'écologie est une vision du monde qui remonte à Ernst Haeckel (1834-1919).
**La Conférence de Seelisberg réunit 28 Juifs, 23
protestants, 8 catholiques.
Chacune
de ces violences renvoie à un sacré (René Girard), la Patrie, le Reich millénaire
hitlérien, la Race, Les Lendemains socialistes qui chantent, l'Indépendance, le
Progrès, la Science, l'Homme, la Culture.
LES ÉGLISES DANS LEUR ENSEMBLE
En
France, en 1905, Séparation des Églises et de l'État. Une Assemblée
nationale anticléricale rédige un texte de loi rigoureusement laïque que le
Président du Conseil, Georges Clemenceau ne peut pas appliquer. Par exemple :
les églises sont dites "espaces publics", certaines mairies en
profitent pour y célébrer des cérémonies municipales, il s'ensuit des conflits.
Le gouvernement fait alors appel à un protestant (républicain et religieux) le
conseiller d'État Louis Méjean pour apaiser les esprits. Louis Méjean (qui,
par parenthèse, est l'auteur de la Discipline des Églises réformées qui
règle -ou inspire- toujours encore la vie de nos églises et de leurs synodes)
crée une administration des cultes (qui existe toujours encore au ministère de
l'Intérieur) et développe le droit administratif. Dans les divers cas de
conflit entre l'État et les Églises, il fera le plus souvent droit aux
revendications de ces dernières, conférant ainsi aux Administrations un rôle
de défenseur des personnes et institutions privées qui relèvent d'elles, vis-
à-vis de l'État (Nicolas Roussellier, La Force de
gouverner, Gallimard, 2016, p. 121-228).
Pendant
la guerre de 1914-1918, de part et d'autre, les Églises ont
mobilisé Dieu à leur cause, provoquant ainsi un discrédit de
leur parole. Rappelons-nous que chaque soldat allemand porte, inscrit sur
la boucle de son ceinturon : ‟Gott mit uns” (‟Dieu est avec nous”). Dans
la France protestante, les prêches sont anti-allemands. C'est à l'initiative
des combattants des deux fronts, eux-mêmes, qu'en certains endroits, les
armes se sont tues le temps d'une veillée de Noël fêtée ensemble.
La
décolonisation (entre 1846 et 1975) a mis fin aux anciennes formes de
la Mission*. Les Missions ont-elles suivi la colonisation et en ont-elles
profité ? Le débat reste ouvert. Aujourd'hui, la Mission consiste soit en un
soutien de ce qui existe, soit dans des réponses à des appels précis.
* Anciennes formes : le catholiques pratiquaient une
"inculturation" de l'Église dans les formes des cultures locales ;
pour les protestants, l'annonce du nouvel homme en Jésus Christ impliquait le
respect du contexte culturel, autant que le refus des us et coutumes locaux
que l'on estimait relever du vieil homme.
Après
la guerre de 39-45, avec l'avènement des médias, l'évangélisation
entreprise en Amérique latine par les évangéliques
américains fondamentalistes, a pris une certaine ampleur. À titre d'exemple,
avant cette guerre, au Nicaragua, les protestants étaient pratiquement inexistants,
aujourd'hui, ils forment 21% de la population.
L'Armée
du Salut, dès sa fondation, avait mis en œuvre l'égalité hommes-femmes dans
tous les grades. Il faut attendre les années d'après-guerre pour que les
synodes admettent l'ouverture du pastorat aux femmes. Dès la fin
du 20ème siècle, cette ouverture existe dans toutes les Églises protestantes
(luthériens, réformés, anglicans).
Alors
que l'heure est à l'œcuménisme, l'Irlande du Nord connaît un
regain de guerre des religions. Les troubles entre catholiques (citoyens de
seconde zone) et protestants qui vont durer trente années et faire trois mille
morts se sont terminés en 1998 avec les Accords du Vendredi saint, mais les
esprits ne sont pas encore en paix.
Sur
la situation des Églises en Chine, on a peu de renseignements. Il y
a deux Églises catholiques : celle (clandestine) dont les évêques sont nommés
par Rome et celle, lautorisée, dont les évêques sont nommés par le pouvoir
(parmi ceux-ci, il y en a que le Vatican ne désavoue pas entièrement). On pense
que les protestants*, qui se développent avec une auto-administration, peuvent
atteindre les dix à onze millions (un dixième de la population chinoise). Mais,
ont-ils des synodes, les synodes sont-ils admis par les autorités communistes ?
* Le développement des protestants ne dépend pas d'une
institution préalable, mais de l'écoute de la Parole biblique et de
l'instauration subséquente d'une hiérarchie d'assemblées élues.
Jacques Gruber
La
suite au mois prochain.
A N N E X E
POUR DONNER
UNE IDÉE DE LA PENSÉE AU 20ème SIÈCLE
Max Weber (1864-1920) :
sociologue des religions, l'individu humain peut réagir contre ses
conditionnements, extension de la notion paulinienne de charisme à la sphère
profane, L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme (1901).
la psychanalyse : bien qu'il s'agisse au premier chef
d'une clinique, la psychanalyse, par son côté interprétation, intéresse aussi
l'histoire de la pensée : Sigmund Freud (1856-1939), père de
la psychanalyse (l'inconscient, les rêves, les pulsions). sa correspondance,
durant trente ans, avec le pasteur Oskar Pfister (1873-1956) ;
Karl-Gustav Jung (1875-1961) : l'inconscient collectif, les archétypes
; Sandor Ferenkzi (1873-1933) extension de la thérapeutique
psychanalytique à la biologie, ; Jacques Lacan (1901-1981) :
une théorie qui naît de la pratique thérapeutique (retour à
Freud, le stade du miroir, l'inconscient est structuré comme un
langage, le signifiant).
EdmEdmund Husserl (1859-1939)
: philosophe des mathématiques au départ, avant d'analyser la crise de la
pensée occidentale (la Krisis), il va
proposer une méthode phénoménologique qui nous apprend à mettre entre
parenthèses tous les "paraître" d'un phénomène (toutes ses enveloppes)
pour parvenir à le saisir dans son authentique "apparaître" et, si
possible, parvenir à son essence. La philosophie, reconnaissant
l'intentionalité de la conscience (pas de conscience qui ne soit liée à un
objet), doit surmonter la division entre sujet et objet dont se nourrissent les
sciences dures, le positivisme et la philosophie de la connaissance qui ne
touchent qu'à la "noèse". Pour parvenir au "noème" : l'entier
de la conscience et de son objet (Ideés
directrices pour une phénoménologie pure et une philosophie phénoménologique).
Husserl sera la référence de M. Heidegger et J-P. Sartre. Dans une lettre au
théologien Rudolf Otto, du 5 mars 1919, il déclare être protestant.
Martin Heidegger (1889-1976)
pense entrer dans les ordres puis y renonce pour la philosophie. Hitlérien de
la première heure, antisémite dans ses papiers intimes, peut-être nazi, amant
de la philosophe Annah Arendt. Il pense refaire la philosophie en renouant avec
l'Être. Pour déconstruire la philosophie occidentale, il utilise la méthode de
la phénoménologie de E. Husserl en vue d'un existentialisme athée. Dans son
livre Sein und Zeit (L'Être et le Temps) 1927, suite à
la "réduction phénoménologique" de Husserl, l'être humain n'est plus,
pour lui*, qu'un ‟être-là” (Dasein) - Sartre parlera de ‟facticité”
-. Dasein jeté dans un monde indifférent (la Geworfenheit :
déréliction) pour une histoire personnelle (geschichtlichkeit)
encadrée par une Histoire (Historie) qui ne dépend pas de lui. En fin de
compte, il est voué à la mort (on ne parle plus de destin, mais d'
'‟être-pour-la-mort”, réminiscence du memento mori des
moines, contingence et finitude chez les existentialistes français). Sur le
volet culturel, il exprime une méfiance de la technique et de ses progrès. Dans
les dernières années de sa vie, ses carnets attestent d'une résignation
philosophique.
*Pour E. Husserl, me semble-t-il, il
devrait apparaître dans son inaliénable propriété. L'‟être-là” est le résultat de la
réduction phénoménologique comprise comme le réductionnisme à un concret
universel minimal.
Jean-Paul Sartre (1905-1980)
fait appel, lui aussi, à la méthode phénoménologique de Edmund Husserl pour un
existentialisme athée. L'existence précède l'essence :il n'y a pas de
race, nous choisissons notre classe, notre sexe. Dans L'être et
le néant (1943), le concret universel, à titre ontologique, peut
s'exprimer ainsi : plus il y a d'être, plus il y a non pas ‟de l'autre” (allon
on)* ou du non-être (mè on), l'être qu'on n'est pas (comme disait
Socrate dans le Sophiste 241d, 250d-e, 254c-d, par exemple), mais du rien
(ouk on), du néant (Spinoza ne déclarait-il pas dans son Éthique :
‟Toute détermination est négation” ?). L'existence humaine est une suite de
néantisations : plus il y a de vie, plus il y a de vide, nous sommes libres,
mais ‟condamnés” à être libres. Telle est notre situation que nous ne voulons
pas voir, pas admettre (la ‟mauvaise foi”, lointaine remémoration du ‟En même
temps juste et pécheur” de Luther - ‟Nous sommes tous victimes de Luther”,
déclaration de J-P. Sartre, faite au Spiegel, à Berlin, reproduite
partiellement dans l'Express du 26 mai 1960 -). Mauvaise foi
lorsqu'à la fin de son autobiographie, Les Mots, il déclare se
juger comme un n'importe qui, alors qu'il sait sa valeur, n'ignore pas sa
célébrité et se rend compte de son influence.
*Concernant Dieu, Karl Barth parle du
"Tout-Autre" (Ganz Anders). Parmi les "autres", Paul Ricœur,
suite à une méditation de la parabole du Samaritain de Luc 10 (parue dans l'une
des Revues , de la Fédération des étudiants protestants français, parue dans
les années cinquante) fera une distinction entre le "socius"
que nous côtoyons et le "prochain" dont nous nous approchons.
Le marxisme : Marx avait
réuni la philosophie allemande, la pensée économique anglaise, la tradition
révolutionnaire française et défini la praxis communiste (A.
Gramsci), à la suite de la révolution bolchevique russe (l'installation du
socialisme passe par une phase de dictature du prolétariat), le marxisme
connaît diverses fortunes. Le léninisme (Lénine, 1870-1924) qui
soutient la thèse de la révolution en un seul pays pour une extension
territoriale subséquente à l'ensemble des autres pays triomphe du trotzkisme (Trotzki,
1879-1940) qui est partisan d'une révolution d'emblée mondiale. L'anarchisme, théorisé
par le prince Petr Kropotkine (1942-1921), mis en application
par Mikhaïl Bakounine (1814-1876) qui est au départ de tout le
mouvement révolutionnaire russe, est balayé. Finalement la Russie connaît un
totalitarisme stalinien(Joseph Staline, 1879-1953) et le Goulag qui
l'accompagne (voir plus loin, les Églises orthodoxes). Antonio Gramsci (1891-1937),
le socialisme à visage humain rend aux prolétaires (non au parti) le rôle de
sujets dans la transformation du monde, l'élaboration de l'avenir (Alain
Touraine reviendra de la notion d'acteur social à celle de sujet*). Ils en sont
des "poètes", au sens étymologique de "créateurs". Que nul
ne soit jamais plus objet du marché, mais toujours sujet (acteur) de sa
vie. Le communisme chinois connaît sa version particulière du totalitarisme
maoïste (Mao TseDong,1893-1976) dont la révolution culturelle, qui dure
dix années, est une impasse onéreuse. La suite est un capitalisme sous
autorité communiste. En Europe, la révolution culturelle maoïste fait des
émules, en même temps que se répandent diverses formes de gauchisme. Le parti
communiste italien, avec Enrico Berlinguer (1922-1984), tente
en 1972 un compromis historique avec la démocratie chrétienne au pouvoir**.
En France Louis Althusser (1818-1990) jette les bases d'une
mise à jour du marxisme.
* Touraine Alain et Khosrokhavar Farhad : La
recherche de soi. Dialogue sur le sujet, Fayard, Paris, 2000, p. 17-25, 272.
** Le compromis historique échouera en raison
du refus de la démocratie chrétienne et de l'Église.
Les existentialistes :
athées (M. Heidegger, J-P. Sartre), chrétiens (Gabriel Marcel,
1889-1973), suite à Sören Kierkegaard, ils remettent à l'honneur l'existence et
son absurdité, l'angoisse existentielle, la notion de situation, la
temporalité. On peut rattacher à l'existentialisme le penseur juif Martin Buber (1878-1965)pour
son Le Je de le Tu (1923).
L' anthropologie
philosophique de Max Scheler (1874-1928) : courant de la philosophie
allemande contemporain du marxisme et de l'existentialisme. À l'époque où les
sciences humaines et sociales sont en plein essor, cette philosophie se veut
une approche de l'être humain en situation qui donne toute sa place au corps.
Le personnalisme communautaire
d'Emmanuel Mounier (1905-1950): dans les années de pré-guerre,
puis de guerre, E. Mounier, philosophe et catholique, recherche une voie entre
totalitarisme et individualisme. Des notions de sujet, d'individu, de
personne (qui connaît une histoire commune avec le christianisme), ce dernier
est le plus pertinent, le plus riche, surtout du fait qu'il ne se sépare pas de
la notion de communauté. La personne se constitue et se pense, se vit
communautairement. Nombre de chrétiens se sont reconnus dans cette démarche.
Le structuralisme : au
lieu d'aller de la partie à l'ensemble (démarche structurelle), le structuralisme
va de l'ensemble, voire du Tout, à la partie sans jamais perdre de vue l'ensemble
ni même le Tout ainsi que leur synchronicité (démarche structurale). Il a sa
protohistoire dans le Cours de linguistique générale de
Ferdinand de Saussure (1916), avec lui, la structure prend la
suite du phénomène de E. Husserl et des existentialistes pour s'épanouir dans
la psychanalyse (Jacques Lacan, 1901-1981), dans l'ethnologie
(Claude Lévi-Strauss, 1908-2009), dans la littérature (Roland Barthes,
1915-1980); dans l'exégèse biblique (Julien Greimas, 1917-1992 et
son ‟carré sémiotique”), dans le marxisme (Louis Althussser,
1818-1990), dans les sciences humaines (Michel Foucault, 1926-1984 qui, après
la mort de Dieu, annonce la mort du sujet), au cours des années 1950-60
jusqu'à la fin du siècle. Cela restera une histoire bien française.
Simone
Weil (1909-1943), admiratrice de la Grèce, d'abord philosophe du travail et
de la condition ouvrière dont elle partage, un temps, en usine, la dureté,
ensuite, mystique chrétienne en marge, attachée à la Passion du Christ (La Pesanteur et la grâce, 1947), sans jamais,
toutefois, demander le baptême, elle décède à Londres, en 1943, en partie à
cause des privations qu'elle s'impose pour survivre dans les mêmes conditions que
les français soumis à l'Occupation.
Paul Ricœur (1913-2005)
connaisseur et traducteur de Husserl, au milieu des ‟ismes" (marxisme,
surréalisme, existentialisme, structuralisme, personnalisme), il trace un cheminement
personnel de protestant philosophe - non de philosophe protestant - (au cours
de sa vie, sa foi fait l'objet de plusieurs réappropriations qui, comme il
l'écrit,‟ Finissent par faire un destin”). Agressé par des étudiants à la
fin d'un cours en 1968, il répond à une offre de chaire à Chicago où sa pensée
s'épanouira. Sa dernière réflexion sur l'histoire et l'interprétation (Temps
et Récit 1983-1985) peut évoquer le moment où une parole biblique
devient parole de Dieu pour quelqu'un (du côté protestantisme).
Jacques Derrida (1930-2004)
: c'est lui qui exprime le plus clairement l'état de la philosophie en
Occident avec le mot de "déconstruction". Non pas la destruction,
mais un auto-démontage en vue de repartir du bon pied cette fois. Il est aussi
de ceux qui pensent à un christianisme sans Église.
Suite à la crise de la raison et du
progrès, aux questions soulevées par le multiculturalisme et les avancées
scientifiques en tous domaines (liées principalement à la procréation et à
notre mort), l'heure serait à l'anthropologie, l'écologie et l'éthique, mais
la philosophie ne prend pas significativement ce chemin. Des essayistes comme
Jean Baudrillart, Peter Sloeterdijk ont présenté
des tentatives pour comprendre et prendre un nouveau départ. Certains
philosophes, à l'heure qu'il est, se rabattent sur les sciences cognitives.
Jacques Gruber
NOVEMBRE 2017
LES ÉGLISES
AU 20éme SIÈCLE
Les ORTHODOXES
Rappels : Méthode (825-885) et Cyrille
(827-869), deux frères, évangélisent les Slaves et créent un alphabet qui
deviendra l'alphabet russe ;
Ivan le Terrible, 1530-1584, premier à
prendre le titre de tsar ;
Pierre le Grand 1672-17825, en 1721, crée
le Saint-Synode, soumet l'Église à l'État, fait mettre la liturgie et autres
textes religieux qui étaient alors en vieux-slavon, dans une langue accessible
à tous (slavon d'Église), schisme des Vieux croyants ;
Moscou estime qu'elle a pris la succession
du patriarcat de Constantinople,
Dans l'empire Ottoman, juifs et
chrétiens vivent en paix parce qu'ils sont une religion du Livre, mais ce sont
des dhimis, des citoyens de seconde zone.
En Russie, écrivains : Nicolaï Gogol
(1809-1852): les élans de la petite bourgeoisie ; Fédor Dostoïevski (1821-1881):
le peuple orthodoxe russe est le nouveau peuple messianique ; Henrik Ibsen (1828-1906):
l'âme agitée des grands propriétaires. Léon Tolstoï (1883-1945):
il ne suffit pas de gagner la guerre, encore faut-il faut gagner la paix, la
grande aristocratie.
L'intelligentsia russe
occidentalisée, partie croyante, partie athée, coupée des masses, obtient la
création de la Douma (Assemblée nationale, démocratrie représentative) en 1906,
elle prépare la chute de l'empire autocratique tsariste qui s'écroule en 1917.
En 1918, Lénine, à la tête des bolcheviques, balaie cette intelligentsia et
établit le régime soviétique. En mars 1905, l'Église orthodoxe avait mis en train
un programme de réforme (retirer le pouvoir, réservé aux seuls évêques, le
remettre à une assemblée conciliaire formée de membres du clergé et de laïcs)
et avait commencé de se libérer de sa dépendance du pouvoir du tsar (60 voix
pour, deux voix contre). Une commission préparatoire du concile avait
travaillé jusqu'en décembre 1906, mais devait échouer en 1907 en raison de
l'hostilité qu'elle rencontrait dans l'Église. Néanmoins, dix ans plus tard,
dans un Moscou livré à la guerre civile, le 15 avril 1917, un concile (environ
mi-partie laïcs, mi-partie clergé), se réunit à la cathédrale Upensky de
Moscou et élit le patriarche Tikhon avec l'aval surprenant
des autorités communistes. Le concile se termine le 7 avril 1918 après avoir
placé l'Église sur de nouvelles bases, alors que cinq mois plus tard, au mois
d'octobre Lénine fait triompher la révolution bolchevique. Pourtant,
déjà, en 1909, un groupe de quatre intellectuels marxistes notoires s'étaient
ralliés à l'Église : Nicolas Berdiaev (1874-1948),
Michail Boulgakov (1891-1940), Michail Frank, Otto
S. Struve (1897-1963), le groupe Vekhi. Ce
concile sera à l'origine d'un approfondissement de la spiritualité parmi les
membres de l'intelligentsia que Lénine va éliminer. Ceux qui pourront
émigrer vont former l'Église russe en exil, dont il faut citer le Mouvement des
étudiants russes (soutenu par le métropolite Euloge de Paris
et le métropolite Platon de New-York), qui va former les
cadres orthodoxes du futur et l'Institut de théologie Saint Serge de Paris.
L'Église orthodoxe russe en exil va nouer des relations fraternelles étroites
avec les chrétiens occidentaux (Fraternité Saint Alban et Saint Serge, elle
fera en cela œuvre de renouveau pour les uns et les autres, on la retrouvera
dans la Résistance. La survie de l'église orthodoxe en Russie sera l'œuvre des
classes populaires, les bolcheviques athées procèdent à l'emprisonnement
du patriarche Tikhon, à l'exécution du patriarche
Benjamin de Saint-Pétersbourg, devenue Petrograd, à des destruction
d’Églises, des persécutions qui font des martyrs, jusqu’à la bataille de
Stalingrad (1942-1943). Bataille longtemps incertaine, Staline demande au
métropolite des prières pour la victoire. Une fois celle-ci acquise, le régime
s’assouplit, un métropolite complaisant est en rapport avec Staline, qui
autorise l’entrée de Église orthodoxe russe au Conseil mondial des Églises à
Genève lequel, jusqu’à la fin de la guerre et la chute du stalinisme, sera le
lieu de respiration des orthodoxes russes. L’Église vit
au prix de nombreuses compromission. Avec la chute de la Russie soviétique, les
Églises retrouvent leur liberté, leurs biens et leur pouvoir.
Les CATHOLIQUES
Pour les catholiques, l'Église réunit
les saints du Paradis, les nouveau-nés sans baptême des Limbes, l'Église
pénitente des chrétiens du Purgatoire, et l'Église visible des baptisés
catholiques dispersés dans le monde. L'Église est triomphante au Paradis,
souffrante au Purgatoire, militante sur terre. Le terme de
"catholique" ne signifie pas seulement "universel", mais,
comme l'indique l'étymologie, ‟selon le tout” (l'Église est totalisante).
La Succession apostolique qui
culmine dans la personne du pape, confère l'autorité du Christ lui-même ;
ce que l'Église lie sur terre est lié dans le ciel, ce qu'elle délie sur terre
est délié au ciel (Matthieu 16, le Pouvoir des Clés), ses actes sont ratifiés
dans ou pour l'Éternité, sa parole a la même valeur que la parole de Dieu
biblique (Vatican 2, Dei Verbum 8). Le Saint-Siège est une
monarchie absolue.
Par l'action de la Vierge Marie, par
l'intercession de ses saints, par l'efficacité de ses sacrements qui
encadrent la vie du chrétien, par l'ordination de son clergé, par la sacralisation
des rites, des lieux, des objets, l'Église est l' intermédiaire obligé du
salut.
Léon 13 (1878-1903), ralliement à la
République, doctrine sociale catholique, appel à évangélisation du monde
ouvrier (encyclique Rerum Novarum, 1891), encourage l'exégèse, et
le néothomisme.
Pie 10 (1905-1914), Messe de saint Pie 10 ;
Benoît 15 (1914-1922), tente
vainement une médiation dans la guerre, en 1917, Code de droit canon en 1917;
Pie 11 (1922-1939), Accords du Latran avec
Mussolini 1929, la Cité du Vatican devient un État, le pape chef d'État,
l'Etat italien lui verse une somme considérable en dédommagement des Terres
du papes en Italie, argent qui est à l'origine de la banque du Vatican, il
signe un concordat avec Allemagne en 1933 (accession d'Hitler au pouvoir),
condamne l'Action française, le fascisme italien, le communisme, le nazisme
(1937) ;
Pie 12 (1939-1958),on lui reproche son
silence sur la Choah, les filières d'anciens nazis vers l'Amérique du Sud (en
France, l'affaire Paul Touvier, chef de la milice de Lyon caché par des
religieux), il définit le dogme de l’ Assomption de Marie en
1950 (au milieu du siècle) ;
Jean 23 (1958-1963) : convoque le
concile de l’ aggiornamento , il décède au cours du concile;
Paul 6 (1963-1978) : prend en charge
la fin du concile, la Tradition (Parole de l'Église) est, identiquement avec
la Bible, parole de Dieu (Dei Verbum 8), mise en application du
concile (la messe de Paul 6 en langue vulgaire, face à l'assistance) ;
Encycliques Populorum Progressio, 1967, s'exprime
au sujet des mouvements révolutionnaires, Humanae Vitae de
1968 prend position contre la régulation artificielle des
naissances ;
Jean-Paul 1er (1978, pendant 33
jours) ;
Jean-Paul 2 (1978-2005), ‟Le
concile, tout le concile, rien que le concile”, voyages triomphalistes, le
pape des medias, 2000 béatifications ou canonisation sous son pontificat (en 25
ans) contre quelques centaines en plusieurs siècles précédemment ; pour
marquer l'an 2000, le Saint-Siège publie un texte rédigé par le cardinal
Joseph Ratzinger : Dominus Jesus qui réaffirme les positions
le plus traditionnelles de l'Église catholique ;
Benoît 16 (2005-213),
confirme Humanae Vitae, les affaires de pédophilie viennent au
grand jour (‟Les ennemis de l'Église ne sont plus dehors, ils sont en elle”),
il démissionne ;
François 1er (2013-), premier
pape d'Amérique du Sud.
Élaboration d'une Doctrine
sociale catholique dans la ligne de Marc Sangnier, Le
Sillon (1873-1950) et d'Emmanuel Mounier (1905-1950),
axée sur la notion de "dignité humaine".
Création de Caritas international,
des Secours catholiques, des Emmaüs.
Parmi les nouveaux saints et saintes, il
faut signaler Bernadette Soubirous (1844-1879) qui a des
apparitions de la Vierge à Lourdes ; Thérèse de Lisieux (1873-1897)
docteur de l'Église qui retrouve l'éthique dans le monde de Calvin ; Mère
Teresa (1910-1997) de Calcutta et les intouchables.
Après la fin de la dernière guerre
mondiale, la Choah, l'œcuménisme : Déclaration de culpabilité de
l'Église évangélique allemande, Stuttgart, octobre 1945 ; 1945, Entretiens
de Seelisberg (Suisse) où Jules Isaac réunit Juifs,
catholiques (4), protestants (28) avec qui il rédige une déclaration de
reconnaissance réciproque : les Dix Points de Seelisberg ;
1948, création de l'Amitié judéo-chrétienne, septembre ; 1994, Déclaration
de repentance des évêques de France ; œcuménisme oblige, les
relations entre catholiques et orthodoxes se sont améliorées (rencontre
entre le pape Paul 6 et le Patriarche œcuménique Athénagoras 1er à Rome, en
1967, après que les décrets d'excommunication réciproques de 1054 aient été
révoqués), mais elles restent gelées avec le Patriarcat de Moscou. L'Église
catholique veut bien entretenir des relations avec les protestants, mais elle
leur refuse le titre d'Église (Congrégation pour la doctrine de la foi,
Cardinal Joseph Ratzinger, Dominus Jesus, 2000).
Dans le domaine de la pensée :
Des écrivains catholiques
: par exemple : Paul Claudel (1868-1965), Le
Soulier de satin qui illustre la doctrine catholique de la réversibilité
des mérites ; François Mauriac (1885-1970), Thérèse
Desqueyroux, un crime sans pardon au sein d'un couple sans amour
; Georges Bernanos (1888-1948), Journal d'un curé de
campagne, la passion d'un jeune prêtre qui s'épuise, jusqu'à en mourir,
dans son sacerdoce. Julien Green (1900-1998), Moïra :
le combat d'un homme contre un destin (son homosexualité) qu'il cherche
vainement à repousser ; Graham Greene (1904-1991), La
Puissance et la Gloire, un prêtre que la guerre contraint d'agir
contre ses convictions pour sauver l'œuvre qu'il a créée.
Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955), père
jésuite, anthropologue qui découvre le sinanthrope en 1929, il suit les
éveils successifs de la conscience dans l'histoire et étudie le phénomène
général de la conscientisation, le Christ sera pour lui le moment suprême
décisif d'une conscientisation universelle, avec lui, désormais, nous sommes
alignés sur le ‟Point Ômega”, parachèvement du ‟phénomène humain” et fin de
l'histoire. Interdit de publier, ses textes circulent sous le manteau, ils
seront édités après sa mort. Sa pensée sera condamnée par l'Église.
Jacques Maritain (1882-1973), protestant
converti au catholicisme, il essaie de renouveler le thomisme, mais
son néothomisme n'obtient pas le retentissement souhaité.
Henri de Lubac (1896-1991) :
jésuite, le livre qu'il publie en 1946, Surnaturel lui vaut
l'accusation de modernisme, il est interdit d'enseignement puis, ayant donné
des gages d'orthodoxie, réhabilité en 1958. Le pape Jean 23 le prend parmi les
experts qui préparent Vatican 2, où il siégera. Il sera créé cardinal par
Jean-Paul 2 en 1953, année où il publie Méditation sur l'Église. Il
est l'un des plus importants commentateurs du concile (Paradoxe et Mystère
de l'Église1967-, Athéisme et sens de l'homme, La
Révélation divine -1983-).
Karl Rahner (1904-1994),
jésuite, auteur d'une œuvre théologique qui couvre l'ensemble de la doctrine
catholique (parfois proche de Karl Barth dont il exprime des idées fondamentale
avec ses formules d' ‟auto-révélation de Dieu”, de ‟Dieu avenir absolu de
l'homme”), expert au concile de Vatican 2. Pour lui, l'Incarnation
(phénomène ininterrompu) permet de récupérer tous les progrès humains dans
et par l'universalité -la catholicité, totalisante- de l'Église. Sa
conception des ‟chrétiens anonymes” (les êtres humains ignorants du
christianisme qui n'en ont pas moins mené une vie exemplaire voire édifiante)
n'a pas été suivie par l'Église et celle de la ‟transignification” pour
l'eucharistie a été condamnée par l'encyclique Mysterium fidei (Paul
6, 1965).
Hans-Urs von Balthasar (1905-1988) : jésuite
suisse, parfois présenté comme le rival catholique de Karl Barth avec qui il
partage une prédilection pour Mozart. Créé, in extremis, cardinal par le pape
Jean-Paul 2. Il est l'auteur d'une œuvre théologique qui occupe 17 volumes et
plusieurs autres livres encore. Sa pensée nourrie de l'art et du théâtre,
comporte une esthétique : La Gloire de la Croix, une dramatique
: Dramatique Divine, une théologique, apparentée à une théologie
du Saint Esprit. Très critiqué, il se replie sur la Revue qu'il a fondée.
Jean Danielou (1905-1974) :
jésuite auteur d'une œuvre abondante, créé cardinal par le pape Paul 6 en 1969,
membre de l'Académie française (1972), auteur d'une œuvre de témoignage très
abondante, il meurt d'une crise cardiaque au domicile d'une prostituée parisienne
à qui il venait apporter des secours.
Les théologies de la libération (parfois "de la
révolution") : Dans la seconde moitié du 20ème siècle,
des "théologies de la libération" vont naître du sein des masses de
pauvres catholicisés d'Amérique latine. Le message évangélique,
réinterprété à travers une grille marxiste-léniniste*, conduit à
un gauchisme christianisé où la victoire des masses opprimées sur les forces
d'oppression permettra enfin au christianisme de se découvrir lui-même. Bien
que des voix protestantes françaises s'y soient jointes (Georges Casalis,
1917-1987, qui parle de "théologie inductive", voir ci-dessous), il
s'agit essentiellement d'un phénomène catholique où l'Église continue a
être première par rapport à la Parole et d'un phénomène sud-américain. C'est
là que vont naître, à côté des Églises établies, des communautés
d'églises, populaires, fait historique qui jouera sans doute le plus contre
les théologies de la libération quand le pape Jean Paul 2 les condamnera.
Je retiendrai un élément de cette
interpellation : la nécessaire attention portée par les religions sur
‟les conditions profanes de leur production”** qui les situe soit du côté des
opprimés soit de celui des oppresseurs, sans se laisser entraîner, pour autant,
dans l'esprit de cette dichotomie révolutionnaire (pré-manichéenne), du moins
en ce qui concerne le christianisme et alors que les théologies de la
libération ne l'ont pas évité.
* De même que le thomisme avait fait choix
de la philosophie d'Aristote, désormais c'est avec les catégories du
matérialisme marxiste que les théologiens chrétiens rendront compte de la foi
chrétienne, pouvait-on lire sous certaines plumes.
** ‟Nous appellerons donc
"matérialiste" un christianisme qui assume consciemment et
critiquement son rapport à ses conditions profanes de production et en dernière
instance aux conditions économiques et classistes Cette référence ne demeure
nullement extérieure au christianisme, mais elle le transforme dans son contenu
qui apparaît comme essentiellement politique et économique, sans pour autant se
réduire à ces dimensions”. Giulio Girardi, Foi chrétienne et matérialisme historique, Parole
et Société 1974/3. Est frappée d'inauthenticité toute théologie qui
parlerait de l'éternité de manière intemporelle, de la culture biblique de
façon extra-culturelle, de l'inconditionné, l'inconditionnel comme si l'on
n'était pas dans une condition conditionnée.
La théologie de la libération n'a pas
survécu à la fin de L'Union soviétique en 1991.
René Girard (1923-2005) : universitaire
français, catholique non pratiquant voire agnostique. Il étudie les mythes et
remarque qu'ils ont tous en commun la violence liée au sacré à une exception
près : la Croix de Jésus qui dénonce le sacré et sa violence. À la suite de
quoi, les Écritures bibliques deviennent pour lui moins objet que sujet : l'amour
qui démystifie tout et nous démasque tous (Des choses cachées depuis la
création du monde). (Voir, ci-dessous, Les Protestants : l'exégèse
narrative).
La piété mariale continue et se renforce
avec de nouvelles apparitions de la Vierge Marie (Fatima,
Portugal, 1917 ; Beauraing, Belgique, 1932 ; Banneux, Belgique, 1933 ;
Amsterdam, 1945-1959 ; Akita, Japon, 1973-1981 ; Betania, Vénézuéla, 1976-1988
; Kiberho, Rwanda, 1981-1986, soit sept sur quinze) et le dogme de l'Assomption
de Marie (Pie 12, 1950).
Le
concile de Vatican 2 : réuni par le pape Jean 23 en 1962,
terminé par le pape Paul 6 en 1965. C'est le concile de l'ouverture (de
l' "entrouverture" si l'on considère sa mise en œuvre) : ouverture en
direction de la Bible dont la lecture privée est autorisée, dans la direction
des laïcs (qui parviendront, pour les hommes, au diaconat, première marche
dans le sacrement de L'Ordre) et des femmes (appelées à de nombreuses activités
pour pallier à la diminution du nombre des prêtres), des Juifs (Nostra Aetate),
des orthodoxes, des protestants (mariages dits "œcuméniques"). Dei
Verbum est difficile à entendre quand il pose que la Tradition
catholique a la même valeur et force que la parole de Dieu (Dei Verbum 8).
Le concile annonce la fin de la théologie de la substitution (L'Église a pris la
place d'Israël dans l'œuvre de salut de Dieu), corrections en ce sens dans les
prières du Vendredi Saint. Le concile est suivi par les pontificats de
Jean-Paul 2 et de Benoît 16, membres de la minorité conservatrice du concile
qui auront pour tâche l'application de celui-ci (‟Le concile, tout le concile,
rien que le concile”). Il aura pour contre-coup le renforcement des catholiques
intégristes et le schisme des "traditionnalistes" emmenés
par l'évêque français Marcel Lefèvre (1905-1991) et son séminaire
d'Écône, en Suisse, tenants de la ‟Messe de saint Pie 10”, contre celle de Paul
6.
Les prêtres pédosexuels : un scandale qui
remonte loin, mais qui n'éclate qu'après Vatican 2. Il touche, souvent
largement, les pays occidentaux et l'Australie.
Au mois de décembre prochain, nous
donnerons un aperçu des Églises protestantes à la même époque.
Jacques Gruber
DÉCEMBRE 2017
les PROTESTANTS
L'empreinte
protestante
L'Église est l'Église
locale (la paroisse, partie prenante du synode) : ‟Là où la parole de Dieu est fidèlement
annoncée et les sacrements [baptême et cène] correctement administrés” (Luther)
; Calvin ajoutait l'observation de la Discipline. Paul Tillich introduit la
notion d' ‟Église latente” : les
non-chrétiens du monde qui sont des chrétiens qui s'ignorent (théologie de la
culture). Pour les Réformateurs, l'Église visible compte des "hypocrites"
(qui font semblant d'être chrétiens) parmi ses adeptes,
la
seule vraie Église est l'Église invisible : communion des saints (passés,
présents et à venir) que seul le Seigneur connaît. Jésus n'a sans doute jamais
prononcé le mot d' ekklesia, c'est
l'évangéliste Matthieu et lui seul, qui met ce mot dans sa bouche (Matthieu 16,
18-19 ; 18, 17), en revanche, c'est un terme du vocabulaire des Épîtres.
derniers nés
des courants du protestantisme :
Le Pentecôtisme : Le
Saint Esprit, grand oublié de la théologie occidentale, à l'inverse de ce qui
se passe pour la théologie de l'Église orientale, se rappelle brusquement à
notre souvenir en 1906, avec William
Seymour, évangéliste afro-américain (1870-1922). Retrouvant la veine des
montanistes (2e-3e siècles), de Syméon le nouveau théologien (10e-11e siècles),
de Joachim de Flore (12e-13e siècles),
des anabaptistes (16e siècle). Les effusions du Saint Esprit (témoignage,
liturgie participative, guérisons), la Bible vécue dans l'actualité (proximité
de la Parousie, le royaume de Dieu imminent), tiennent lieu de théologie. À sa
naissance, il réunit des éléments protestants et des éléments catholiques, du
côté protestant : la place de la Bible, l'expression collective dans et par le
chant, du côté catholique, l'affirmation du libre arbitre et l'idée du salut
qui se développe suivant un ordre : conversion, sanctification, baptême du
Saint Esprit. On ne peut le relier au
prophétisme cévenol. Le pentecôtisme connaît un grand développement dans les
pays en voie d'évangélisation, où il se charge d'éléments locaux, mais aussi
dans des pays de vieille culture chrétienne (les charismatiques). Non seulement
l'Esprit agit dans et par les Écritures, mais il peut aussi inspirer directement
les dires et les actes d'une personne (illuminisme), l'émotivité risque alors de dominer l'intelligence. Dans
la richesse des effusions, il pourrait y en avoir d'antagoniques. Dans les
jeunes générations actuelles, des théologiens pentecôtistes se forment,
étudiants dans les meilleures facultés. Le mouvement charismatique catholique
(encadré par des membres du clergé) date de la fin des années 1960.
Églisess adventiste du
septième jour : elles se donnent pour règle de suivre
les prescriptions des deux Testaments. D'où une remise à l'ordre du jour du
Chabbat. Le culte et une journée de chabbat ont lieu le septième jour, le
samedi, à l'instar des Juifs. L'attente messianique y est entretenue.
Les mouvements de
jeunesse : Scoutisme : Robert
Baden-Powell (1857-1941) crée le scoutisme en 1907, s'exporte en France en
1911 (côté protestant, les Unions chrétiennes de jeunes-gens), mouvement
éducatif (loi du groupe, fidélité, parole donnée, débrouillardise, nature,
religion*, générosité, responsabilité individuelle). Mouvement unioniste
français se veut ouvert à tous, indépendant des Églises, mais avec une
religiosité biblique sous la responsabilité des chefs ou cheftaines.
*Lord
Robert Baden-Powell, anglican attaché à sa religion, disait clairement qu'une
personne sans religion était inaccomplie. Pourtant, au départ, en France, en
1911, les "éclaireurs" se
voulaient neutres bien que plutôt d'inspiration protestante, mais quand les
catholiques créèrent leur mouvement particulier avec ses aumôniers, un
éclatement se produisit entre Scouts de France (catholiques), Éclaireurs
unionistes (d'inspiration protestante), Éclaireurs de France (laïques), puis
Éclaireurs juifs, Scouts musulmans.
Dans
les pays où règne le totalitarisme, ces mouvements servent à embrigader la jeunesse,
sans véritable but éducatif.
Les communautés de type
monastique se développent surtout depuis 1940 (guerre 39-45)
Diaconesses, sœurs de Pomeyrol (France),
sœurs de Grandchamp (Suisse),
communautés masculines anglicanes. Dans la même ligne la fin de la guerre
39-45 correspond à un renouveau lirurgique. La communauté de Taizé, fondée par les pasteurs suisse-romands Roger Schutz et Max Thurian,
sert de relai aux Juifs qui fuient vers la Suisse toute proche jusqu'à qu'elle
soit obligée de se replier à Genève. Passée la guerre, elle réunit une
communauté de pasteurs. Taizé vit l'œcuménisme jusqu'au pro-catholicisme (le
frère Max Thurian se convertira au catholicisme et deviendra prêtre). La
communauté, dirigée aujourd'hui par le Frère Aloys, dans un esprit de retraite
liturgique, organise des rencontres de jeunes.
Le protestantisme
allemand pendant la
guerre : en 1933 le vote des allemands en faveur d'Hitler (les deux tiers
des protestants sont pour), quelques grands noms de la théologie sont
hitlériens (Reinhold Seeberg, Emmanuel
Hirsch, les Kittel père -Helmuth- et
fils -Gerhard- etc.) ; Goebbels, protestant au départ, devenu
hitlérien puis nazi, ministre de la propagande de Hitler, diffuse les libelles
antisémites de Luther, pour instrumentaliser les protestants.
La Rose blanche
: Hans et Sophie Scholl, protestants
engagés, forment un groupe d'étudiants anti-hitlériens, à Munich, l'un des
membres, Alexander Schmorell, est orthodoxe, d'autres sont catholiques,
inspirés par Mgr van Galen qui
dénonce les exécutions de malades mentaux, mais leurs tracts vont bien
au-delà, ils y dénoncent la Choah, guillotinés en février 1943 avec tous les
autres membres du groupe, y compris leur professeur de philosophie Kurt Huber.
L'Église confessante : Martin
Niemöller, 1892-1984, résistant à Hitler (le Pfarrernotbund) déporté à Sachsenhausen puis Dachau, pendant huit
ans ; synode de Barmen (1934) qui dénonce l'idéologie nazie et les chrétiens
qui s'y rattachent, l'amiral Wilhelm
Canaris (1887-1945), chef des services du contre-espionnage de l'armée
allemande, exécuté avec Dietrich
Bonhöffer (1906-1945), Ernst
Käsemann (1906-1998, théologien, exégète du Nouveau Testament. Le peuple, les gouvernants et les Eglises des Pays-Bas, soutenus par la reine Wilhelmine, réfugiée à Londres, ont refusé la collaboration, d'où des mesures de rétorsion,
les nazis obligent les Juifs à contribuer eux-mêmes à leur déportation que
certains imaginent encore comme des camps de Travail. Au synode national d'Alès
en 1941, sous l'impulsion de Marc Boegner,
L'Église réformée de France refuse les lois raciales de l'État français (l'historien
qui relate le fait -Patrick Cabanel- note qu'il s'agit là d'un acte de
Résistance). Le pasteur André Trocmé
(1901-1971) et son épouse Magda
(1901-1996) ont sauvé trois mille Juifs au Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire).
L'Église
évangélique allemande publiera une Déclaration
de culpabilité (Stuttgart 1945)
concernant sa conduite face à la Choah.
Le Christianisme social,
mouvements pour une société meilleure non contre l'État, mais avec lui, marqués
par la tenson entre modérés et révolutionnaires (Angleterre, États-Unis,
France, France). Sinon le royaume de Dieu sur terre, du moins ses prémices. Un
de ses produits en France : André Philip
(On peut y associer Michel Rocard
qui rattache sa vocation socialiste à la parole ‟Il est plus facile à un
chameau d'entrer par la trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le
royaume de Dieu”). Le Conseil œcuménique des Églises lance un débat sur le
thème de la révolution (en rapport avec les mouvements révolutionnaires de
l'époque : Conférences d'Église et Société, 1966).
En
1939,création de la CIMADE (Comité
inter-mouvements -la Fédération des étudiants protestants et les Éclaireurs
unionistes- d'aide aux déportés et evacués), sous l'impulsion ce Suzanne de Dietrich et Madeleine Barot.
En
1974, au moment de la guerre du Vietnam, création de l'ACAT (Action des chrétiens contre la torture) aujourd'hui,
internationale, fondée, autant que je sache, par deux anglaises ou américaines
protestantes.
Une
bonne dizaine de mouvements et d'œuvres protestantes nationales ou internationales.
La lutte anti-raciste
: Martin-Luther King, 1929-1968,
pasteur baptiste américain, activiste non violent des mouvements pour les
droits civiques, Prix Nobel de la Paix en 1964, assassiné à Memphis en 1968.
Les ministres
homosexuels : exclus chez les Évangéliques,
possibles dans les autres églises, chez les anglicans, cette question oppose
les Églises occidentales (euro-américano-australiennes) et les Églises
afro-indiennes.
Les mariages de couples
du même sexe : sur le plan de la langue, le terme de mariage n'est pas le bon (un mariage est l'union de deux éléments
différents) ; ces bénédictions divisent les Églises. à l'intérieur de chacune
d'elles, entre ceux qui l'admettent et ceux à qui cela répugne, à l'extérieur,
entre hémisphères Nord et Sud, entre l'Ouest et l'Est. La décision du synode
national français du Lazaret (2015) autorise la bénédiction à de couples
homosexuels selon accord local du conseil presbytéral.
Des accords entre protestants à l'échelle mondiale : communion
ecclésiale (entre luthériens
et réformés européens : Leuenberg,
1973 ; entre protestants allemands et anglicans : Meissen 1988 ; entre anglicans et
nordiques : Porvoo, 1992 ;
entre luthéro-réformés et anglicans, Paris-Reuilly
1999 et même entre catholiques et luthériens : Déclaration commune sur la justification,
Augsbourg, 31 octobre 1999. Entre Églises protestantes ces accords établissent
l'ouverture à tous de la cène et la réciprocité des ministres.
Le Conseil Mondial
(ou Œcuménique) des Églises, créé en
1948 à Amsterdam, après une gestation qui commence en 1910 avec la Conférence
missionnaire mondiale d'Édimbourg, sera un lieu de médiation entre Église
d'Orient et d'Occident tout au long de la guerre 39-45. Les Églises orthodoxes
du Patriarcat de Moscou y trouveront un lieu de respiration jusqu'à la chute du
Mur de Berlin (1989) puis du Rideau de fer (1990). L'Église catholique romaine,
en raison de sa propre définition, ne pourra pas en faire partie ; dans les
meilleurs moments, elle y aura ses observateurs. C'est une initiative
protestante et, jusqu'à aujourd'hui, tous ses secrétaires généraux auront été
protestants. Dans la période de paix de ces trente dernières années, les Orthodoxes
se sentiront mal à l'aise et demanderont une plus juste place, mais il semble
que ce projet n'ait pas abouti (comment réunir une constitution de type
presbytérien-synodal avec une autorité sacerdotale hiérarchique issue de la
Tradition ?). Aujourd'hui, en période de
repli sur soi de chaque Église, le Conseil Mondial de Genève connaît
une phase d'effacement. Son rôle dans la réflexion et les progrès œcuméniques,
l'ouverture aux autres et le secours des victimes est déjà historique.
Les Églises hors des
Églises : À la fin du 19ème siècle le pentecôtisme (auxquels on donne parfois une racine européenne
avec les "prophètes" du mouvement Camisard en Cévennes, au 18ème
siècle) apparaît aux États-Unis. De nouveaux inspirés dans la ligne des
prophètes bibliques et de Jésus, auxquels ils se veulent entièrement fidèles,
vont s'adresser aux laissés- pour-compte des Églises avec une prédication accompagnée
de guérisons. Les charismatiques
sont un mouvement de renouveau et une reprise du pentecôtisme par les Églises
(spécialement dans l'Église catholique).
Les
Évangéliques, mouvement
d'évangélisation à grande échelle qui annonce ‟Jésus seul” aux États-Unis avec
les téléévangélistes, en Afrique, avec les missionnaires fondamentalistes,
en Europe, depuis le dernier quart du 20ème siècle, avec des
"évangélistes" parfois auto-proclamés. Ils sont en partie dans la
ligne du Réveil méthodiste, des baptêmes baptistes, des inspirés guérisseurs
du pentecôtisme, mais refusent la théologie de la prospérité américaine. Leur
prédication, qui fait appel au sentiment, relativement simple, en partie
improvisée, axée sur Jésus, fondamentaliste,
moraliste et conservatrice, est participative (hallélouyas*, battements de
mains, témoignages) et s'accompagne des rythmes africains et de la musique
électronique. Les évangéliques sont des enthousiastes qui peuvent donner dans
l'illuminisme : la réalité de vie du
Saint Esprit qui oublie qu'elle concerne aussi l'intelligence (l'intelligence
de la foi). Quoi qu'il puisse
en être de tout cela, en attendant, ils font ce que nous ne faisons pas : ils
évangélisent.
*Hallélouyah : équivalent de ‟Vive le
Seigneur” ou ‟Hourrah au Seigneur”.
En
France, portés par leur succès et jaloux de leur indépendance, ils préfèrent,
pour le moment, rester à l'écart de la Fédération protestante de France, ils se
sont rassemblés au CNEF (Centre National
des Évangéliques de France).
Le travail biblique et théologique des
protestants :
Il n'y a pas d'
"écrivains protestants", mais des protestants qui écrivent : par
exemple : Ernst Wiechert (1887-1950), Les
Enfants Jeromine, ‟un pasteur né
le dimanche” ; André Gide (1869-1951), le
détournement de l'Évangile, La Porte étroite
: une jeune femme qui de détruit pour avoir compris par étroitesse d'esprit la
parole du Sermon sur la montage sur
la porte étroite qui conduit au salut (Matthieu 7, 13-14). Parmi les autres
écrivains d'origine protestante : Julien Viaud dit Pierre Loti (1850-1923), multiculturaliste avant l'heure, Thomas Mann (1875-1955) humaniste
moderne revenu de l'idéalisation du monde grec ancien (voir La Montagne magique, Nuages).
Le
travail biblique,
suite
à l'établissement des textes du Premier Testament et du Nouveau Testament,
l'exégèse historico-critique qui prend la suite de la Méditation biblique, sans
supprimer celle-ci, accomplit un travail considérable :
École de Tübingen,
Ferdinand Baur, 1792-1860,
l'histoire des premières Églises suit le mouvement hégélien de la thèse, l'antithèse,
la synthèse.
École de l'histoire des
religions, comparaisons entre la religion biblique et les
autres religions du Moyen-Orient ancien, le Sitz im Leben - le contexte de vie-, Julius Wellhausen (1844-1914) et les sources du Pentateuque
(sources Yahwiste, Élohiste, Deutéronomiste, Sacerdotale).
École de l'histoire des
formes historiques, les textes sont étudiés selon leur
genre mythe, légende, oracle, miracle, texte législatif, poésie, histoire,
parabole, leur cadre, un autre angle du Sitz im Leben.
École de l'eschatologie,
Johannes Weiss, 1865-1914, l'annonce
du Nouveau Testament est celle de la proximité d'un acte final de Dieu : le
royaume de Dieu, comment nous situons-nous aujourd'hui par rapport à cette annonce
? (voir la réponse de A. Schweitzer).
École du mythe
: la personne de Jésus est présentée dans un discours qui relève de diverses
mythologies, avec Martin Kähler
1835-1912, distinction entre le ‟Jésus de l'histoire et le Christ de la foi”
(distinction qui ne signifie pas opposition, séparation, comme certains veulent
le croire)*. Voir ci-dessous la démytholigisation de Rudolf Bultmann.
*On
pourrait aussi bien parler de ‟Jésus de la foi” (confiance entière en Jésus née
de la prédication de l'Évangile) et de ‟Christ de l'histoire” (histoire des
dogmes).
École radicale,
aux Pays-Bas, dans le Nouveau Testament, tout est fictif, rédigé par un groupe
en vue de prendre le pouvoir ; dans une seconde période : les Évangiles
exploitent un "culte de Jésus" préexistant dans le Proche-Orient.
Voir Arthur Drews, Die Christusmythe, 1909-1911.
École historique de la
rédaction, Hans
Conzelmann, Die Mitte der Zeit (Le milieu des temps, exégèse de l'Évangile selon Luc, 1954) : alors
que l'École des formes historiques considère de petites unités de texte,
cette école s'intéresse à la personne et au style des rédacteurs bibliques, aux
textes pris dans leur globalité.
L'exégège
barthiste : Wilhelm Vischer, 1895-1988, Le
témoignage rendu au Christ dans le Premier Testament, plusieurs volumes
(attestations parfois forcées) ; Gerhard
von Rad, 1901-1971, Théologie de l'Ancien Testament : la
révélation biblique ne commence pas avec la Création, mais avec la Sortie
d'Égypte (la libération d'un peuple).
L'exégèse
narrative : pénétrer dans l'acte
d'écriture même, aux intentions des auteurs. Origine : Robert Alter (né en 1935, professeur à l'université de Berkeley,
États-Unis), The Art of Bliblical
Narrative, 1981 : rencontre d’un critique littéraire et d’un
hébraïsant familier du midrache sur le texte du Premier Testament. Paul Ricœur (1913-2005) estime que
l'exégèse ne se suffit pas à elle-même, qu'elle est dépassée dans sa propre
ligne par l'herméneutique, l'interprétation, qui ouvre l'accès à ‟une
nouvelle naïveté post-critique”*. Daniel
Marguerat (né en 1943) pousse cette recherche jusqu'à nous faire pénétrer
‟dans les coulisses” de la rédaction des textes bibliques**.
*
Voir ses textes d'herméneutique biblique, traduits et publiés par
François-Xavier Amherd : F-X. Amherdt : Paul
Ricœur L'herméneutique biblique
Éditions du Cerf, 2001.
**
Daniel Marguerat et Yvan Bourquin : Pour lire les récits bibliques. Initiation à l’analyse narrative, Genève-Paris, Labor et Fides-Éditions du
Cerf.
Un
seul aspect de la Bible qui ne sera étudié qu'au 21ème siècle : l'archéologie
préhistorique.
Parmi les grandes
entreprises, il faut signaler :
le Commentaire du Nouveau Testament selon le Talmud et le Midrach (Kommentar des Neuen Testaments aus Talmud
und Midrasch) de Hermann Strack
(1848-1922) et Paul Billerbeck
(1833-1932), 8 volumes, qui donne, pour chaque occurrence du Nouveau Testament,
les textes du Talmud ou les commentaires du Midrach qui y correspondent.
De même, le Dictionnaire théologique du Nouveau
Testament (Theologisches Wörterbuch zum Neuen Testament) de Gerhard Kittel (1888-1948)*
et collaborateurs, en 18 volumes qui donne les sens de chaque mot du Nouveau
Testament ainsi que leur emploi dans les textes de la littérature chrétienne
ou profane du 1er siècle.
* Gerhard Kittel,
éminent théologien protestant, membre du parti nazi, notoirement antisémite, a
fait l'objet d'une épuration à la fin de la guerre 39-45.
Le
travail théologique
non
moins considérable : les indications qui suivent ne sont là que pour donner
envie d'aller plus loin ; pour cela, voir l'Annexe ci-jointe.
Rudolf Bultmann
(1884-1916) : La démythologisation (non une démythisation) consiste à faire
parler les mythes bibliques, ils nous font alors découvrir des possibilités
d'existence nouvelles et uniques en leur genre.
Karl Barth
(1886-1968) : Pour l'Église (sa prédication), les doctrines bibliques traitées
dans l'analogie de la foi, sont nécessaires et suffisantes.
Dietrich Bonhöffer
(1906-1945) : La Grâce a bon marché écœure le monde, la Grâce coûte jusqu'à
notre vie peut-être. Dans la tension de ces temps avant-derniers, l'éthique
chrétienne doit permettre des témoins de la sainteté-pour-tous.
Oscar Cullmann
(1902-1999) : Le déjà-la (Jésus) et le pas encore (le témoignage chrétien) ne
peuvent se séparer, ils permettent d'inscrire le salut chrétien dans l'Histoire
profane.
Paul Tillich
(1886-1965) : Nous pouvons trouver des corrélations (ni correspondances, ni
équivalences) aux notions bibliques dans toutes les cultures.
Théologie
du Process
: théologie qui fait appel à une philosophie (la métaphysique du mathématicien
Alfred Whitehead, 1877-1947). Dieu
évolue et fonction de nos évolutions.
Théologie
de la Mort de Dieu : Nietzsche : La
civilisation occidentale a fait faillite entraînant le christianisme avec elle,
Dieu est mort. Plusieurs théologiens ont pris au sérieux cette constatation,
pour un christianisme entièrement sécularisé : John A.T. Robinson, Honest to God, 1963 (influencé par P.
Tillich) ; Harvey Cox, The Secular City, 1965 ; John
Hick, The Myth of God incarnate,
1977 ou encore ‟Des Christs par milliers”, film de Philippe Arthuys, 1971, qui diffuse, en arrière plan, la Passion selon saint Matthieu de J-S. Bach : tous les martyrs d'une cause humaine
sont des "christs". Une voie qui peut conduire jusqu'à des
théologiens qui se diront athées : l' "athéisme christologique" qui
pousse au-delà de ses limites l'idée de la kénôse
de Philippiens 2, 6-7 (Jésus s'est vidé de sa divinité pour devenir semblable à
nous). On en arrive au N'importe quoi.
Pour
Etty Hillesum (1914-1943), jeune
juive proche de l'Évangile, morte en déportation, auteur d'un Journal intime 1941-1943 et de Lettres
de Westerbork (le Drancy néerlandais) et pour Dorothée Sölle (née en 1929) : Die
Stellvertretung (La Suppléance ou Représentation), il s'agit plutôt
d'un Dieu non-tout puissant, voire impuissant : désormais Dieu ne peut plus
rien pour nous, c'est à nous ce faire quelque chose pour Lui.
Théologies
marxistes : théologies de la
libération ou de la révolution qui lisent la Bible à travers une grille
marxiste dans une optique manichéiste pour laquelle il n'y a que deux camps,
les opprimés et les oppresseurs, on ne peut être que dans l'un ou dans l'autre.
En France, du côté protestant, on peut citer Georges Casalis (1917-1987).
LES
PARA-ÉGLISES
Le
terme d'Église est repris par plusieurs mouvements comme les Témoins de Jéhovah issus de Étudiants
de la Bible de Charles Taze Russell
(1852-1916).
L'
Église mormonne, les Mormons ou
Saints des derniers jours de Salt-Lake City, fondés sur une révélation donnée à
Joseph Smith (1805-1844, Le Livre de Mormon, pastiche biblique),
L'Église de la scientologie. Fondée par Ron Hubbard (1911-1986) en 1952 aux
États-Unis, qui réunit une prédication du dynamisme de la vie et de la survie
à des pratiques para-médicales contestables (la Dianétique : se débarrasser
de ses idées ou images inconscientes négatives -les engrammes- [non reconnus
en psychologie). ‟Si vous voulez gagner de l'argent, fondez une Église”
(propos attribué à Ron Hubbard).
Ces
deux dernières parfois considérés, à tort, comme des sectes protestantes.
À noter qu'il y a eu des pacifistes, des non-violents,
des objecteurs de conscience (en tout cas du côté protestant : Les Chevaliers de la Paix du pasteur Étienne
Bach -14-18-, le pasteur Étienne Matthiot emprisonné en France pour objection
de conscience, l'action d'André Trocmé -39-45-)
et de son épouse. Ils ont été considérés comme objectivement situés du
côté de l'ennemi.
ANNEXE
Ernst Troeltsch
(1865-1923) fait le lien entre 19ème et 20ème siècles. Dans sa réflexion
d'histoire de la culture (qui touche plus à Hegel qu'à Max Weber) il estime que
l'Occident, lieu de la divergence entre religion et culture, est propre à
promouvoir un esprit planétaire qui recueille tous les acquis positifs de
l'Histoire.
Albert Schweitzer (1875-1965) :
pasteur, théologien (l'eschatologie conséquente : être conséquents avec le
retardement de la Parousie se traduit par le respect universel de la vie),
musicien qui fait connaître Jean-Sébastien Bach, médecin missionnaire à
Lambaréné, il aboutit à une éthique de la vie. Prix Nobel de la Paix.
Toyohiko Kagawa
1888-1960 : laïc protestant japonais, militant social (créateur de la
Fédération japonaise du travail, 1919), pour des syndicats libres qui élisent à
la proportionnelle un parlement où seront traitées les questions relevant du
monde du travail. Témoin d'une foi rayonnante (Avant l'Aube, L'Archer tirant contre le soleil), plusieurs fois proposé pour un Prix Nobel de la Paix.
Sur Kagawa, K.T. Cho dans la Revue du
christianisme social, mai-juin et juillet-août 1962.
Maurice Goguel (1880-1955),
historien des Églises des premiers siècles, professeur à la Sorbonne et à la
faculté de théologie protestante de Paris, il établit la pleine historicité de
Jésus dans une controverse avec Charles Guignebert qui soutenait que c'était un
personnage mythique.
Charles Harold Dodd (1884-1973)
: exégète du Nouveau Testament qui prend ses distances avec la théologie de
l'eschatologie conséquente (voir Albert Schweitzer). La pensée eschatologique
du Nouveau Testament nous est étrangère, mais elle l'était également pour le
monde grec. Il existe une eschatologie
réalisée en et par Jésus et pour ceux qui sont "en Christ" (realized eschatology) qui est une prolepse de l'eschatologie finale (la
transfiguration de l'histoire selon Paul), de la Gloire.
Rudolf Bultmann (1884-1976) : à
la fois exégète et systématicien : son apport principal pourrait être la
"démythologisation", non l'éradication des mythes (démythiser, démystifier),
non leur interprétation (comme chez Sigmund Freud), mais leur faire dire ce
tout qu'ils veulent dire (les décortiquer, les faire parler) et cela dégagera
pour nous des possibilités d'existence nouvelles (et sans doute aussi, à
nulles autres pareilles) dont nous pourrons devenir participants (phénomène commparable à une conversion).
Soit la Résurrection : il ne s'agit pas de croire en un corps mort qui reprend
vie, mais ‟Celui qui croit en moi ne vient pas en jugement, il est passé de la
mort à la vie” (Jean 5,24). La possibilité d'un être-pour-la-vie donnée à tous
ceux qui tirent le sens de leur existence des paroles de Jésus (ni un être pour
le bonheur, un être pour la sagesse ou un être pour la mort).
Son
disciple et successeur Ernst Käsemann 1906-1998 (membre de l'Église confessante
dès 1933, emprisonné par la Gestapo pour avoir soutenu des mineurs communistes
alors qu'il était pasteur dans une paroisse en milieu de mineurs ; enrôlé dans
la Wehrmacht, prisonnier de guerre, libéré en 1946, sa fille Elisabeth
arrêtée, par les Forces de sécurité du régime Pinochet, en Argentine, fait partie des "disparus" de ce
régime (sans doute assassinée le 24 mars 1977). Il se défait de l'obédience
existentialiste de son maître Rudolf Bultmann, revient à une exégèse classique
: à la date de 1954 : a) Quête du Jésus historique : son autorité à l'égard de
la Loi, sa proximité et son intimité avec le Père (Abba), l'imminence de la basiléia des cieux (en 1960 : importance
de l'apocalyptique [il retrouve Johannes Weiss]); b) dans le message
évangélique, le kérygme, il revient en propre à Jésus ce qui ne s'explique ni par
le contexte juif ni par le contexte chrétien du premier siècle ; 1980 : ses
critères sont contestés par les tenants de la troisième quête du Jésus
historique, c) un magistral Commentaire des Romains;
Karl Barth
(1886-1968) : En réaction contre l'embourgeoisement de l'Église, il commence
comme un pasteur chrétien social (influence de Leonard Ragaz -1868-1945- pasteur et théologien
"socialiste") ; choqué par ce qu'il a vécu au cours de la guerre de 14-18 et par le nationalisme
chauvin des intellectuel allemands, mais soutenu par la pensée de Jean-Christophe Blumhardt (1805-1880)
et de son fils Christophe Blumhardt
(1842-1919), pasteurs et théologiens évangéliques, il prend ses distances avec le monde
intellectuel, théologiens compris ; ensuite, il est de ceux qui ont su dire
‟Non” au nazisme et à l'antisémitisme (Synodes de Barmen, 1934) et sera l'un
des fondateurs de l'Église confessante allemande, exclu de l'Université
allemande, il est appelé à Bâle, sa ville natale qu'il ne quittera plus.
Théologiquement,
il fait retour aux Réformateurs contre la théologie libérale devenue histoire
des religions ou philosophie religieuse, pour une théologie de la Réconciliation,
englobant de la sanctification et de la justification (Dogmatique de l'Église,
1932-1968) (son rapport à Schleiermacher est difficile).
Son
Commentaire de l'Épître aux Romains (2ème
édition, 1922), qui fait droit à ‟la différence qualitative infinie” de Kierkegaard, pour affirmer la
transcendance.
La
théologie qui suit (Début de sa Théologie
de la Réconciliation, qu'il développera jusqu'en ses derniers jours) est un
théocentrisme et un christocentrime. Théocentrisme : il faut toujours partir
de Dieu, qui est le Tout-Autre, non partir de l'humain. Parler de Dieu à partir
de Lui-même, de façon nécessairement dialectique : le non enfermé dans le oui,
le oui enfermé dans le non, la vie malgré la mort, la Grâce malgré le péché, le
nouvel-homme malgré le vieil-homme*. On peut mesurer sa concentration christologique sur la prédestination
: Jésus, l'Élu-Réprouvé, prenant sur lui, une fois pour toutes, la double prédestination**.
Sa
réflexion sur le Proslogion d'Anselme
de Cantorbéry (1033-1109) lui permet de dépasser la dialectique avec
l‟'analogie de la foi”, une analogie de relation inspirée de Romains 12,6 qu'il
oppose à l' ‟analogie de l'être” du dogme catholique. Continuité sur le
plan de l'analogie relationnelle, mais rupture du ‟saut de la foi” pour une
décision existentielle. Devant les difficultés, il a toujours recours au
christocentrisme : le Seigneur biblique, explicité comme le "Tout
Autre", devient "prochain" lorsqu'il s'approche de nous en Jésus
Christ, lequel est l'image de Dieu retrouvée, l'homme tel que voulu par le
Créateur.
Tout
du long, la Dogmatique de K. Barth se
veut une "Dogmatique de
l'Église" , pour l'Église : chaque baptisé est membre bénéficiaire de
l'Église comme chaque israélite circoncis est membre du peuple d'Israël (a foi
est communautaire ou n'est pas). Ceux qui sont hors de l'Église ou en sont
sortis, ne sont ni exclus du salut, ni ne forment une Église invisible ou
putative, ils sont au bénéfice de Dieu qui
est juste et miséricordieux pour tous.
À
force de doctrines bibliques on en vient à un ‟Positivisme de la révélation”
(D. Bonhœffer). À force de théocentrisme et de christocentrisme***, on en
oublierait l'être humain, en toute fin
de carrière,K. Barth a répondu à cette critique dans un livre aux dimensions
modestes : L'Humanité de Dieu.
*
La théologie dialectique permet de relever les contradictions nées de la
modernité : ‟Malgré les limites de notre raison et les révoltes de notre cœur,
nous croyons en Dieu […] Malgré nos incompréhensions et nos refus, nous croyons
en sa [de Jésus] résurrection […] Malgré l'ignorance et l'incrédulité, nous
croyons que le royaume de Dieu est pour tous les hommes” (confession de foi de
K. Barth).
**
Cette solution christologique de la double prédestination calvinienne a été
suggérée à Karl Barth par Pierre Maury,
professeur à la Faculté de théologie protestante de Paris (Revue Foi
et Vie 1936), elle est conforme à l'annonce du Serviteur Souffrant d'Esaie
53.
***
K.Barth ne tombe cependant pas dans la "concentration
christologique", les théologies qui en viennent à oublier le rôle du Saint
Esprit dans la vie du chrétien et de l'Eglise.
Dietrich Bonhoeffer
(1906-1945) : membre de l'Église confessante mort supplicié à la prison de
Flossenbourg avec l’amiral Canaris.
Sa théologie passe par plusieurs étapes
: une pensée engagée Le prix de la grâce,
les temps avant-derniers marqués par la sécularisation (Éthique), un renouvellement de fond en comble pour atteindre
l'homme non-religieux des temps modernes (Résistance
et soumission, ses écrits de prison). Il a été celui qui, depuis l'un de
ses premiers ouvrages, La Communion des
saints (1927), jusqu'à Résistance et
soumission (1945), a été le plus
préoccupé de la destinée de l'Église. Dans un État totalitaire, la réponse
était : l'Église confessante, dans une société décléricalisée où ne règnent que
les valeurs de l'humanisme laïc, en général, la réponse a été : retrait des
Églises dans la sphère du privé, dans le cas de la mondia<-li au="" celle="" cherchons="" d="" dans="" de="" des="" dias="" du="" est="" et="" fi="" formuler="" glise="" gu="" l="" la="" lection="" lus="" m="" mais="" moins="" multiculturel="" n="" ni="" nous="" num="" o:p="" ponse="" pour="" pr="" que="" qui="" r="" ra="" rique="" sa="" saintet="" saints="" service="" soci="" t="" tion="" tive="" tous.="" une="">-li>
Les frères Niebuhr,
théologiens américains : Richard, 1894-1962
réfléchit sur foi-culture, Églises-culture ;
Paul : 1892-1971 éthicien, il fixe sa pensée sur les notions de crise = kaïros et de jugement (krisis). Ils ont fortement influencé la
pensée socio-politique protestante avant, pendant et après la seconde guerre
mondiale.
Oscar Cullmann
(1902-1999) : exégète du Nouveau Testament, dans
Christ et le Temps il pose nettement que le Nouveau Testament se situe dans
un temps linéaire et non cyclique, dans Le
Salut dans l'Histoire, il établit que Jésus est l'instant qui marque le
centre de l'Histoire, que l'eschatologie s'exprime comme le ‟déjà-là et le
pas encore”. Observateur protestant au concile de Vatican 2.
Jacques Ellul
(1912-1994): né dans une famille juive, converti au protestantisme, professeur
de droit à Bordeaux, révoqué par Vichy, engagé à la suite de Karl Barth il développe,
dans une quarantaine d’ouvrages, une critique de la société technicienne
pseudo démocratique pour une pensée économique écologique et pour un
protestantisme prophétique, il sera élu Président du conseil national de
l'Église réformée de France. José Bové et Noël Mamère sont de ses anciens
étudiants.
Paul Tillich
(1886-1965) : chrétien social, théologien luthérien anti nazi, révoqué par
Hitler, accueilli aux États-Unis en 1933. De sa pensée théologique qui va
largement évoluer dans le milieu théologique américain et au contact des
civilisations extra-européennes (le Japon, en particulier), on retiendra :
a)
du côté de la culture et de la religion : ‟La culture est la forme de la
religion et le religion est la substance de la culture” (Conférence faite à
Berlin en 1919).
b)
du côté de la philosophie et de la théologie : la théologie a besoin d'une
philosophie qui pose la question de l'être. Pour la philosophie religieuse,
Dieu est la profondeur de l'être, pour la foi, le Dieu vivant est ‟Une personne
et sa propre négation comme personne” (Religion
biblique et ontologie, p.53).
c)
du côté de l'histoire des religions : la religion est le phénomène humain
universel par excellence ce qu'il exprime par la ‟Préoccupation ultime” (voir :
le Sentiment de dépendance absolue chez D. Schleiermacher, l'apriori religieux
de E. Troeltsch) ; dans le monde religieux, le symbole est opérant -médiateur
?- (il nous confère la part essentielle de ce qu'il contient -souvenir de la
consubstantiation de Luther ?-) ;
les symboles bibliques de Jésus Christ, du royaume de Dieu, du Saint
Esprit, sont particulièrement opérants, non seulement dans la culture
occidentale, mais dans toutes les cultures dans lesquelles ils peuvent trouver
des "corrélations"*, des relations logiques, non des équivalences (Théologie de la culture, 1959) ;
d)
du côté existentialiste (Le Courage
d'être, 1952), l'être humain a le sens de la séparation entre essence et
existence, d'où découle une suite de polarités (les compromis de E. Troeltsch
deviennent des paradoxes) lesquelles, en particulier grâce à la culture
"théonomique" de la Bible (alignée sur l' ‟Inconditionnel réel”: le
corrélatif de "Dieu"), forment une spirale** ascendante (on pense
à l'anagogie platonicienne)
ponctuée de "moments" (kaïroï)
qui marquent des tournants décisifs (le principal étant Jésus lui-même) avant
de se résoudre dans l'Inconditionnel (ni fin de l'Histoire ni Idéal) .
e)
du côté proprement théologique : Théologie
systématique, 1951-1963 où nos affirmations théologiques, placées sur
la frontière avec les cultures, sont transcrites dans des concepts universels,
telles la ‟théonomie” : accepter d'être accepté ou les ‟structures de grâce” :
l'homme nouveau qui réunit essence et existence, réalisations dans l'histoire
qui ont une portée thérapeutique. Jésus Christ, comme quelques autres grandes
figures spirituelles, est une réalisation historique de la théonomie.
* Le péché =
l'aliénation, le salut = guérison, Jésus = homme désaliéné par excellence, la
foi = courage d'être, justification = être nouveau, rédemption = action de l'être nouveau qu'est
Jésus comme Christ sur les êtres aliénés que nous sommes, Croix = symbole de
l'obéissance de Jésus au Père, Résurrection = symbole puis événement spirituel.
Personnellement,
j'estime que la corrélation du péché biblique serait plutôt la néantisation
sartrienne : plus il y a d'être, plus encore y a-t-il du non-être, le ver dans
le fruit. Le néant -non-être- est transcendance par rapport à l'être,
l'équivalent existentiel du "vouloir être comme des dieux (ou comme Dieu)
" de Ge 3, 5.
** La spirale
ascendante, invention des existentialistes pour concilier le temps cyclique
avec le temps linéaire.
f) du côté de l'histoire des Églises : la
différence entre le principe catholique [et orthodoxe] de la substance
(présence réelle de Dieu dans notre monde) et le principe prophétique
protestant qui maintient toujours la réalité de Dieu dans son entière transcendance (Œuvres, tome 4, 1990). L'Église manifeste (les Églises que nous
connaissons, animées du dynamisme de l'être nouveau) et l'Église latente
(composée des non-chrétiens de tous horizons considérés comme des chrétiens putatifs
qui peuvent posséder des aspirations para-chrétiennes). Pas de prise en compte
des sectes.
Théologie du Process
: une application de la métaphysique du mathématicien Alfred Whiteheads (1861-1947 : la réalité est faite de processus
créateurs en devenir) à partir de Charles
Hartshorne (1897-2000), philosophe américain de la religion, dans les
années 1930 : le Dieu de la religion biblique
n'est pas celui que la théologie pense comme Être parfait, impassaible,
inchangeable, au contraire, tout est relations, fonctionalités concomittantes
(influence d'Einstein, la relativité généralisée ?), Dieu change en fonction
de l'évolution de l'être humain et de nos sociétés qu'il transforme en retour
Les
théologiens du Process ont le
« sentiment très fort de la présence de Dieu », ils «insistent sur
l’immanence et la proximité de Dieu ». Croyants s’adressant à des
croyants (et pour qui tout incroyant est un croyant qui s’ignore encore), ils
s’opposent aux théologiens du Dieu totalement Autre (K.Barth) et aux
déconstructivistes. L'idée centrale
du ‘‘dynamisme créateur’’ voit en Dieu l’Actant qui participe au même process que l’univers, autre actant
qui lui tient au corps bien qu’il soit distinct et doué d’autonomie. Dieu
injecte des possibles que l’humanité s’approprie. Après avoir été lui-même
affecté par nos actions (toujours ambiguës), il se reprend pour nous proposer,
dans une étape suivante, des cibles nouvelles, opportunes et persuasives, et
ainsi de suite (à l’infini ?), dans une progression continue, sans
mutations, sur le modèle lamarckien, mais aussi sans répit (sans chabbat). Ce déroulement, calé sur son
axe historique, n’est ni acquis d’avance (car exempt de manipulations) ni
jamais clos (d’où l’incomplétude de Dieu). Il continue néanmoins d’être
envisagé avec optimisme comme plénitude (enjoyment)
en marche. Ce dynamisme créateur se retrouve, sous forme animiste, dans la
pensée Dogon, comme dynamisme de l’Être.
La similitude entre le dynamisme créateur et la théorie astrophysique de l’univers
en expansion, d’un côté, entre les
injections de possibles par Dieu et l’hypothèse du renouvellement de la vie
sur terre par un bombardement de bactéries venant de l’espace, d’un autre
côté, confèrent un aspect
parascientifique aux théologies du Process .
Ce qui est frappant, c’est la parenté qui existe, du moins au plan systémique,
avec la ‘‘main invisible’’ d’Adam Smith, laquelle est réputée gérer et réguler
spontanément le monde, du dehors et à notre insu, de manière performante et
créative, à travers l’économie.
Théologie de ‟la mort
de Dieu” : Hegel
emploie cette expression pour parler de la fin d'un régime philosophique, d'un
‟vendredi saint spéculatif” (fin du premier volume de sa Phénoménologie de l'Esprit,
1807), chez Nietzsche (Ainsi parla Zarathoustra, 1883) il
s'agit du rejet du christianisme sous
tous ses aspects, rejet coûteux qui peut déboucher sur le nihilisme. Partant de
la kénôse (Phil 2, 7), des
théologiens protestants [sans doute oublieux du rôle du Saint Esprit dans la
vie du chrétien et l'histoire du christianisme] ont conclu à une théologie de
la vérité dans l'impuissance (ou la non
puissance) de Dieu (Etty Hillesum,
Dorothée Sölle) ou encore de la mort
de Dieu, ferment révolutionnaire qui répondrait
à la vocation des chrétiens dans un monde athée en pleine métamorphose sociale,
culturelle et politique (une religion sécularisée pour une société
laïque, sauver les valeurs bibliques et
théologiques qui le peuvent encore : William
Hamilton, 1924-2012, Thomas Altizer,
né en 1927, Gabriel Vahanian
1927-2012, Paul Van Buren,
1924-1998). Dans la période de Mai 68, plusieurs théologiens protestants se
réclameront également de la théologie de la mort de Dieu pour une pensée
christianisée entièrement sécularisée
: John A.T. Robinson, Honest to God, 1963 (influencé par P. Tillich) ; Harvey Cox, The Secular City, 1965 ; John Hick, The Myth of God incarnate, 1977 ou
encore ‟Des Christs par milliers”,
film de Philippe Arthuys, 1971, qui
diffuse, en arrière plan, la Passion
selon saint Matthieu de J-S. Bach
: tous les martyrs d'une cause humaine sont des "christs". Une voie
qui peut conduire jusqu'à des théologiens qui se diront athées : l'
"athéisme christologique" qui pousse au-delà de ses limites l'idée de
la kénôse de Philippiens 2, 6-7
(Jésus s'est vidé de sa divinité pour devenir semblable à nous). On en arrive
au N'importe quoi.
Pour
Etty Hillesum (1914-1943), jeune
juive proche de l'Évangile, morte en déportation, auteur d'un Journal intime 1941-1943 et de Lettres
de Westerbork (le Drancy néerlandais) et pour Dorothée Sölle (née en 1929) : Die
Stellvertretung (La Suppléance ou Représentation) : désormais Dieu ne
peut plus rien pour nous, c'est à nous ce faire quelque chose pour Lui.
Théologies de la
libération : il a existé un protestantisme de la
libération en Amérique Latine, mais aux États -Unis, la révolte des
afro-américains, protestants évangéliques pour la plupart, ne va pas vers une théologie de la
libération, il débouche sur une conversion à l'islam suivant le modèle de
Cassius Clay devenu Mohamed Ali.
Théologies marxistes :
Georges Casalis (1917-1987) : marxiste, pasteur, professeur
de théologie, décédé au Nicaragua où il soutenait la lutte de libération
des paysans : Les idées justes ne tombent
pas du ciel, même en théologie, elles naissent des luttes sociales
progressistes. Une théologie qui adopte la grille du matérialisme socialiste
marxiste : les chrétiens engagés à, voire sommés de, se joindre au combat
révolutionnaire marxiste athée*, car le triomphe universel de la société
socialiste apportera avec lui l'accomplissement
réel du christianisme (voir Catholiques : Théologies de la libération)**.
*
Théologies qui posent le problème en termes politiques manichéistes pour
lesquels l'humanité se trouve divisée en deux camps sans remise : les opprimés
ou les oppresseurs, il faut choisir son camp et malheur si on ne choisit pas
celui des opprimés.
**
Rappelons que la bonne pratique bolchevique-léniniste consiste à éliminer
successivement tout ce qui n'est pas lui-même, tous ceux qui ne suivent pas la
ligne du parti. Pour les communistes humanistes italiens (Antonio Gramsci,
1891-1937) le même résultat peut être obtenu par des voies démocratiques. ‟Les
chrétiens sont d'utiles idiots” (attribué à Léon Trotzki, né en 1879, assassiné
par un émissaire du parti russe des bolcheviques-léninistes, à Mexico, en
1940).
Les Théologies
féministes (qui parlent de Dieu au féminin) et les théologies noires ou africaines
(reportant parfois dans la théologie le modèle de leurs relations familiales)
qui se sont développées sur le terreau protestant entrent dans ce même cadre
des théologie de la libération.
et encore faudrait-il
parler d'Emil Brunner (1889-1966),
proche de Karl Barth et en contestation avec lui, de Jürgen Moltmann (né en 1926) et de sa Théologie de l'espérance, de
son épouse Élisabeth Moltmann-Wendel
(1926-2016), théologienne féministe, de Wolfhart
Pannenberg (1918-2014), d'origine polonaise, et de sa christologie, ou
encore d'Eberhard Jüngel (né en
1934) et de son livre : Dieu mystère du
monde.
Jacques
Gruber